37 L’effet du capital-marque employeur sur l’attractivité organisationnelle : l
37 L’effet du capital-marque employeur sur l’attractivité organisationnelle : le rôle modérateur de la familiarité1 Laïla BENRAÏSS-NOAILLES2 Olivier HERRBACH3 Catherine VIOT4 Résumé Cet article a pour double objectif de tester la pertinence empirique de la notion de capital-marque appliquée à l’employeur et d’étudier sa relation avec l’attractivité organisationnelle. Elle s’appuie sur une étude auprès d’un échantillon de futurs diplômés. Les résultats montrent que les dimensions du capital-marque employeur sont liées de manière différenciée avec l’attractivité organisationnelle. Ils montrent également que l’effet modérateur de la familiarité à l’égard de l’entreprise sur la relation entre le capital-marque employeur et l’attractivité n’est pas celui qui était attendu. 1 Une première version de cet article a été présentée lors de la 33ème Université d’Eté de l’IAS « Audit social et GRH », Montréal, 27 et 28 août 2015. 2 Laïla BENRAÏSS-NOAILLES : Maître de conférences HDR à l’IAE Bordeaux – Université de Bordeaux et membre de l’équipe de recherche en RH de l’Institut de Recherche en Gestion des Organisations (IRGO). Ses principaux champs de recherche portent sur le marketing des ressources humaines, les attitudes au travail et la responsabilité sociétale - laïla.benraiss-noailles@u-bordeaux.fr 3 Olivier HERRBACH : Professeur de sciences de gestion à l’IAE Bordeaux – Université de Bordeaux et membre de l’équipe de recherche en RH de l’IRGO. Ses travaux portent sur le comportement organisationnel, les attitudes et les émotions au travail et la gestion des carrières - olivier.herrbach@u-bordeaux.fr 4 Catherine VIOT : Professeur de sciences de gestion à l’Université Claude Ber- nard Lyon 1, département Techniques de Commercialisation. Elle est membre du laboratoire SAF (Sciences Actuarielle et Financière) de l’université Lyon 1 et chercheur associé à l’IR- GO (Université de Bordeaux). Ses recherches portent sur le management stratégique de la marque, sur le comportement du consommateur et sur le marketing des ressources humaines - catherine.viot@univ-lyon1.fr 38 N°107 - Février 2019 Abstract This paper aims at assessing the empirical relevance of the concept of brand equity in the context of an employer and to study its relationship with organizational attractiveness. It is based on an online study of future university graduates. The results show that the dimensions of employer brand equity are differently related to organizational attractiveness. They also show that the moderating effect of familiarity is not the one expected. Depuis les années 1990, les organisations prennent conscience de la valeur de leur capital immatériel. Ce capital est conceptualisé en tant que construit multidimensionnel recouvrant d’une part le capital structurel et, d’autre part, le capital humain. Alors que le capital structurel comprend « les ordinateurs, les logiciels, les bases de données, la structure organisationnelle, les brevets, les marques déposées […] et le capital client » (Edvinsson et Malone, 1999, p. 26-27), le capital humain résulte de la combinaison des connaissances du personnel, de ses compétences, de son esprit d’innovation, des capacités de chacun à accomplir sa tâche, ainsi que des valeurs, de la culture et du management de l’entreprise. Parallèlement, au-delà de la marque produit/service, la volonté de capitaliser sur un nom s’est étendue à l’organisation en tant que marque (corporate brand), ainsi qu’à l’organisation en tant qu’employeur (employeur brand). Les orga- nisations sont ainsi de plus en plus nombreuses à s’intéresser à leur marque employeur (ME) et à leur attractivité auprès des candidats potentiels. Plusieurs d’entre elles se sont dotées d’une direction dédiée à la ME (SFR, EDF, Engie, Danone, Disneyland Paris, Deloitte, Société Générale, etc.). D’autres commu- niquent au travers de spots publicitaires diffusés dans les médias de masse (télévision, cinéma, Internet), à l’instar des marques de produits et de services, pour promouvoir leur ME (McDonald’s) ou font du sponsoring de programme TV (Armée de Terre). Elles utilisent également leur site institutionnel ou les réseaux sociaux pour communiquer sur les conditions de travail, les opportu- nités de carrière, les possibilités de formation dont bénéficient leurs salariés (Michel et Augustin) ou bien sur le caractère innovant de l’offre de produits/ services proposée (EasyJet) pour donner envie aux candidats potentiels de les rejoindre. La ME est, avant tout, une « promesse d’emploi unique » qui s’adresse aux colla- borateurs ou futurs collaborateurs d’une organisation. Elle résulte d’une combi- naison des « bénéfices » fonctionnels, économiques et psychologiques obtenus par les salariés (Ambler et Barrow, 1996 ; Ewing et al., 2002 ; Franca et Pahor, 2012 ; Soulez et Guillot-Soulez, 2011 ; Viot et Benraïss-Noailles, 2014). Alors que la ME est la promesse qui s’adresse aux collaborateurs et futurs collaborateurs, le