Compétences et attendus dans l’apprentissage de la langue étrangère ¶ Aujourd’h

Compétences et attendus dans l’apprentissage de la langue étrangère ¶ Aujourd’hui, nombre d’enseignants et de formateurs en langue étrangère se réfèrent au Cadre européen commun de référence pour les langues. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un cadre de travail qui, à ce titre, ne permet pas le passage direct à l’action de formation. Pour ce faire, il est en effet nécessaire de d’abord définir et construire des apprentissages, en lien avec les descripteurs qui s’y trouvent. Dans cet article, je me propose d’illustrer cette étape intermédiaire qui servira à mettre en place des activités pédagogiques dans une optique d’utilisation de la langue en situation réelle. Plus concrètement, je partirai des descripteurs qui permettent de définir le profil type de l’apprenant de niveau A2, niveau important pour le secteur de l’alpha puisque c’est notamment le niveau requis pour l’obtention de la nationalité belge. Par Maria-Alice MÉDIONI 33 Création de référentiels pour la formation L e Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) a déjà 15 ans. Il a introduit des éléments nouveaux qui sont, aujourd’hui, deve- nus des incontournables de la réflexion didactique en langue étrangère : – – des niveaux communs de référence, de A1 à C2 ; – – un découpage de la compétence linguistique en 5 activités langagières de réception (écouter, lire), de production (parler, écrire, seul ou en interac- tion), de médiation (traduire/interpréter) ; – – la notion de tâche inscrite dans une perspective actionnelle : apprendre une langue c’est produire des actions sociales ; – – la compétence langagière constituée de trois composantes désignées elles aussi comme compétences : la compétence linguistique, la compétence so- ciolinguistique et la compétence pragmatique. Pour autant, le CECRL ne prétend pas être un référentiel mais plutôt un cadre susceptible d’offrir « une base commune pour l’élaboration de programmes de langues vivantes, de référentiels, d’examens, de manuels, etc. en Europe »1. C’est ainsi que sont apparus des référentiels « adaptés » à des situations par- ticulières, concernant surtout l’enseignement du FLE : référentiels pour le FLsco (français langue seconde et de scolarisation), pour les migrants ou dans le cadre de l’illettrisme. Tous portent une attention particulière à la question de l’évaluation, à l’instar du CECRL qui dresse un inventaire des différents types d’évaluation2. Force est de constater que, dans le monde de l’école, la focalisation s’est faite sur l’évaluation – au détriment parfois des deux autres dimensions du Cadre : apprendre et enseigner –, et particuliè- rement sur l’évaluation sommative3. Le secteur de l’alphabétisation, pour sa part, se situe davantage dans une perspective d’évaluation formative : tra- vailler sur l’évaluation, c’est travailler à faire que l’évaluation puisse servir à l’apprenant comme à l’enseignant ou au formateur, pour améliorer le travail de chacun. 1 Conseil de l’Europe, Cadre européen commun de référence pour les langues. Apprendre, enseigner, évaluer, Strasbourg, 2001, p. 9. En ligne : www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Framework_fr.pdf 2 Ibid., p. 139 et suivantes. 3 Voir : MÉDIONI Maria-Alice, Peut-on échapper à l’évaluationnite ?, in Cahiers pédagogiques, CRAP , n°491, septembre-octobre 2011, Évaluer à l’heure des compétences, pp. 29-31. Version longue en ligne : http:// ma-medioni.fr/sites/default/files/article_files/peut_on_echapper_a_l_evaluationnite.pdf 34 Journal de l’alpha n°202 C’est dire que le travail du formateur ou de l’enseignant consiste à réfléchir aux situations d’enseignement qu’il va proposer aux apprenants, en termes d’objectifs, de contenus et de régulations, pour que se construisent les connaissances et les compétences visées. Des situations qui offrent en même temps des observables aux apprenants pour qu’ils puissent se voir avancer4. Car les échelles de niveau et les descripteurs du CECRL sont des outils pour l’évaluation. Ils sont censés renseigner sur les attendus d’une formation à l’autonomie langagière au fil des différents degrés mais ne disent rien de « comment il faut s’y prendre » pour atteindre le niveau visé. Ce sont aussi des outils très intéressants pour l’autoévaluation, tout comme le Portfolio européen des langues5. La vigilance est par ailleurs de mise face à la dérive possible vers la pédagogie par objectifs : le découpage en capacités et le contrôle en cours d’appren- tissage des comportements attendus, de façon régulière et fréquente, afin de réajuster les objectifs visés, dans une démarche linéaire et cumulative. Le risque c’est de réduire et de morceler l’activité de l’apprenant en com- portements observables et mesurables, d’aboutir, en somme, à une « pédago- gie du saucissonnage » selon De Ketele6 : l’apprentissage consiste à s’adapter aux tâches proposées, sans que les apprenants soient en mesure de définir leurs propres objectifs, sans qu’il y ait place pour l’imprévu, dans une visée à court terme. Dans ce type de découpage, l’apprenant est sollicité sur des tâches simples facilement mesurables : c’est la logique du produit. Tout au contraire, un apprentissage visant l’autonomie langagière et l’émancipation repose sur la complexité : apprendre suppose la résolution de problèmes. Les tâches complexes s’inscrivent dans une logique du processus : c’est la com- préhension du problème et la manière de le résoudre qui sont visées, partant du principe qu’on peut réussir sans comprendre mais que comprendre per- met de mieux réussir. 