PTO – vol 17 – n°2 193 L’intention de se maintenir dans une carrière atypique :
PTO – vol 17 – n°2 193 L’intention de se maintenir dans une carrière atypique : quels déterminants individuels et contextuels ? The intention to remain in male-dominated careers : what individual and contextual determinants ? C. Lagabrielle*, A.M., Vonthron**, D. Pouchard***& J. Magne* * Laboratoire de psychologie « Santé et qualité de vie », EA 4139, Université Bordeaux Segalen, 3 ter place de la victoire, 33076 Bordeaux cedex christine.lagabrielle@u-bordeaux2.fr ** Laboratoire de psychologie EA 4431, Université Paris Ouest Nanterre, 200 Avenue de la république, F- 92001 Nanterre cedex – vonthronam@wanadoo.fr *** AFPA transitions, Direction Territoriale du Sud-Ouest Résumé La recherche se propose d’identifier les effets de dimensions attitudinales (satisfaction au travail, implication organisationnelle), identitaires (sentiment d’efficacité personnelle et perception de conflits identitaires de genre) et de facteurs contextuels (soutien social perçu, structuration des procédures d’accueil, aménagement de l’environnement de travail) sur les intentions de maintien de femmes engagées dans des métiers et des emplois dits masculins. L’enquête réalisée auprès de 131 femmes montre que ces deux types d’intention sont prédits par l’implication affective envers l’organisation. Cette dimension est associée à la satisfaction au travail et à l’aménagement du contexte de travail pour la prédiction de l’intention de maintien dans l’emploi occupé alors qu’elle est conjointe au sentiment d’efficacité personnelle et au soutien social matériel perçu émanant des collègues et supérieurs pour expliquer le maintien dans le métier non traditionnel exercé. Abstract This study seeks to identify the determinants of turnover intention at women in male- dominated occupations, and namely, attitude-based (job satisfaction and organisational commitment), identity-based (self-efficacy and perceived gender-identity conflict), and context-based factors (perceived social support, induction practices and job design). The survey (N=131) reveals that affective commitment predicts two types of turnover intention: job retention and occupation retention. As regards job retention, affective commitment is related to job satisfaction and job-context structure ; as to occupation retention, affective commitment is linked to self-efficacy and perceived social support material from colleagues and superiors. Mots-clés : identité de genre, emplois majoritairement occupés par des hommes, attitudes, intention de partir, organisation. Key words : gender identity, male dominated jobs, attitudes, turnover intention, organization. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 23/01/2017 par BEN YOUSSEF MNIF SAMIA (813016). Il est interdit et illégal de diffuser c C. Lagabrielle, A.M., Vonthron, D. Pouchard & J. Magne / PTO – vol 17 – n°2 194 1. Introduction L’intégration et le maintien dans l’emploi sont des préoccupations cruciales pour de nombreux salariés, notamment pour les femmes souhaitant s’insérer dans des filières majoritairement occupées par des hommes. Dans ces emplois dévolus habituellement à l’autre sexe, elles se heurtent à de nombreux obstacles à surmonter comme le manque d’équipements adaptés à leurs caractéristiques physiques, des conditions et des horaires de travail difficiles, une pression accrue de performance ou un statut plus important de l’erreur commise que chez leurs collègues masculins. Le « sexisme hostile », avec son lot d’évaluations négatives et de jugements désavantageux, complète les embûches rencontrées sur le terrain, susceptibles de les conduire à l’abandon du poste (cf. la recension de Gingras, Savard & Robidoux, 2006, par exemple) Il est bien entendu impossible de rendre compte de la complexité des mécanismes en jeu et de l’intrication des variables susceptibles d’expliquer le maintien ou l’abandon d’une voie professionnelle non traditionnelle. L’étude menée a donc consisté à sélectionner certaines dimensions pouvant s’avérer opérantes pour persister dans de telles situations d’emploi. Notre modèle de recherche exploratoire comporte plusieurs dimensions intrinsèques et extrinsèques permettant aux salariés (hommes et femmes confondus) de se maintenir en emploi. Concernant les premières, il est établi que la satisfaction au travail et l’implication organisationnelle influencent positivement l’intention de rester dans l’entreprise ou réduisent le turn-over effectif. Parmi les secondes, le soutien social fait partie des facteurs régulièrement identifiés comme bénéfiques au maintien durable en emploi. Les procédures de socialisation organisationnelle apparaissent également comme un enjeu majeur pour la fidélisation du personnel. Or, peu de travaux se sont intéressés à l’impact de telles dimensions sur le maintien dans l’emploi envisagé par des femmes exerçant des métiers dits masculins. Ainsi, le premier objectif de notre contribution consiste à examiner l’influence de ces dimensions ayant fait leur preuve auprès de salariés engagés dans des carrières traditionnelles, chez des femmes occupant dans emplois considérés comme non-traditionnels1. D’autres facteurs plus caractéristiques sont analysés dans les travaux portant sur le genre. D’une part, l’effet patent du sentiment d’efficacité personnelle sur la quantité d’énergie investie dans l’effort ainsi que sur le 1 Un métier est dit « non traditionnel » ou « contre-stéréotypique » ou « stéréotypé comme masculin » lorsqu'un groupe (hommes ou femmes) y est représenté à moins de 33 %. Il existe des métiers non traditionnels pour les femmes comme par exemple mécanicienne ou chauffeure de bus. