Article original L’analyse psychologique du travail> J. Leplat Laboratoire de p
Article original L’analyse psychologique du travail> J. Leplat Laboratoire de psychologie du travail, EPHE, 3e section, UA du CNRS, 4l, rue Gay-Lussac, 75005 Paris, France Abstract The author defines the characteristics of the psychological analysis of work as it is practiced in France, pointing out those characteristics which distinguish it from the taxonomic types of analysis more common in the Anglo-Saxon countries. He recalls some of the general traits, presents the analysis of work in the perspective of cognitive psychology, and emphasizes the difficulties compared to other, more classical, analyses. Some particular methods of the psychological analysis of work are presented by analysing the significance of accidents and errors. He emphasizes the many theoretical and methodological problems as well as the role of the analysis of work as a necessary condition previous to any intervention. © 2003 Publié par Elsevier SAS. Mots clés : Analyse psychologique du travail ; Psychologie cognitive ; Travail mental ; Analyse des accidents et des erreurs Keywords: Psychological analysis of work; Cognitive psychology; Mental work; Analysis of accidents and errors L’analyse du travail évolue non seulement en raison des transformations du travail, mais aussi en raison de l’enrichis- sement des connaissances et des méthodes auxquelles elle fait appel. Il est donc bon de temps en temps de faire le point et de relever quelques traits de cette évolution : c’est ce que cet article tentera dans le champ de la psychologie. Toute réflexion sur l’analyse du travail devrait commencer par une réflexion sur la notion même de travail. Il y aurait matière à une belle anthologie de textes sur le travail. On ne retiendra ici que quelques passages propres à mieux cerner la notion. Friedman (1961) notait que le travail se présente « sous cinq aspects ou attributs principaux : technique, phy- siologique, psychologique, social, économique ». Du point de vue psychologique qui sera adopté ici, le travail est une activité, « activité spécifiquement humaine » (Leontiev, 1972), « originellement sociale, fondée sur la coopération d’individus laquelle suppose une division technique, fût-elle embryonnaire, des fonctions de travail » (id. p. 68). C’est une activité « acquise par apprentissage et tenue de s’adapter aux exigences d’une tâche » (Ombredane et Faverge, 1955). Dans l’article qu’il avait écrit en introduction à un numéro spécial du Journal de Psychologie, sur « le travail, les métiers et l’emploi », Meyerson (1955) voyait dans le travail « une action forcée », « une conduite orientée [...] organisée en des suites nécessaires d’actes étroitement enchaînés » (p. 3). L’analyse psychologique du travail dont il sera question ici ne représente qu’une facette de l’analyse du travail : en ce sens elle est toujours réductrice. Elle aura souvent avantage à être articulée avec les autres, surtout quand elle s’insère dans une démarche d’application, pédagogique ou ergonomique notamment. Certains auteurs ont beaucoup insisté sur cette articulation et se sont efforcés de coordonner plusieurs points de vue dans la même étude (Duraffourg et al., 1977). L’analyse psychologique du travail a en France une his- toire qu’il vaudrait la peine de retracer. Elle est jalonnée par les travaux de Lahy (par exemple Lahy et Estoup, 1930), Pacaud (1959), Faverge (avec Ombredane, 1955, Seul, 1972), De Montmollin (1974, 1984), Wisner et al. (1984). Nous avons nous-mêmes apporté une contribution à cette histoire avec des chercheurs de notre laboratoire (Leplat, 1980, Leplat et Cuny, 1984, Leplat et Hoc, 1983). À l’ori- gine, l’analyse du travail (nous sous-entendons « psycholo- gique » pour la commodité) a été surtout orientée vers la sélection professionnelle, puis ensuite elle est devenue un moment important des actions de formation et d’ergonomie. Les travaux de Faverge et de son école ont joué un grand rôle dans cette orientation qui s’esquissait au même moment dans certains pays et plus particulièrement dans le groupe de psychologie ergonomique de Dresde (Hacker, 1980) et en URSS avec Ochanine (1981). La psychologie anglo- > Première parution : Revue de Psychologie Appliquée, 1986 ; 36(1) : 9-27. Adresse e-mail : a.dore@elsevier.fr (J. Leplat). Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 101–108 www.elsevier.com/locate/ © 2003 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.erap.2003.12.006 saxonne, sauf quelques exceptions (Bainbridge, 1981, Beis- hon, 1969, Duncan, 1975) s’est en général moins intéressée à l’analyse des situations de travail sur le terrain qu’à ce qu’en disaient les travailleurs et les organisateurs en réponse à des questionnaires : le contenu des ouvrages sur le thème de « Job analysis » souligne assez la différence. Il montre aussi que l’analyse du travail peut s’inscrire dans des visées diver- ses (de gestion du personnel, de formation, d’ergonomie), ce qui explique en partie ses différentes formes. Comme on le verra, le niveau et les modalités de l’analyse du travail peu- vent être variés, en fonction des objectifs visés : cette analyse ne saurait, en tout cas se réduire à l’application de taxono- mies. 1. Traits généraux de l’analyse du travail On mentionnera ici quelques traits généraux de l’analyse du travail en référence notamment à des études de ces derniè- res années. 