Article Reference Mettre en texte une problématique professionnelle : de l'exer
Article Reference Mettre en texte une problématique professionnelle : de l'exercice du « genre réflexif » à l'appropriation des savoirs et du soi professionnels VANHULLE, Sabine, DOBROWOLSKA, Dominika, MOSQUERA ROA, Ricardo Santiago VANHULLE, Sabine, DOBROWOLSKA, Dominika, MOSQUERA ROA, Ricardo Santiago. Mettre en texte une problématique professionnelle : de l’exercice du « genre réflexif » à l’appropriation des savoirs et du soi professionnels. Formation et pratiques d'enseignement en questions, 2015, no. 19, p. 115-126 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:81876 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 115 N° 19 / 2015 / pp. 115-125 Formation et pratiques d’enseignement en questions Mettre en texte une problématique professionnelle : GHO·H[HUFLFHGX©JHQUHUpÁH[LIªjODVXEMHFWLYDWLRQ de l’agir sabine vanhulle1, dominika doBrowolska2 et santiago mosquera roa3 (Groupe de recherche TALES, université de Genève, Suisse) introduction Nous nous intéressons à la construction des savoirs et du soi professionnels à travers des entretiens de stages, et plus particulièrement les entretiens tripartites au cours desquels l’enseignant.e en formation (EF) fait le point sur le stage en cours avec ses formateurs de l’université (S : superviseur) et du terrain (T : tuteur, enseignant.e accueillant EF dans sa classe). Ces entretiens mettent en jeu une activité langagière particulière parce qu’elle s’articule nécessairement à des enjeux d’appropriation de l’acti- vité enseignante. Cette activité langagière ancrée dans l’expérience des stages est délimitée par les contours d’un genre académique : le « genre réflexif », qui se décline dans la production de discours plus ou moins for- malisés, plus précisément de textes tant oraux qu’écrits et censément do- tés d’un certain niveau de cohérence sémantique étant donné la situation de communication dans laquelle ils sont produits : face aux formateurs, et à des fins d’analyse et de régulation de la pratique ainsi que d’évaluation formative ou certificative du stage. L’entretien de stage se situe en l’occurrence dans une sorte de continuum entre discours oral et écrit, par le fait qu’il s’appuie sur la présentation par EF d’une « problématique professionnelle » qui s’étaye sur des événements rencontrés, des actions menées, tentées ou projetées, des préoccupations récurrentes, des buts ou des intentions. Cette présentation implique éga- lement le recours à des concepts scientifiques susceptibles de fonctionner comme des concepts fondateurs ou organisateurs de l’activité enseignante. Au sens vygotskien du terme, ces concepts, en s’intégrant dans le système des représentations du sujet au-delà de ses concepts spontanés ou ordi- naires, peuvent transformer ses modes d’action, ses conceptions du métier, 1. Contact : Sabine.Vanhulle@unige.ch 2. Contact : Dominika.Dobrowolska@unige.ch 3. Contact : Santiago.Mosquera@unige.ch 116 ou ses rapports motivationnels et affectifs à l’activité attendue d’un ensei- gnant (Vygotski, 1997). Selon une telle conception, l’activité langagière à l’œuvre dans le genre réflexif a pour fonction de soutenir la fusion sémiologique entre les dimen- sions pratiques et les dimensions conceptuelles de l’activité profession- nelle. Cela n’empêche pas que, paradoxalement, cette fusion puisse passer par l’expérience cognitive et affective d’une mise en tension due au hia- tus qui sépare souvent à priori les concepts scientifiques des interpréta- tions ordinaires de la réalité vécue dans ses contingences expérientielles. Nous soutenons que l’appropriation de son activité professionnelle par l’enseignant.e en formation passe par le dépassement de cette tension au profit d’une compréhension de l’activité qui n’est ni théorique ni purement « pratique », mais praxéologique : les concepts sont orientés vers un agir dans lequel ils peuvent s’intégrer par le truchement de l’enquête réflexive portant sur des situations vécues qu’il s’agit de problématiser. C’est ce but d’appropriation qui est visé