Troisième partie : la gestion des émotions du surdoué. Quand l’émotion déborde

Troisième partie : la gestion des émotions du surdoué. Quand l’émotion déborde …. La gestion des émotions et les stratégies spécifiques des surdoués face à l’émotion Les participants à la recherche ont été interrogés sur leur perception et gestion des émotions ainsi que sur la prise en compte des émotions dans leurs décisions. Perception des émotions Le surdon va de pair avec l’hypersensibilité : les auteurs et chercheurs convergent sur ce point même s’ils n’y attribuent pas les mêmes motifs. La théorie de Dabrowski (2003) et le concept d’hyperstimutabilité ont fourni un nouvel éclairage sur ce sujet. Sur la base de ses travaux certains font l’hypothèse de l’intensité émotionnelle comme traits caractéristiques dans la personnalité des individus à haut potentiel de développement. Dans le but de vérifier cette hypothèse, il a été demandé aux participants d’évoquer l’intensité de leur ressenti et leur mode de gestion des émotions. Tous les participants évoquent une intensité forte des émotions (avec des mots tels que « apocalypse », « paroxysme », « submergé », « envahi ») qu’ils estiment pour la plupart d’entre eux supérieure à la moyenne. A noter que ceux qui ne se positionnent pas par rapport à la moyenne répondent ainsi à un souci d’objectivité (« ce n’est pas possible de le savoir car je ne suis pas à la place des autres »). Un élément en faveur de la spécificité de ce ressenti : les autres ne comprennent pas leurs débordements émotionnels. Au-delà de l’intensité, les modes de perception du monde semble bien différents de ce qui est habituellement observé. Le ressenti physique semble prendre plus de place que dans la perception moyenne. Au-delà des manifestations de palpitations, rougissement, bouffées d’angoisse que la plupart décrivent dans les situations à valence négative, des sensations physiques évocatrices des situations de triangulation vécues sont également notés par certains participants : Henri évoque une sensation physique d’être « tiré en arrière par les épaules » ressentie dans l’enfance et qu’il associe aujourd’hui à sa difficulté d’avancer dans sa vie professionnelle. Martha éprouve des sensations corporelles en lien avec les relations qu’elle vit avec son entourage «J’avais l’impression que j’étais enfermée dans un corps mort ». « J’étais intrusée de l’intérieur » Raynald parlant des années succédant au décès de sa mère « Je me suis enfoncé dans du gris complètement : presque au sens littéral, tout était gris des nuances de gris d’un point de vue sentiment, d’un point de vue perception aussi » Dans les situations à valence positives, des sensations presque mystiques d’union avec la nature ou le monde sont également évoquées (spontanément par quatre des participants). L’intuition est également citée par la plupart des participants comme un élément essentiel de leur perception des situations. Elle peut prendre la forme de rêves prémonitoires. Laurence évoque "le jour où j'ai compris que ma fille allait mourir (…) Un rêve que j'ai fait deux jours après sa naissance alors que les médecins avaient dit "ça va aller"". Roxane parle de l’adultère de sa mère comme une intuition qu’elle a eue sans en avoir la preuve. Elle se questionne aujourd’hui : a-t-elle vu quelque chose ? Henri évoque des choix professionnels guidés par l’intuition voire le hasard (une émission à la TV, une rencontre …). Christine raconte : " Ma mère était à l'hôpital, j'avais l'intuition que c'était la dernière fois que je la voyais et qu'il fallait que je profite mais je ne l'ai pas fait : je suis allée travailler". Pour la plupart, malgré son caractère peu rationnel et incontrôlé, l’intuition fait partie de leur vie : Jacques dit « Pour moi l’intuition découle des émotions, c’est un vecteur (…) un croisement d’informations qui permet d’approcher un résultat, une forme de vérité » Henri : « L'intuition oui c'est un atout : je fonctionne comme cela; cela vient tout seul. Un processus que je ne contrôle pas, pas verbalisé pas conscientisé ». Stratégie de gestion des émotions Face à cette intensité, les participants évoquent des pertes de contrôle sous la forme de bouffées d’angoisse ou de colère, contre lesquels ils ont dû apprendre à se prémunir en développant des stratégies de défense ou de contrôle. L’ensemble des attitudes décrites face aux émotions sont présentées dans le schéma ci-après qui présentent le processus de gestion des émotions en 4 étapes : perception, évaluation consciente, ressenti et expression. Nous avons précisé « évaluation consciente » afin de différencier cette opération de celle qui peut se produire au niveau inconscient et n’est donc ni