1.1. Tâche et activité L’analyse du travail amène à distinguer et en même temps à articuler deux notions importantes : tâche et activité. La tâche, c’est le but à atteindre et les conditions dans lesquelles il doit être atteint. L’activité, c’est ce qui est mis en œuvre par le sujet pour exécuter la tâche. De nombreux auteurs se sont efforcés d’expliciter les relations entre les deux notions (Hackman, 1969, Hoc, 1980, Leplat et Hoc, 1983, Leplat et Cuny, 1984). Analyser le travail, c’est d’abord définir la tâche, l’activité et leur articulation. On ne pourra ici que rappeler quelques points essentiels. Le but ou état final à obtenir est défini par un ou plusieurs critères, qui permettront d’évaluer la performance. Mais on n’oubliera pas que le sujet peut avoir plusieurs buts plus ou moins compatibles : vitesse/précision, production/ sécurité/satisfaction, par exemple. Les conditions physiques, techniques et organisationnelles peuvent de leur côté être définies de façon variée. Au sens étroit, la tâche est limitée aux caractéristiques spécifiques du poste de travail considéré. Au sens large, elle comprend toutes les conditions extérieu- res susceptibles d’influencer l’activité à des degrés divers (l’environnement physique et social en particulier). La distinction entre tâche présente et tâche effective a été souvent soulignée, avec des qualificatifs divers : formelle/informelle (Ombredane et Faverge, 1955), prescrite/redéfinie (Hackman, 1969), officielle/privée (Pe- pinski et al. cité par Hackman, 1969), « pour l’expert »/réelle (Vermersch, 1977). La prise de conscience toujours meilleure de cette distinction a conduit à se satisfaire de moins en moins des aspects prescrits de la tâche pour l’ana- lyse du travail. Les buts et conditions effectivement pris en compte par le sujet dans son activité ne peuvent s’identifier sans précaution à ceux qui sont prescrits, même si ceux-ci aident à la détermination de ceux-là. De nombreux exemples ont été fournis de ce décalage : il est révélateur d’une inadap- tation entre la tâche et le sujet qu’on peut interpréter de deux points de vue : comme imputable à la tâche (trop difficile, par exemple) ou au sujet (peu compétent, par exemple), ou aux deux. L’examen de ce décalage orientera souvent de façon efficace l’analyse du travail, à condition de ne pas le consi- dérer seulement de manière négative, mais d’en rechercher la source. La tâche effective peut être conçue comme un modèle soit intériorisé, soit extériorisé de l’activité. La validation de ce modèle se fera en confrontant des traces observables de l’activité avec les prédictions du modèle. La définition de la tâche effective, ou si l’on préfère des buts et conditions effectivement pris en compte par le sujet, se fera grâce à la connaissance conjointe de la tâche prescrite et des caractéris- tiques du fonctionnement du sujet. On a pu ainsi décrire l’élaboration de la tâche effective par l’analyste comme l’ajustement progressif d’un modèle à l’activité (Leplat et Hoc, 1983). Rigney (1969) a donné un bon exemple de cette procédure pour l’analyse du dépannage. 1.2. Analyse psychologique du travail et analyse des conditions de travail Depuis les années 1970, le thème des conditions de travail a pris une grande place dans le débat social, place que révèle notamment la parution de plusieurs ouvrages sur l’évaluation et l’amélioration des conditions de travail (cités dans Leplat et Cuny, 1984, p. 80-81). Ce mouvement est lié aussi au développement de l’ergo- nomie et à la diffusion des connaissances de ce domaine. Nous avons exposé (Leplat, 1978) quelques-uns des problè- mes soulevés par cette évaluation. Les conditions (sous- entendu « externes » à l’opérateur) de travail entrent dans la définition large de la tâche. Comme la tâche effective ne coïncide pas nécessairement avec la tâche prescrite, les conditions de travail effectivement prises en compte ne coïn- cident pas forcément avec celles définies par l’organisateur du travail. En d’autres termes, il y aura toujours à établir qu’une condition observée en situation de travail est bien une condition de travail, c’est-à-dire qu’elle joue un rôle dans l’activité du sujet. Inversement, il pourra être important de montrer que des conditions qui influencent le sujet ne sont pas uploads/Management/ leplat-2004.pdf
Documents similaires










-
54
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 01, 2021
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 0.1537MB