Lidil Revue de linguistique et de didactique des langues 49 | 2014 L’analyse de

Lidil Revue de linguistique et de didactique des langues 49 | 2014 L’analyse des données didactiques L’analyse des pratiques en classe de français : théories et méthodes Roxane Gagnon et Sandra Canelas-Trevisi Édition électronique URL : http://lidil.revues.org/3417 ISSN : 1960-6052 Éditeur Ellug / Éditions littéraires et linguistiques de l’université de Grenoble Édition imprimée Date de publication : 25 mai 2014 Pagination : 5-15 ISBN : 978-2-84310-272-1 ISSN : 1146-6480 Référence électronique Roxane Gagnon et Sandra Canelas-Trevisi, « L’analyse des pratiques en classe de français : théories et méthodes », Lidil [En ligne], 49 | 2014, mis en ligne le 25 novembre 2015, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://lidil.revues.org/3417 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. © Lidil L’analyse des pratiques en classe de français : théories et méthodes Roxane Gagnon * et Sandra Canelas-Trevisi ** Les questions relatives à l’enseignement et à l’apprentissage institu- tionnels du français ont toujours pris en compte ce qui se passe dans les pratiques en classe. Dans les travaux de recherche ainsi que dans les textes émanant d’institutions sociopolitiques diverses, les pratiques sont tantôt questionnées de manière explicite, tantôt placées en toile de fond. Ainsi, que ce soit en français langue première, en français langue seconde et étrangère 1, nous considérons que le mode de traitement des pratiques permet de distinguer deux grands ensembles de travaux (Bayer & Ducrey, 2001). Le premier réunit les questions ayant trait à l’amé- lioration de l’enseignement selon un projet culturel et social histori- quement situé : les pratiques ne sont pas explicitement analysées, mais elles sont convoquées en tant que révélateur d’une crise à résoudre, le plus souvent, par la réorganisation des contenus enseignés. Les travaux qui s’intéressent explicitement aux pratiques en classe appartiennent plutôt au second ensemble. Comme le souligne Brousseau (1998), ils proposent des analyses, plus ou moins strictement délimitées, d’une des composantes des pratiques : l’enseignant et ses conduites, l’élève et ses difficultés, le degré d’adéquation des contenus et des supports de l’enseignement aux attentes sociales. Organisés à partir de questions émanant d’instances scientifiques et sociales multiples, ces textes laissent voir de manière inégale les rela- tions entre les acteurs engagés dans les pratiques, les actions et les dis- cours qui les définissent. Or nous considérons qu’il est utile « de [nous] demander quel type de rapport entretiennent les modèles théoriques * GRAFE, Université de Genève - FPSE. ** LIDILEM, Université Grenoble Alpes et GRAFE, Université de Genève - FPSE. 1. Étiquettes largement discutées mais que nous utilisons ici par commodité. roxane gagnon et sandra canelas-trevisi 6 construits pour rendre compte d’une pratique sociale comme celle de l’enseignant face à ses élèves, avec la réalité de cette pratique et les véritables enjeux de son fonctionnement » (Nonnon, 1990, p. 155). Comme les didactiques des disciplines, la didactique du français est aujourd’hui engagée dans la constitution d’un champ susceptible de fédérer ces questions de recherche, même si des divergences existent : On peut distinguer aujourd’hui dans ce mouvement qui tend vers la constitution d’une science, ou, disons plus modestement, d’un champ disciplinaire « didactique », plusieurs démarches qui, certes, ne s’excluent pas mutuellement, mais à l’intérieur desquelles — et c’est normal — on peut aussi déceler des luttes de territoire (Dorier, Leutenegger & Schneuwly, 2013, p. 16). La didactique du français est le produit d’un processus de discipli- narisation datant d’un petit demi-siècle. Elle se définit par « un corps de concepts originaux, relativement stables, avec des démarches de recherche systématiques, notamment empiriques » (Dorier, Leutenegger & Schneuwly, 2013, p. 10) et par la constitution d’un appareil institu- tionnel porté par une communauté de chercheurs. Soulignons également qu’elle s’est développée à partir d’un espace professionnel préexistant (celui des métiers de l’enseignement), à l’instar, entre autres, de la méde- cine et des sciences de l’éducation. Cela en accentue probablement l’hétérogénéité, par rapport aux disciplines se développant selon une logique interne forte, dont les apports sont investis secondement dans la professionnalisation. Par ailleurs, s’il parait incontestable que les pratiques d’enseigne- ment et d’apprentissage institutionnels, d’une part, les pratiques de formation professionnelle des enseignants, d’autre part, font l’objet de questions de recherche en didactique du français, il est tout aussi certain que des recherches, diverses sur le plan théorique et méthodologique, contribuent à leur théorisation. Les données empiriques recueillies dans les situations de formation constituent en effet un champ d’investi- gation que la didactique du français et les didactiques des disciplines partagent notamment avec la psychologie cognitive, la sociologie du travail et le vaste champ des recherches sur l’interaction. De nombreux travaux ont été réalisés, émanant