La m´ ediation journalistique dans le discours rapport´ e direct: mise en ´ evi

La m´ ediation journalistique dans le discours rapport´ e direct: mise en ´ evidence du point de vue subjectivisant dans le langage de la t´ el´ evision Jean-Claude Bondol To cite this version: Jean-Claude Bondol. La m´ ediation journalistique dans le discours rapport´ e direct: mise en ´ evidence du point de vue subjectivisant dans le langage de la t´ el´ evision. Article de linguis- tique/sciences de l’information et de la communication. 2006. <halshs-00161205> HAL Id: halshs-00161205 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00161205 Submitted on 10 Jul 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. 1 La médiation journalistique dans le discours rapporté direct : mise en évidence du point de vue subjectivisant dans le langage de la télévision Jean-Claude BONDOL UMR 7023 CNRS-Université Paris 8 Résumé L’hypothèse d’une restitution fidèle des paroles effectivement énoncées est peu vérifiée dans la plupart des discours et particulièrement dans le discours journalistique. Si l’on considère que ce discours est soumis à une déontologie qui prescrit l’objectivité et donc à une citation exacte, sans parti pris, alors on ne peut que déplorer le non respect du contrat d’information médiatique dans la manière qu’ont les journalistes d’inclure leur point de vue personnel dans les nouvelles et commentaires. Ce travail s’efforce de montrer la part subjective de la médiation journalistique entre la parole rapportée et le téléspectateur. Abstract The assumption of an accurate restoration of really stated speeches is less verified in most discourses, and particularly in the journalistic one. If we consider this discourse to be submitted to a deontology prescribing objectiveness, that is to say an accurate annotation, with unbias, then we have to deplore the disrespect of media information contract in the manner how journalists include their personal viewpoint in the news and commentaries. This work tries to show the subjective part of journalistic mediation between the reported speech and the viewer. 1. Introduction Le renouvellement de l’étude du discours rapporté (Rosier, 1999 ; Nolke & Olsen, 2000) constitue un apport déterminant dans l’enrichissement de la théorie de la polyphonie telle qu’introduite par Ducrot (1984) dans la perspective d’une théorie sémantique discursive, structuraliste et instructionnelle. Ainsi, de Bally à Ducrot en passant par Benveniste, une forte tradition pour une linguistique énonciative domine dans les analyses de phénomènes polyphoniques aussi divers que les modalités, les connecteurs, l’argumentation, la présupposition, l’ironie, le discours rapporté et bien d’autres encore. Dans cette panoplie, je choisis d’analyser les mécanismes de subjectivité du discours rapporté direct dans le journal télévisé. La notion de trait sémantique issue de l’analyse sémique développée par Hjemslev (1943) dans le cadre d’une sémantique structurale, est exploitée ici pour traquer les traces de subjectivité du discours télévisuel d’information. Et je m’appuie sur B. Pottier (1963) qui procède par établissement de traits distinctifs pertinents dans son étude sur les sièges, et sur les « subjectivèmes » de C. Kerbrat-Orecchioni (1980) pour exploiter l’opposition objectif vs subjectif ou plus précisément l’opposition « +subjectif/ - subjectif » afin d’établir l’infidélité subjectivisante du DD sous les deux formes principales (subjectivité marquée et subjectivité non marquée) dans lesquelles elle apparaît dans le discours d’information médiatique. 2. Problématique de la médiation dans le discours rapporté direct La tendance actuelle est à la prise en compte des marques énonciatives dans le renouvellement de la problématique du discours rapporté. Ainsi, le discours rapporté ne doit 2 pas être considéré comme un énoncé mais comme une énonciation que l’on rapporte. (cf. J. Authier, 1978 & J. Authier-Revuz, 1882). Depuis Banfield (1973), l’on sait que les trois formes classiques de discours rapporté (direct, indirect, indirect libre) sont indépendantes l’une de l’autre, c’est-à-dire que le passage de l’une à l’autre par des opérations mécaniques est rendu impossible. En effet, dans le discours indirect par exemple, l’énonciateur citant dispose d’une infinité de moyens pour traduire les propos cités : les formes hybrides que sont l’îlot textuel, le discours direct avec « que », le discours indirect libre et le résumé avec citations. La communication télévisuelle étant limitée pour indiquer les mots en italique et entre guillemets sauf quand le journaliste ou l’animateur précise « je cite », je me penche essentiellement sur les phénomènes attestés qui entrent en résonance avec ma problématique de recherche des traces de l’énonciateur dans son énoncé à des fins subjectives. A propos de l’illusion d’objectivité du discours d’information médiatique, il faut dire