Année universitaire 2008-2009 Mémoire Mutations des entreprises de presse liées

Année universitaire 2008-2009 Mémoire Mutations des entreprises de presse liées au développement de leurs activités numériques Mémoire de fin de quatrième année présenté par Caroline Goulard Séminaire Management des hommes et des organisations Réalisé sous la direction de Lionel Honoré 2 SYNTHESE La presse écrite quotidienne ne vit pas seulement une crise économique mais bien une révolution industrielle. L’apparition de nouveaux supports numériques –Internet, téléphonie mobile- l’obligent à réinventer son business model comme ses structures organisationnelles et ses métiers. Tout d’abord les acteurs traditionnels de la presse sont à la recherche d’un nouveau modèle d’affaire pour faire face aux transformations de leur environnement économique, technologique et sociétal. La presse quotidienne française est confrontée depuis plusieurs années à une crise à la fois conjoncturelle et structurelle. D’un côté, elle fait face à l’assèchement de ses deux principales sources de revenus : la vente et les recettes publicitaires. De l’autre, elle affronte cette mauvaise situation avec des handicaps structurels propres, connus depuis longtemps, mais jamais résolus : coûts de fabrication élevés, inefficience du système de distribution, sous-capitalisation. De plus, le développement d’offre d’information en ligne concurrence les supports traditionnels à la fois pour l’accès au lecteur et pour l’accès aux ressources publicitaires. Dans ce contexte de baisse de rentabilité de la presse quotidienne papier, Internet représente de nouvelles opportunités de croissance et de renouvellement des produits. En effet, via l’explosion d’Internet et du haut débit, la dématérialisation des contenus de presse s’est traduite par le passage d’une consommation linéaire, déterminée par l’offreur de contenus, à une consommation interactive, volatile et à la carte, déterminée par le demandeur de contenus. Pour répondre à ces nouvelles demandes de contenus informationnels, les titres de presse quotidienne se sont éloignés de leurs produits-cœurs et ont multiplié les initiatives : développement de sites d’information, mise en place d’équipe Web, création de studio de Web-TV, prolifération des partenariats avec les pure players*1, etc. Ils ont ainsi développé de nouvelles valeurs d’usage pour leurs produits en ligne. L’information, tout d’abord, a changé de nature en passant du support papier au support numérique. Elle est consommée à l’unité sur Internet et non plus par « paquet » comme dans un journal, ce qui démode les pratiques traditionnelles de ventes liées. Son cycle de vie s’est raccourci, les supports numériques 1 Les termes munis d’un astérisque sont définis dans le lexique des termes techniques page 79. 3 imposent une remise à jour en continu des dépêches d’actualité, chamboulant ainsi le rythme traditionnel des rédactions, scandé par l’heure de bouclage et d’impression. Contenus Web et contenus papier sont désormais pensés en complémentarité. La notion même de journal se réinvente : sur Internet, les produits de presse deviennent mobiles, multimédias, interactifs, communautaires, personnalisables. A la fois support de contenus et plate-forme de communication interpersonnelle, compromis incertain entre portail* de services, édition multimédia et émetteur de flux d’actualité, l’identité du produit de presse en ligne n’est pas encore stabilisée, pas plus que son modèle d’affaire. Si les supports numériques réduisent les coûts de productions, avec la suppression des coûts d’impression et la réduction des coûts de distribution, ils réduisent également les possibilités pour les entreprises de presse de s’approprier la valeur économique de leurs produits. La culture de la gratuité sur Internet, en premier lieu, rend malaisée la vente aux lecteurs des contenus éditoriaux. Le modèle économique des sites d’information repose donc majoritairement sur les ressources publicitaires, et appelle donc des stratégies de maximisation de l’audience. Si les supports numériques captent une portion de plus en plus importante des dépenses publicitaires, leur part de marché reste néanmoins faible, tout comme les tarifs publicitaires en ligne. D’ailleurs, les éditeurs historiques ne sont pas les mieux placés pour s’approprier une part de la manne publicitaire en ligne. Internet a en effet favorisé le découplage entre les médias traditionnels et les annonceurs, la publicité trouvant sur le Web de nouveaux supports qui affichent de meilleures audiences (moteurs de recherche*, portails* généralistes, sites communautaires*, blogs*…). Internet a aussi distendu les frontières de la concurrence qui n’est plus régionale –pour la PQR*- ou nationale –pour la PQN*- mais globale, les sites d’information du Parisien et de Ouest-France se disputant ainsi le même public. L’information en ligne voit également arriver sur le marché des pure players* bien mieux équipés que les médias traditionnels pour répondre aux besoins d’information des natifs numériques. Puisque la publicité ne suffit pas à bâtir un modèle économique en ligne, les sites d’information explorent de nouvelles pistes pour monétiser leur audience, depuis les services pratiques jusqu’au commerce en ligne, en passant par les produits dérivés ou la croissance externe. Une deuxième piste, encore peu exploitée, consisterait, pour