Le management cognitif Jean-Claude Thoenig, Claude Michaud To cite this version

Le management cognitif Jean-Claude Thoenig, Claude Michaud To cite this version: Jean-Claude Thoenig, Claude Michaud. Le management cognitif. 2007. <halshs-00142994> HAL Id: halshs-00142994 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00142994 Submitted on 23 Apr 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. LE MANAGEMENT COGNITIF Claude MICHAUD et Jean-Claude THOENIG Dauphine Recherche en Management (UMR 7088), DMSP université Paris Dauphine et CNRS CEDEP, Fontainebleau Mai 2007 2 Le texte présent a donné naissance à un livre aujourd’hui épuisé : MICHAUD Claude et Jean- Claude THOENIG, Stratégie et sociologie de l'entreprise, Paris, Village Mondial, 20011. La version qui est ici reproduite est une version dite d’auteur, soit légèrement différente de celle qui fut publiée par l’éditeur. La recherche dont rend compte ce texte a été menée entre 1996 et 2000. Elle a bénéficié d’un financement du CEDEP, Fontainebleau. Elle a été conduite par Claude Michaud, alors directeur général du CEDEP, et Jean-Claude Thoenig, alors professeur à l’INSEAD, Fontainebleau. Elle a bénéficié du soutien sans faille d’Alain Godard et de l’accueil bienveillant des cadres de Rhône Poulenc Agrochimie. Claude Michaud est professeur émérite à l’INSEAD et directeur général du CEDEP. Jean-Claude Thoenig est directeur de recherche émérite au CNRS, Dauphine Recherche en Management UMR 7088, au sein de l’équipe DMSP. Adresses : michaud@cedep.fr jean-claude.thoenig@dauphine.fr ou jeanclaude.thoenig@.free.fr 1 Ce livre reste disponible dans ses versions anglaises et italiennes : Making Strategy and Organization Compatible, Londres, Palgrave Macmillan, 2003 Il management cognitivo. Una nuova sfida per i dirigenti, Bari, Franco Angeli, 2004 . 3 POUR LE LECTEUR PRESSÉ Les termes-clés de ce texte sont : langage de l’action, ambitions stratégiques, modes de fonctionnement organisationnel, bricolage cognitif, direction de l’entreprise. Les questions abordées sont : - comment rendre compatibles les ambitions stratégiques et les modes de fonctionnement organisationnel ? - quelles compétences requiert la fonction de direction générale ? Les problèmes empiriques couverts sont : - les ambitions stratégiques sont rarement de nature univoque - le fonctionnement organisationnel métisse le plus souvent des modes hétérogènes - la logique de quasi-marché appliquée à sa gestion interne rend paradoxalement encore plus complexe le pilotage de l’entreprise Les hypothèses soumises à examen sont : - les entreprises comme organisations se conduisent comme des acteurs collectifs qui sont porteurs de cognitions, qui pensent et interprètent, qui décident en fonction de représentations théoriques implicites et de liens de causalité postulés - plus ces cognitions sont partagées par les diverses parties de l’organisation, plus elles coopèrent entre elles, et moins elles ont besoin d’être coordonnées par des mécanismes bureaucratiques - ce partage de cognitions est favorisé par certains types de fonctionnement et étouffé par d’autres. 4 Les propositions nouvelles avancées sont entre autres : - le langage de l’action est un concept qui désigne les schèmes cognitifs que mobilisent les diverses parties en présence pour agir, pour gérer leurs interactions et leurs échanges. - il existe quatre modes purs ou idéal - typiques de fonctionnement organisationnel : mercenarial, fragmenté, autarcique, organique. - trois types de diffusion de langage organisationnel sont explorés: la codification, l’accumulation tacite, l’articulation explicite. Ils varient par la largeur des corridors pour l’action qu’elles tracent aux parties qui leur sont soumis et par le fait que le langage est exogène dans le premier et endogènes dans les deux autres. Les implications gestionnaires soulignent notamment que : - tout travail de direction met en jeu une compétence primordiale : le façonnage de langages intra - organisationnels - cette fonction d’architecture cognitive relève de l’art du bricolage. Elle mélange l’énonciation de principes et l’allocation de dérogations à ces mêmes principes - elle se pilote notamment par : le design des frontières entre fonctions, métiers et niveaux hiérarchique, ainsi que la reconfiguration de leurs juridictions, la destruction de citadelles internes, la fixation d’horizons de l’action, la diffusion d’une culture de mise en cause généralisée et permanente des façons de faire qui sont adoptées par l’entreprise. 5 INTRODUCTION L’ORÉAL OU L’ART DE FAIRE AUTREMENT L’Oréal est présente dans le secteur des soins du corps, de la santé et de la beauté. Cette entreprise française est une référence mondiale désormais présente sur les plus grands marchés régionaux de la planète. Elle est aussi une valeur boursière vedette. Elle représente un cas singulier à plusieurs titres: par la qualité de ses marques, par ses parts de marché, par ses performances financières. 