d’espaces théoriques parfois éloignés : les méthodes ethnographiques d’analyse des interac- tions (Filliettaz, 2008 ; Filliettaz & Schubauer Leoni, 2008 ; Filliettaz, 2009) ; l’analyse de l’activité fondée sur la verbalisation à postériori selon les principes de l’ergonomie (Clot, 2001) ; l’analyse des inter­ actions et de l’agir professoral (Cicurel, 2011) ; l’analyse des genres de l’analyse des pratiques en classe de français  7 discours et des activités de travail (Boutet, 2005 ; Faïta, 2003) ; l’étude de la construction située des compétences (Pekarek Doehler, 2004). Les recherches se revendiquant explicitement de la didactique s’ap- puient sur un corps de concepts partagés : l’étude des objets institution- nels enseignés en classe (Schneuwly & Dolz, 2009 ; Canelas-Trevisi, 2009) ; l’analyse des gestes professionnels des enseignants (Jorro, 2004 ; Jaubert & Rebière, 2005 ; Garcia-Debanc, 2007 ; Sensevy & Mercier, 2007) ; l’analyse du discours sur les savoirs professionnels (Vanhulle, 2009) ; l’ingénierie de formation (Chemla, 2001 ; Ronveaux & Cordo- nier, 2007 ; Gagnon, 2010) ; la constitution des disciplines scolaires et de la forme scolaire (Reuter, 2007 ; Thévenaz-Christen, 2005 ; Vincent, 1994). Malgré leur diversité sur le plan théorique et méthodologique, ces travaux contribuent néanmoins tous à instituer les pratiques en classe en objet de recherche, en particulier par la mise en évidence de régularités. Le domaine de recherche qui se précise aujourd’hui intègre à l’ana- lyse des pratiques de formation le point de vue des conduites socia- lement attendues, telles qu’elles sont décrites dans les discours des institutions d’enseignement (le CECR pour le français langue seconde et étrangère, les programmes institutionnels des différents pays franco- phones pour le français langue première) et évaluées selon des critères institutionnels (DELF, DALF). L’analyse des phénomènes interaction- nels fait apparaitre les procédures par lesquelles les interactants négo- cient la forme et le sens de leurs conduites, mobilisant des objets ins- titutionnels sélectionnés pour être acquis / appris 2 et évalués. Ainsi, ce qui se dit et se fait dans les pratiques de formation est inscrit dans des réseaux contextuels allant des choix institutionnels des contenus et des objectifs à une reconnaissance sociale de leur degré de maitrise, mesuré par les évaluations, moment de visibilité sociale maximale. Le double objectif du numéro Dans la recherche didactique, la reconstruction théorique des données mobilise aujourd’hui un ensemble de concepts : transposition didac- tique, contrat didactique, gestes professionnels, transaction, agir ensei- gnant, etc. Parallèlement, elle s’appuie sur des savoirs multiples issus 2. Suivant notamment Véronique (2009), nous retenons le principe de la conti- nuité entre acquisition et apprentissage. roxane gagnon et sandra canelas-trevisi 8 d’espaces théoriques où les conduites attendues des apprenants et des enseignants sont décrites, expliquées, racontées, préfigurées selon des points de vue divers. Les frontières entre ces différents points de vue sont souvent poreuses. L’objectif de ce numéro est de cerner comment ces questions sont abordées dans le « laboratoire » du chercheur, de faire apparaitre les axes dominants ainsi que les spécificités didactiques. Partant du principe que les facteurs contextuels influencent de façon prépondérante les pratiques de formation, nous considérons que la défi- nition de l’objet de recherche requiert un traitement théorique explicité du contexte des pratiques analysées. Cela constitue notre première ligne directrice. Parallèlement, en écho aux références théoriques, nous voulons poursuivre la réflexion méthodologique entreprise autour de l’analyse des pratiques de formation. En effet, comme le souligne Daunay, le traitement méthodologique des interactions dans un contexte institu- tionnel de formation constitue un enjeu didactique déterminant. Dans la démarche de recherche en didactique, les trois pôles du triangle didac- tique sont envisagés dans leur interaction, même si la mise en œuvre méthodologique isole l’un des trois éléments (Daunay, 2007). Ainsi, les principes méthodologiques qui sous-tendent les procédures de recueil des données, le statut des données audio et vidéo, les outils d’analyse constituent notre seconde ligne directrice. Organisé à partir de ces deux axes, ce numéro 49 de Lidil réunit des contributions qui mettent en ré- sonance, dans le champ de la didactique du français, les ancrages théo- riques et les méthodes de recherche, dans le but de faire apparaitre des dominantes ainsi que des spécificités. Comment les contributions déclinent-elles les deux lignes directrices de la revue ? L’ancrage contextuel des pratiques analysées Le présent numéro s’intéresse à l’analyse des pratiques institutionnelles de formation en français langue première, seconde, étrangère. Ces trois étiquettes, bien que peu consensuelles, sont utilisées ici pour exprimer notre intention d’élargir l’éventail des contextes institutionnels. Les données uploads/Management/ lidil-3417.pdf

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  • Publié le Jan 14, 2022
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