4 MÉDIONI Maria-Alice, L’évaluation formative au cœur du processus d’apprentissage, Chronique sociale, Lyon, 2016. 5 Conseil de l’Europe, Portfolio européen des langues pour jeunes et adultes, Didier, Paris, 2001. 6 DE KETELE Jean-Marie, Observer pour éduquer, Peter Lang, Berne-Francfort, 1980. 35 Création de référentiels pour la formation Pour illustrer ces questions, je vous invite à regarder de près les échelles relatives au niveau A27, ici choisi en raison de sa pertinence pour le secteur de l’alpha. Il s’agira de partir des descripteurs qui permettent de définir un profil type de l’apprenant de niveau A2, pour les différentes activités langa- gières8 ; pour chaque descripteur, de tenter d’en analyser et d’en questionner le contenu ; d’envisager enfin ce que cela peut supposer en termes d’appren- tissage, et donc d’enseignement. En quelque sorte, un aide-mémoire pour le formateur, qu’il devra complexifier par le recours à d’autres indicateurs plus détaillés à puiser dans le texte même du CECRL, ou dans des documents annexes, comme le Portfolio, ou complémentaires9.10 Écouter Les activités de réception revêtent depuis l’avènement du CECRL une im- portance accrue, et tout particulièrement la compréhension orale, partant du principe qu’on comprend généralement mieux et plus vite qu’on ne parle une langue étrangère. 7 Quand elle arrive dans un groupe de niveau A2, la personne a déjà validé le niveau A1, soit le niveau dit « introductif ou de découverte ». La formation de niveau A2 (niveau « intermédiaire ou de survie ») devra lui permettre de « comprendre des phrases isolées et des expressions fréquemment utilisées en relation avec des domaines immédiats de priorité (informations personnelles et familiales simples, achats, environnement proche, travail,…) » ; de « communiquer lors de tâches simples et habituelles ne demandant qu’un échange d’informations simple et direct sur des sujets familiers et habituels » ; de « décrire avec des moyens simples sa formation, son environnement immédiat et évoquer des sujets qui correspondent à des besoins immédiats » (Cadre européen commun de référence pour les langues, op. cit., p. 25). 8 Je préfère utiliser le terme « activité langagière » pour désigner les 5 rubriques énumérées par le Cadre, plus juste, me semble-t-il, que « compétence » qui renvoie à quelque chose de plus large et dont la définition n’est pas vraiment stabilisée. Véronique Castellotti et Bernard Py nous rappellent que la compétence est « inséparable de l’action (on est compétent pour faire quelque chose) » ; qu’elle est « un attribut qui ne peut être apprécié que dans une situation donnée » ; qu’il faut « qu’il existe une instance, individuelle ou collective, qui soit à même de reconnaître cette compétence ». (Véronique CASTELLOTTI et Bernard PY (coordonné par), La notion de compétence en langue, ENS Éditions, Lyon, 2002, p. 11). 9 Voir : Jean-Pierre ROBERT et Evelyne ROSEN, Dictionnaire pratique du CECRL, Ophrys, Paris, 2010 (particulièrement, les sections 90. Niveau A2 et 91. Niveau A2+, pp. 164-171). 10 Un travail similaire a été réalisé pour le niveau B1. Voir : MÉDIONI Maria-Alice, L’évaluation au service de l’apprentissage, in Cahiers pédagogiques, CRAP , hors-série n°18, avril 2010, Enseigner les langues vivantes avec le Cadre européen – Nouvelle édition, pp. 62-65. En ligne : www.gfen.asso.fr/images/documents/ evaluation_au_service_apprentissage_mam.pdf 36 Journal de l’alpha n°202 Activité langagière Ce qui est attendu à l’évaluation Ce que cela suppose en termes d’activités d’apprentissage Écouter 1 Je peux comprendre des expressions et un vocabulaire très fréquent • Travailler les récurrences. • Inventorier régulièrement ce qui a été appris, ce qu’on est capable de mobiliser11. 2 relatifs à ce qui me concerne de très près (par exemple moi- même, ma famille, les achats, l’environ- nement proche, le travail). • Les sujets qui concernent « de très près » les apprenants sont, par définition, variés. • Le formateur ne peut pas se cantonner à « l’utilitaire ». • Ne pas oublier les questions culturelles : historiques, artistiques, etc. 3 Je peux saisir l’essentiel • Travailler la compréhension globale. • Comprendre sans tout comprendre : quelles stratégies ? • Travailler uploads/Management/ ja202-p033-medioni.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Apv 21, 2021
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1436MB