appréhendée, ni verbalisée par l’individu. Cette opération inconsciente n’est, de ce fait, pas décrite dans le schéma. Pour éviter le débordement émotionnel, 3 types de stratégies sont évoquées par les participants à la recherche : - Le refus des émotions qui peut se produire en amont du ressenti émotionnel dans la stratégie de déni, ou en aval, après évaluation du ressenti dans le blocage de l’émotion. - Le contrôle des émotions effectué après une phase d’évaluation de l’émotion ressentie. Les filtres évoqués comme permettant d’élaborer le contrôle sont de deux types : l’évaluation du risque à ressentir l’émotion et la possibilité de la rationaliser (filtre cognitif). - L’acceptation des émotions qui permet d’envisager (ou pas) leur expression sur un mode plus ou moins visible. La spécificité des stratégies évoquées réside principalement dans le caractère conscient des processus à l’œuvre pour se protéger d’émotions trop envahissantes. Les notions de filtrage des émotions sont ainsi spontanément évoquées et les stratégies détaillées par les participants. Risque Blocage Acceptation Manifestation des émotions Débordement Filtre cognitif Rationalisation certain possible non Perception Evaluation consciente Ressenti Expression Déni Contrôle Situation angoissante Acceptation Refus Débordement Contrôle Blocage possible non Laurence : « Je me suis arrangée pour bloquer certaines émotions que je ne pouvais pas ressentir : je n'y accède pas, je n'y vais pas; J'essaie de ne pas y penser ou je ne m'y attarde pas ». Henri : « Je n'arrive pas à les gérer (...) C’est l’explosion si je ne les maîtrise pas, sinon je les empêche de naître » « Cela demande un effort incroyable ». Raynald: «Le ressenti émotionnel est très variable en fonction du passage vers le filtre, le contrôle sur ce que j’accepte de ressentir ou pas ». Jacques : « Les émotions sont trop gérées », « Je pense avoir réussi à mettre en place des filtres … dans le but de me préserver ». Roxane : « Tout passe par la raison. Je suis obligée de rationaliser les choses », « Je ne me laisse jamais aller », « Je canalise tout le temps ». Martha : « Si je ne ressens rien, je n'avance pas », « Cela me nourrit », « Je prenais de mauvaises décisions sans les enjeux émotionnels », « J'apprends à utiliser les deux : la raison et l'émotion». « Il faut remettre l'émotion à sa juste place » Les comportements suscités par l’hypersensibilité des surdoués L’hypersensibilité et la vulnérabilité aux émotions amènent également un peu plus de la moitié des participants à adopter des comportements leur permettant de se défendre des émotions avant même leur émergence. Tous ceux qui ont été confrontés à des traumas sont concernés par ce phénomène. Dans cette recherche, on relève quatre types de comportements de défense : L’anesthésie émotionnelle Elle est décrite par l’un des participants comme une stratégie de défense mise en œuvre à la suite du décès de sa mère. Raynald : « Je me suis coupé sentimentalement après le décès de ma mère » « C’était tellement douloureux que je ne pouvais plus ressentir : je me suis petit à petit fermé au reste » « Je ressentais quelque chose de complètement inversé : d’une nature plutôt ouverte et aimante, je pouvais passer au total psychopathe sans aucune émotion ni considération pour les autres, (…) comme une pièce qu’on aurait retournée ». La protection par retrait Afin d’éviter d’être soumis à des stimuli potentiellement agressifs, certains se retirent physiquement ou mentalement du monde, en privilégiant des lieux de vie éloignés des villes, en évitant d’emprunter les transports en communs ou en se coupant des autres avec des écouteurs dans les lieux public. Ils justifient cette attitude par un seuil de tolérance au bruit inférieur à la moyenne. Quelques-uns parlent même d’agoraphobie. Roger : « Je ne ressens pas toujours des émotions : ce qui est le plus gênant c’est les stimuli (bruits de casseroles, personnes qui parlent) », « Dans le train si j’oublie mes écouteurs, je vais stresser ». La fuite par investissement du savoir, du monde naturel ou du corps Afin de pouvoir vivre leur hypersensibilité « sans danger », les participants évoquent leur besoin d‘investir les champs du savoir ou des activités en lien avec la nature et les animaux. Pour certains, ces activités sont présentées comme vitales, essentielles à une hygiène de vie. Roger : « Je suis épistémophile : quand je recolle les morceaux d'un puzzle cela peut être jouissif ». Christine : « Ma mère est restée dans le coma pendant uploads/Management/ le-surdoue-et-sa-famille-partie-3 1 .pdf

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  • Publié le Mar 27, 2022
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