capital -marque employeur (CME) qui en résulte reflète la valeur ou la force d’une marque en tant qu’employeur. On peut donc le considérer comme un actif intan- L’effet du capital-marque employeur sur l’attractivité organisationnelle : le rôle modérateur de la familiarité 39 gible par l’organisation qui le détient et qu’il constitue pour elle un « capital », en lien avec le capital humain de l’entreprise qu’il contribue à constituer et à préserver. Nous proposons d’étudier le rôle joué par cet actif intangible sur l’attractivité organisationnelle. En effet, l’intérêt accru des organisations pour leur ME s’explique en partie par le fait que certains profils sont rares et qu’elles doivent aussi, plus généralement, améliorer leur attractivité pour attirer les talents. L’idée que le développement d’un CME fort peut contribuer à accroître l’attractivité des organisations s’est ainsi répandue, en particulier vis-à-vis des jeunes ou futurs diplômés. Cette recherche a ainsi un double objectif. Le premier est de mesurer l’effet du CME sur l’attractivité organisationnelle, en cherchant en outre à mettre en exergue les effets potentiellement distincts des trois dimensions du CME (notoriété, qualité perçue et intention de fidélité). Le second objectif est de tester des modérateurs de la relation entre le CME et l’attractivité organisationnelle. En effet, selon la littérature, cette relation serait influencée, d’une part, par la familiarité avec l’entreprise et, d’autre part, par l’implication à l’égard de la catégorie de produits ou de services qu’elle commercialise. Dans un premier temps, les concepts centraux de cette recherche – le CME et l’attractivité organisationnelle – seront définis (I). À l’issue de cette revue de la littérature, le modèle et les hypothèses de recherche seront présentés (II), puis la méthodologie (III). Enfin, la dernière partie sera consacrée à l’analyse et à la discussion des résultats (IV). 1. Le capital-marque employeur : un levier de l’attractivité de l’employeur De nombreuses recherches se sont intéressées à l’impact de l’image de la ME sur l’attractivité des entreprises et ont montré que les candidats sont plus at- tirés par les entreprises qui bénéficient d’une image de ME attrayante ou d’un CME fort (Knox et Freeman, 2006 ; Cable et Turban, 2003 ; Highhouse et al., 1999). En particulier, des travaux se sont intéressés aux futurs diplômés et ont conclu à l’impact qu’exerce la ME sur les jeunes candidats potentiels (Shahzad et al., 2011 ; Agrawal et Swaroop, 2009). Les études antérieures concluent toutefois que cet impact n’est pas toujours inconditionnel. Des chercheurs ont ainsi identifié des variables modératrices de l’effet de la ME. Parmi elles, on trouve la familiarité à l’égard de l’employeur (Walker et al., 2011), l’expérience préalable du salarié potentiel avec l’organisation – en tant que client ou lors d’un précédent emploi ou stage (Agrawal et Swaroop, 2009) – ou encore le contexte culturel (Baum et Kabst, 2013). 40 N°107 - Février 2019 1.1. Capital-marque employeur En comportement du consommateur, le capital-marque consiste en la valeur donnée au produit ou au service par le consommateur au-delà de ce qui est procuré par ses attributs et caractéristiques en eux-mêmes (Park et Srinivasan, 1994). Dans cette perspective, il a été défini comme étant « les éléments d’actif et de passif liés à une marque, à son nom ou à ses symboles et qui apportent quelque chose à l’entreprise et à ses clients parce qu’ils attribuent une plus value ou une moins-value aux produits et aux services » (Aaker, 1991, p. 15). Ce capital trouve son origine dans les associations reliées à la marque par les consommateurs et se reflète en priorité dans sa notoriété, c’est-à-dire le taux de reconnaissance d’une marque (Keller, 1993). Aaker (1991) adopte toutefois une conceptualisation plus large et considère que le capital-marque reflète non seulement sa notoriété, mais également la qualité perçue de la marque auprès des consommateurs et la fidélité des clients à la marque. La notion de capital-marque a été étendue à l’employeur en tant que marque, mais avec quelques spécificités. Tout d’abord, il y a lieu de distinguer les concepts de employer brand equity (EBE ou capital-marque employeur) et de employee-based brand equity5 (EBBE). Alors que l’EBBE s’intéresse aux effets résultant du marketing RH interne de la marque (King et al., 2012), le CME traduit à la fois la valeur interne et la valeur externe résultant du management de la ME (Foster et al., 2010). En outre, alors que des auteurs comme Ewing et al. (2002, p. 14) transposent intégralement l’approche d’Aaker (1991) à la ME en définissant le CME comme « les éléments d’actif et de passif liés à la marque employeur, à son nom et à sa symbolique, qui s’ajoutent (ou se uploads/Management/ l-x27-effet-du-capital-marque-employeur-sur-l-x27-attractivite-organisationelle.pdf
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- Publié le Sep 13, 2021
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