S. Pit Corder Que signifient les erreurs des apprenants ? In: Langages, 14e ann
S. Pit Corder Que signifient les erreurs des apprenants ? In: Langages, 14e année, n°57, 1980. pp. 9-15. Citer ce document / Cite this document : Corder S. Pit. Que signifient les erreurs des apprenants ?. In: Langages, 14e année, n°57, 1980. pp. 9-15. doi : 10.3406/lgge.1980.1833 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1980_num_14_57_1833 S. Pit Corder Université d'Edimbourg QUE SIGNIFIENT LES ERREURS DES APPRENANTS ? * Lorsqu'on étudie les ouvrages usuels sur l'enseignement des langues vivantes, on est amené à s'étonner de la manière succincte dont les auteurs traitent des erreurs d'apprentissage et de leur correction. On a l'impression que ces questions sont écar tées pour leur peu d'intérêt, comme s'il s'agissait d'aléas inévitables du processus d'apprentissage, dont l'enseignant devrait faire peu de cas. Il va sans dire que l'application des théories linguistiques et psycholinguistiques aux recherches sur l'apprentissage des langues a donné une nouvelle dimension au débat sur l'erreur ; on a cru en effet trouver des principes sur lesquels se baser pour expliquer ces erreurs, à savoir qu'elles résultaient de l'interférence des habitudes de la langue maternelle sur l'apprentissage d'une autre langue. On a vu dans l'étude contrastive exhaustive des systèmes linguistiques de la langue étrangère (LE) et de la Ll de l'apprenant une contribution majeure des linguistes à l'enseignement des langues. Il devait en ressort ir un inventaire des zones de difficultés rencontrées par l'apprenant, cet inventaire contribuant à orienter l'attention des enseignants vers les zones justiciables d'un soin et d'une insistance particuliers, afin de surmonter, ou même d'éviter, les difficultés ainsi prévues. Une telle contribution n'a pas toujours convaincu les enseignants, déjà familiarisés, de par leur expérience pratique, avec ces difficultés. Aussi n'ont-ils pas perçu cette contribution des linguistes comme un apport d'informations nouvelles et pertinentes. Ils ont constaté, par exemple, que nombre d'erreurs qui leur étaient familières n'étaient de toute façon pas prévues par les linguistes. Les enseignants se souciaient moins en effet de l'identification de ces difficultés que de la façon de les traiter, d'où ils ont estimé, à juste titre, que les linguistes n'avaient finalement que peu d'informations à leur apporter. Du point de vue méthodologique, on peut distinguer deux écoles de pensée sur les erreurs des apprenants. Selon la première, si nous pouvions parvenir à mettre au point une méthode parfaite, il n'y aurait de toutes façons jamais d'erreurs. L'apparit ion d'erreurs n'est alors que l'indice de techniques pédagogiques inadéquates. Рощ- la seconde, rien n'étant parfait en ce bas monde, il est inévitable que des erreurs apparaissent malgré tous nos efforts. Nous devons alors concentrer notre ingéniosité sur des techniques de traitement des erreurs, après qu'elles se sont produites. Ces deux points de vue sont compatibles avec une seule et même position théori que sur les langues naturelles et sur leur apprentissage : cette position relève du behaviourisme, pour ce qui est de la psychologie, et du structuralisme, pour ce qui est de la linguistique. Appliquée à l'enseignement des langues, elle a donné naissance aux méthodes audiolinguales — ou méthodes du type « écouter-parler-lire-écrire » (fundamental skills). * Traduit, avec la permission de l'auteur et de Julius Gross Verlag, Heidelberg, de « The signi ficance of learners' errors » dans IRAL. V-4, 1967, pp. 162-160. et reproduit dans RlCHAPDS 1974. La linguistique et la psychologie sont actuellement, selon les termes de CHOMSKY (1966), dans une période de « mouvement » et d'« agitation ». Ce qui passait voilà quelques années pour doctrine bien établie fait maintenant l'objet d'un large débat, dont les conséquences pour l'enseignement des langues s'annoncent capitales, et dont nous commençons sans doute à peine à ressentir les effets. L'un de ces effets a peut- être été de déplacer les préoccupations, l'accent étant mis moins sur l'enseignement que sur les recherches sur l'apprentissage. Ceci s'est d'abord manifesté par un regain d'intérêt pour le problème de l'acquisition de la Ll, ce qui a forcément conduit à s'interroger sur les similitudes entre les processus d'acquisition de la Ll et l'appren tissage d'une LE. L'utilité de cette distinction entre acquisition et apprentissage a été mise en évidence par LAMBERT (1966). On doit à CARROLL (1966) d'avoir émis l'idée que les recherches sur l'apprentissage d'une LE pourraient tirer profit des recherches sur l'acquisition de la Ll. Bien qu'évidentes, les différences entre acquisition et apprentissage n'en sont pas pour autant faciles à expliquer : — l'apprentissage de la Ll est un phénomène inévitable alors que — nous ne le savons que trop — il n'en va pas de même pour l'apprentissage d'une LE ; — l'acquisition de la Ll s'inscrit dans le processus global de maturation de l'enfant, alors que l'apprentissage d'une LE