6 Comment cette moyenne entreprise, qui reste contrôlée par la famille de son fondateur, a-t- elle réussi avant les années 1990 à atteindre l'excellence économique alors même qu'elle adoptait des pratiques de management totalement hétérodoxes sinon aberrantes du point de vue des manuels de management ? Ainsi aura-t-elle fait l’économie d’un organigramme jusqu’au milieu des années 1980. De même, le marketing révolutionnaire qu’elle inventa avant 1980 fut le fait de parfaits autodidactes du management. Comment son style de management, qui relève du modèle de l'accumulation tacite et qui reflète un modèle organisationnel pour le moins complexe, peut-il affronter les temps nouveaux? Est-il une vieillerie qu'il importe d'abandonner pour rentrer dans le rang de l'orthodoxie managériale? Le succès de L’Oréal s'ancre dans ses origines et se déroule autour de paradigmes dont quatre apparaissent essentiels. En premier lieu, cette entreprise était portée par une transcendance, largement diffusée et appropriée en interne, dans un univers dont elle maîtrisait le devenir. Une menace partagée ou plus exactement une ambition transcendante a cimenté et orienté les actions de cette communauté humaine qui était métissée. C'est ainsi que, dans les années 1950 à 1970, les cadres que recruta L’Oréal provenaient d'horizons hétéroclites tant sociaux que scolaires. De jeunes gens issus de la Seconde guerre mondiale, d’études religieuses ou d’autres filières peu orthodoxes en gestion, partageaient un destin commun. Tout se passait comme s'ils jouaient leur existence à travers leur entreprise. Ces hommes vivaient leur dépassement personnel et se réalisaient en tant qu‘individus à travers une réussite collective ancrée, et non pas au long d'un cheminement d'une entreprise à une autre. Ces hommes se sont construits à travers L’Oréal. Elle leur a fourni à la fois l'apprentissage professionnel et la structuration conceptuelle. Même dans les années 1980, peu de ses managers avaient suivi une école de gestion. Leurs compétences se structuraient donc à l'intérieur et à travers l'entreprise, par des langages partagés, par des références cognitives communes. L’Oréal fut une école dans son domaine. L'entreprise donnait un sens à ses membres, sens qui ne posait plus de problème puisqu'il était intériorisé. Pour ces gens, les possibilités étaient immenses. Ils avaient vécu des périodes difficiles. Survivre socialement et économiquement leur était dès lors déjà essentiel. Leurs exigences furent en conséquence limitées. Pour tous, la possibilité d'un chemin parcouru signifiait déjà beaucoup. Le point de départ étant bas, les chances de réussite en termes de réalisation de soi- même devenaient très fortes. Cette transcendance à faire de l'entreprise un acteur mondial fut acceptée et soutenue par son actionnariat. Il s'établit un destin commun entre l'actionnariat et les managers avec une convention implicite forte sur la hiérarchie d'objectifs. La croissance de l'ensemble venait d'abord. Le profit, surtout à travers son allocation, demeurait un moyen ou une condition de support, et non pas l'objectif ultime. Il en résultait une répartition des revenus où le collectif joue un rôle essentiel. En deuxième lieu, L’Oréal adopta un parti pris de régénération endogène. Une forte capacité d'intuition était encouragée et se construisait en son sein sur à la fois la signification des évolutions de la société et les besoins vécus par les consommateurs. Cette aptitude à comprendre des signaux parfois faibles venant du terrain. Les traduire en réponses 7 appropriées trouvait son origine dans l'attention accordée par la hiérarchie et par la direction générale aux membres de l'entreprise qui travaillaient sur le terrain au contact des coiffeurs, c'est-à-dire aux commerciaux, et aux clients charnels, non pas à leur expression statistique. C'est cette capacité à comprendre le client, à saisir les besoins parfois latents, à bien comprendre les rôles des prescripteurs, de ceux qui influencent, qui a permis à l'entreprise de bâtir des "propositions de valeur" pour le consommateur original et de créer de nouveaux espaces de marché. La priorité était donnée à travers les actes à l'innovation, à l'ajustement, au renouvellement permanent. L’Oréal n'avait certes pas véritablement réalisé des percées scientifiques. Cependant elle innovait. Si elle ne produisait pas de molécules nouvelles, en revanche elle savait mieux que ses concurrents utiliser les savoirs existants pour lancer en permanence de nouveaux produits et des services à valeur ajoutée adaptés aux besoins captés par elle comme étant en émergence. La croissance de l'entreprise fut donc largement accomplie en interne et de façon uploads/Management/ le-management-cognitif.pdf

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  • Publié le Dec 30, 2022
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