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 23/01/2017 par BEN YOUSSEF MNIF SAMIA (813016). Il est interdit et illégal de diffuser c C. Lagabrielle, A.M., Vonthron, D. Pouchard & J. Magne / PTO – vol 17 – n°2 195 niveau de persévérance dans les formations et carrières non traditionnelles est clairement démontré. De même, les exigences attendues dans ces métiers apparaissent opposées aux qualités qui leur sont socialement attribuées et se profilent ainsi, derrière les expériences professionnelles atypiques, des conflits identitaires de genre pouvant conduire à quitter le poste occupé. D’autre part, les organisations aménagent plus ou moins les environnements professionnels afin de les adapter davantage aux caractéristiques des femmes qu’elles emploient. Notre deuxième objectif consiste donc à étudier l’impact de ces variables sur les souhaits de maintien des femmes dans des métiers socialement attribués à l’autre sexe. 2. Cadre théorique 2.1. Satisfaction au travail et implication organisationnelle La satisfaction au travail est définie classiquement comme « un état émotionnel résultant de l'évaluation d'un travail ou d'une expérience professionnelle par un individu » (Locke, 1976, p. 1304). Les liens avec l’intention de quitter l’organisation ou le turn-over effectif ont été démontrés (Shore, Newton & Thornton, 1990 ; Blau, 1993 ; Tett & Meyer, 1993) mais méritent toutefois d’être approfondis en ce qui concerne les emplois atypiques. Généralement, les études indiquent qu’un climat de travail misogyne abaisse le niveau de bien-être et de satisfaction au travail (Miner-Rubino & Cortina, 2004 ; Mansfield et al. (1991) ou que les conflits de rôle et la perception de barrières professionnelles liées au genre l’influencent négativement (Rochlen, Good & Varver, 2009). Les expériences de discrimination sexuelle au travail semblent ainsi associées à de bas niveaux de satisfaction au travail et d’engagement organisationnel (Murell, Olson & Hanson-Frieze, 1995). Burke et McKeen (1996) soulignent qu’être une femme dans un cadre professionnel masculin prédit une plus basse satisfaction ainsi qu’une intention de départ accrue. Pour autant, la recherche de Mutch (2000) atténue ce résultat en ne trouvant pas de lien entre le type d’occupation des femmes (traditionnelle, non traditionnelle et neutre) et l’intention de partir. Prenant en compte l’ensemble de ces perspectives, parfois hétérogènes, il semble opportun de vérifier si le niveau de satisfaction au travail des femmes est susceptible d’augmenter ou de réduire leur intention de maintien dans leur emploi atypique actuel mais aussi dans le métier non traditionnel choisi (H1). La littérature a également démontré de façon constante le poids de l’implication organisationnelle sur l’intention de départ (DeCotiis & Summers, 1987; Mathieu & Zajac, 1990 ; Allen & Meyer, 1996 ; Jaros, 1997). Selon Meyer, Allen et Smith (1993), l’implication envers l’organisation est un concept multidimensionnel qui correspond à un état © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 23/01/2017 par BEN YOUSSEF MNIF SAMIA (813016). Il est interdit et illégal de diffuser c C. Lagabrielle, A.M., Vonthron, D. Pouchard & J. Magne / PTO – vol 17 – n°2 196 psychologique caractérisant le lien entre un salarié et l’organisation qui l’emploie. Celle-ci a des conséquences sur la décision d’en rester membre ou non. La méta-analyse, auprès de populations variées de salariés, qui a été proposée par Meyer, Stanley, Hercovitch et Topolnysky (2002) met notamment en évidence les relations entre la satisfaction au travail, l’implication affective envers l’organisation et les intentions de quitter l’entreprise. L’implication affective est une des trois dimensions distinguées par les auteurs et rend compte d’une identification et d’un attachement émotionnel à l’entreprise. Cette dimension apparaît davantage liée à la volonté de conserver son emploi que les deux autres (engagement calculé et engagement normatif). Meyer, Allen et Smith (1993) ont également étudié l’implication envers le métier en transposant le cadre théorique développé pour l’étude de l’implication organisationnelle. Ces différents résultats incitent ainsi à examiner plus avant les effets favorables de l’implication affective envers l’organisation (H2a) mais aussi envers le métier atypique exercé (H2b) sur les intentions des femmes de se maintenir dans de tels emplois et métiers. 2.2. Les aspects identitaires au travail Les études portant sur les différences d’efficacité perçue en fonction du genre sont conséquentes. Dés les années 80, Betz et Hackett (1981), utilisant la théorie sociale cognitive de Bandura (1986, 2003), démontrent l’utilité de l’auto-efficacité (définie uploads/Management/ l-x27-intention-de-se-maintenir-dans-une-acrriere-atypique.pdf
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- Publié le Dec 16, 2022
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