que le discours direct (DD) ne se contente pas seulement de dégager la responsabilité de l’énonciateur ; il prétend aussi restituer fidèlement les paroles citées. Sa caractéristique majeure est qu’on y dissocie nettement les situations d’énonciation du discours citant et celle du discours cité. Il va de soi que dans la communication télévisuelle, le journaliste ne rapporte que très rarement les mots mêmes de l’énonciateur cité. En effet, il faut reconnaître une certaine différence entre un événement de parole effectif (avec à l’oral, une intonation, des gestes, un public qui réagit…) et un énoncé cité entre guillemets, placé dans un tout autre contexte. L’hypothèse selon laquelle le discours direct (DD) est « fidèle » parce qu’il reproduirait des paroles effectivement tenues n’a plus droit de cité. En effet, si l’on considère que c’est le rapporteur qui reconstruit la situation d’énonciation citée et que c’est cette description qui donne nécessairement son cadre à l’interprétation du discours cité, le DD ne peut donc être objectif. Aussi D. Maingueneau (1998 : 119) a-t-il raison d’écrire : Quelle que soit sa fidélité, le discours direct n’est jamais qu’un fragment de texte dominé par l’énonciateur du discours citant, qui dispose d’énormes moyens pour lui donner un éclairage personnel. L’infidélité, manifestation éclatante de la subjectivité médiatique est ici perçue comme le résultat d’une entreprise plus ou moins volontaire de manipuler l’opinion publique. D’où ce rappel à l’ordre des obligations des journalistes : La notion d’objectivité est remplacée chez les journalistes par celle d’une retranscription intellectuellement honnête d’une réalité vérifiée. La vérification de l’information est donc ce qui fait toute la différence entre le journalisme et la propagation d’une rumeur. (P. S. Manier, 2003 : 22). Je formule ici l’hypothèse d’une infidélité subjectivisante généralisée du discours direct dans une perspective d’analyse discursive exploitant une grande variété des niveaux d’analyse de la langue et d’autres codes susceptibles de mener à l’exhaustivité. D’où la prise en compte de cette remarque de M. Charolles & B. Combettes (1999 : 93) qui conseillent de dépasser les structures purement linguistiques pour inclure dans l’analyse, des réalités extralinguistiques: A l’échelle du discours, on n’a en effet pas affaire à des déterminations exclusivement linguistiques, mais à des mécanismes de régulation communicationnelle hétérogènes dans lesquels les phénomènes linguistiques doivent être envisagés en relation avec des phénomènes psycholinguistiques, cognitifs et sociologiques. 3 Si l’on considère la nature du contrat médiatique qui est double (« information »/« captation ») auquel s’ajoutent les deux principes (« sérieux-crédibilité », « plaisir-spectacularisation ») (cf. P. Charaudeau, 1991 : 16), il y a lieu de déplorer le non respect dudit contrat par l’instance médiatique qui use et abuse de subjectivité pour mieux imposer ses vues partisanes. C’est dans cette optique que J. Ellul (Les Propagandes, 1962) qui considère les médias comme un redoutable outil de manipulation des foules, soutient la thèse du viol psychique. Aussi M. Coulomb-Gully (2001 : 12) pense-t-elle que le dispositif de la rhétorique télévisuelle et l’esthétisation favorisent le conditionnement du téléspectateur qui s’émeut plus qu’il ne réfléchit : La caractéristique première du média réside dans sa dimension sensible. La primauté de l’image, du direct, de l’oral, insère en effet le média télévisuel dans une communication qui privilégie une logique sensitive, émotionnelle et affective là où d’autres formes de communication, basées sur l’écrit par exemple, intègrent plus facilement une logique rationnelle, cognitive voire argumentative . M. Joly (2001 : 25) va plus loin quand elle dénonce cette violation du contrat de communication médiatique qui passe par des interventions locutoires ou iconographiques : Ce faisant, la manipulation remet en cause la contractualité de l’intention de communication. Elle fait comme s’il fallait passer contractuellement du polémos à la pacification (contrat d’argumentation) mais au lieu d’un échange, ce qu’elle met en place c’est un vouloir faire-faire adressé à un pouvoir-faire. A cet effet, la télévision cherche constamment à réaliser des mises en scène d’authentification, de crédibilisation et de véracité du mode « authentifiant ». Le mode dit « authentifiant » par opposition au mode fictionnel, regroupe des émissions qui prétendent nous informer sur notre monde (journal télévisé, documentaire, reportage, émission non fictionnelle en direct ou en différé) ou tout simplement, nous mettre en contact avec lui. Dans le mode authentifiant, la vérité des uploads/Management/ la-mediation-journalistique-dans-le-drd.pdf

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  • Publié le Apv 14, 2021
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