ne commence normalement qu'une fois achevé le processus précédent ; — l'enfant, dans un premier temps, n'a pas de comportement langagier apparent, alors que chez l'apprenant de LE un tel comportement, bien sûr, existe déjà ; — la motivation (si l'on peut utiliser ce terme dans ce contexte) à l'acquisition d'une Ll est tout à fait autre que la motivation à l'apprentissage d'une LE. A bien y regarder, il apparaît que ces différences évidentes n'ont aucune impli cation quant aux processus intervenant dans l'apprentissage d'une Ll ou d'une LE. En effet, l'hypothèse la plus répandue sur l'apprentissage des langues — hypothèse que j'ai appelée behaviouriste — est supposée s'appliquer dans les deux cas. Cette hypothèse et les objections qu'on y a faites sont suffisamment connues, et il n'est donc pas nécessaire de les détailler ici. Si les hypothèses sur l'acquisition du langage sont actuellement remises en question, si de nouvelles hypothèses sont proposées рощ- expliquer le processus d'acquisition du langage chez l'enfant, il semble raisonnable d'examiner jusqu'à quel point elles pourraient aussi s'appliquer à l'apprentissage d'une LE. Dans cette nouvelle perspective, l'étude des erreurs revêt une nouvelle importance et contribuera, à mon avis, à vérifier ou à infirmer ces nouvelles hypothèses. Selon celles-ci, l'enfant naît avec une prédisposition innée pour l'acquisition du langage ; il faut, pour déclencher le processus, qu'il soit exposé au langage ; il pos sède un mécanisme interne, de nature inconnue, qui lui permet, à partir de données limitées, de construire la grammaire d'une langue naturelle donnée. La façon dopt il procède reste en grande partie mystérieuse et fait actuellement l'objet de recherches intensives de la part des psychologues et des linguistes. Comme l'a fait remarquer MILLER (1964), si nous voulions fabriquer un automate qui reproduise les perfo rmances d'un enfant, l'ordre dans lequel il testerait divers aspects de sa grammaire ne pourrait être décidé qu'après avoir soigneusement analysé les stades successifs de l'acquisition du langage par les enfants. Les premières étapes d'une telle recherche consistent donc en une description longitudinale du langage enfantin tout au long de son développement, On peut espérer, au moyen d'une telle description, parvenir à 10 représenter les procédures adoptées par l'enfant pour acquérir le langage (McNEILL 1966). L'application de cette hypothèse à l'apprentissage d'une LE n'est pas nouvelle, ayant été, pour l'essentiel, proposée il y a cinquante ans par PALMER (1922). Selon lui, tout être humain est doté par nature de la capacité d'assimiler le langage et cette capacité reste latente après l'acquisition de la langue maternelle, l'adulte étant tout aussi capable que l'enfant d'acquérir une LE. Selon des travaux récents (LENNE- BERG 1967), l'enfant qui, pour une raison quelconque (surdité, par exemple), ne par vient pas à acquérir une première langue avant l'âge de 12 ans perd totalement cette capacité d'acquisition du langage. Cette découverte n'implique bien sûr aucunement que cette capacité s'atrophie de la même manière chez ceux qui ont déjà réussi à cet âge à apprendre une première langue. Il reste cependant à démontrer que le proces sus d'apprentissage d'une deuxième langue est fondamentalement différent par nature du processus d'acquisition d'une première langue. Si nous postulons l'existence d'un même mécanisme dans les deux cas, nous pou vons alors postuler également que les procédures ou les stratégies adoptées par l'apprenant de LE sont fondamentalement identiques. Le principal trait distinctif entre les deux opérations est la présence ou l'absence de motivation. Si l'acquisition de la première langue n'est autre que la réalisation d'une prédisposition à développer un comportement langagier, l'apprentissage d'une deuxième langue implique alors que quelque autre motivation remplace la prédisposition existant chez l'enfant. Ce n'est pas ici mon propos de déterminer la nature d'une telle motivation. Disons donc que, pourvu qu'il y ait motivation, un être humain exposé à des don nées langagières apprendra inévitablement une deuxième langue. Une telle position se trouve étayée, jusqu'à un certain point, par les recherches sur l'aptitude à l'appren tissage d'une LE, dans la mesure où motivation et intelligence apparaissent comme les deux principaux facteurs, en corrélation significative avec la réussite dans l'apprentissage d'une LE. Je propose donc, comme hypothèse de travail, l'idée qu'au moins quelques-unes des stratégies adoptées par l'apprenant de LE sont en substance les mêmes que celles permettant l'acquisition de la première langue. Ceci n'implique pas que le déroule ment, la progression de l'apprentissage soit identique dans les deux cas. Revenons-en aux erreurs des apprenants. Lorsqu'un enfant de deux ans émet un énoncé comme « uploads/Management/ corder-que-signifie-les-erreurs-des-apprenants 1 .pdf
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- Publié le Apv 30, 2021
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