les éditeurs de presse, à se situer à l’origine du parcours d’information de l’internaute plutôt qu’à la fin, inversant ainsi leur position dans la chaîne de valeur de la diffusion d’information en ligne. En pratiquant le 4 journalisme de lien et en devenant un point de départ des recherches d’information en ligne – et non plus un point d’arrivée-, les éditeurs maîtriseraient mieux la distribution de leurs contenus sur Internet, et reprendrait la main face aux moteurs de recherche*, aux agrégateurs* et aux blogs*. Malgré leurs tentatives de diversification, les sites d’information des titres de presse restent majoritairement déficitaires et subventionnés par les versions papier. Grâce à des stratégies de diversifications, les activités numériques de certains groupes de presse sont à l’équilibre (groupes Le Figaro, Ouest-France Multimédia), mais aucun modèle d’affaire pérenne ne se dégage pour les activités éditoriales des titres. Le marché de la presse en ligne n’a pas atteint sa maturité et tous les acteurs tâtonnent pour créer des sources de profit en ligne. La dématérialisation des contenus s’est traduite par la remise en cause des modes de formation de la valeur et des formes de concurrence. L’enjeu pour les entreprises de presse consiste donc désormais à agglomérer différentes audiences sur différents supports à différents moments de la journée. Dans cette nouvelle philosophie gestionnaire, le papier constitue une voie parmi d’autres d’expression d’un titre qui produit des contenus d’information multi-supports et multi-formats. En définitive, la révolution numérique et la crise des modèles d’affaire traditionnels confrontent la presse quotidienne française à la nécessité d’innover en permanence pour redéfinir ses modes de production, ses produits, son marketing et mais aussi ses métiers-cœurs et son design organisationnel. Le développement des activités numériques des entreprises de presse chamboule les statuts socio-professionnels des éditeurs et des journalistes. En effet, depuis que les sites d’information des marques de presse publient des contenus produits par les internautes, le rôle d’éditeur de presse se rapproche de celui d’hébergeur. Les journalistes sont concurrencés sur Internet par la publication de contenus générés par leurs lecteurs et la personnalisation de l’information, qui détricotent leur travail de hiérarchisation des faits. Le journalisme en ligne se distingue par de nouveaux outils, de nouvelles valeurs, de nouveaux rythmes de travail. Le développement des activités numériques des entreprises de presse transforme les situations de travail et d’emploi des acteurs, sans que de nouvelles formes professionnelles n’aient encore émergé, plongeant ainsi les acteurs de la presse traditionnelle dans un flou identitaire. Tout comme Internet nécessite des pratiques professionnelles renouvelées, il remet en cause le modèle traditionnel de grandes rédactions segmentées par supports, avec des équipes Web et papier en parallèle et couvrant les même sujets. Tous les nouveaux modèles d’affaires 5 tendent vers la production multi-supports et multi-formats d’information à effectif constant, donc avec des journalistes issus du papier qui coopèrent à la production des contenus en ligne. Pour distribuer du contenu indépendamment du canal –numérique ou analogique-, les entreprises de presse doivent faire évoluer leurs structures organisationnelles : intégration des rédactions Web et papier chez certaines, coopération entre les supports voire externalisation des équipes Internet chez d’autres, rapprochement géographique du desk* numérique vers le centre de décision chez beaucoup. Seule certitude dans ce contexte d’expérimentation organisationnelle : les journalistes doivent élargir leur savoir-faire et leurs managers doivent faire naître, par leur leadership, une véritable culture du changement. Néanmoins, ces évolutions se heurtent au besoin de formation des journalistes et aux réticences du syndicat SNJ, majoritaire, qui défend la rémunération des droits d’auteurs des journalistes, ainsi que leur rattachement au support et non à la marque-média. Malgré tout, la loi Création et Internet, adoptée par le Parlement le 13 mai 2009 fournit désormais un cadre législatif favorable au développement de rédactions pluri-média, tout en définissant un statut d’éditeur en ligne. En conclusion, depuis le développement des supports numériques, les entreprises de presse évoluent dans un univers particulièrement flou et mouvant : incertitudes sur l’évolution des pratiques de consommation de l’information, reconstruction mal assurée d’un nouveau business model, mutation indéterminée des structures organisationnelles, ré-invention indéfinie des métiers et des compétences-cœurs, etc. Pour conserver leur compétitivité dans une telle révolution industrielle, les entreprises de presse doivent expérimenter et innover, tant dans leurs offres de produits de presse, que dans leurs modes de valorisation économique ou dans leur design organisationnel. Le succès de telles expérimentations réside dans le rapprochement des journalistes de terrain et des équipes uploads/Management/ memoire-mutations-des-entreprises-de-presse-liees-au-developpement-de-leurs-activites-numeriques-caroline-goulard.pdf

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  • Publié le Jui 22, 2022
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