par l’exercice du genre réflexif. Nous développons puis illustrons ces thèmes introductifs dans la suite de cette contribution et nous les discutons dans nos conclusions à partir de quelques-uns des apports de Claire Margolinas et de Bernard Rey à la jour- née d’études du CAHR de mai 2014. une construction sémiotique des situations professionnelles En formalisant des problématiques professionnelles, EF met tendancielle- ment en discours des situations emblématiques de l’activité enseignante. Le concept de « situation » fait toujours débat (De Fornel & Quéré, 1999 ; Lenoir & Toupin, 2011). Nous posons ici, schématiquement, que la situation renvoie à des actions4 que le sujet représente dans son discours comme celles qu’il considère avoir conduites compte tenu de paramètres qu’il délimite et tend à objectiver : circonstances, aspects spatio-temporels et interpersonnels, influences externes, événements, motifs d’agir ou de réa- gir, intentions reliées à ces actions, émotions et autres « satellites », selon le mot de Vermersch (1994) entourant la reconstitution de l’action propre- ment dite. Ainsi, à la « situation expérienciée » de Dewey (1993) - inatteignable en tant que telle et profondément marquée par l’indétermination – nous substituons Sabine Vanhulle, Dominika Dobrowolska et Santiago Mosquera Roa Mettre en texte une problématique professionnelle : de l’exercice du « genre réflexif » à la subjectivation de l’agir 4. Nous nous référons essentiellement à Bronckart (2005), pour les définitions suivantes : Agir : ou agir-référent, c’est le « donné » de nos recherches, soit, génériquement, toute forme d’in- tervention orientée d’un ou de plusieurs humains dans le monde. Un travail par exemple, structuré en tâches ; il se décline dans le déroulement temporel d’un cours de l’agir, sous forme de chaines de procès impliquant des actes ou des gestes. Activité : « statut » théorique ou interprétatif, désigne ainsi une lecture de l’agir impliquant les dimensions motivationnelles et intentionnelles mobilisées au niveau collectif. Action : lecture de l’agir impliquant ces dimen- sions mobilisées par des agents. Bronckart ne retient donc pas la définition d’activité comme ce que font, sentent, pensent les gens mais parle quant à lui de conduite. Enfin, ce que d’autres nomment cours d’action devient chez lui cours de l’agir. 117 N° 19 / 2015 / pp. 115-125 Formation et pratiques d’enseignement en questions la situation comme sémiotisation de l’action, qui nous rapproche de l’idée du « redoublement de l’expérience » de Vygotski (2003) : expérience de l’expérience configurée à travers l’activité langagière, et par là dotée d’un potentiel de généralisation. La dimension réflexive inhérente à l’activité langagière permet ainsi de construire – au sens de forger des « construits » relevant d’une conceptualisation – des situations illustratives non pas des expériences situées des stagiaires, mais des spécificités plus générales de l’activité enseignante par-delà les contextes localisés. des conditions d’énonciation Cette mise en représentation de l’activité sur la base de la configuration discursive de situations, ne dépend pas seulement de l’impact de l’expé- rience vécue, mais aussi des conditions d’énonciation dans lesquelles les enseignant.e.s en formation sont censés présenter leur problématique et endosser le genre réflexif. Le dispositif de formation en enseignement primaire genevois, dont il est ici question, est marqué lors de la dernière année par trois stages en res- ponsabilité5. Durant ces stages, deux entretiens ont lieu, le premier formatif et le second certificatif. Le formateur de terrain (T) reçoit l’enseignant.e en formation (EF) dans sa classe et le suit tout au long du stage. Ce suivi se base sur des guides d’observation et d’analyse des actions d’EF servant à ce dernier aussi pour s’autoévaluer et s’autoréguler. EF tient la classe et enseigne à temps plein sous le regard de T. Un superviseur universitaire (S) intervient lors de chaque entretien dit « tripartite », ne venant observer EF dans son activité que sur demande. L’évaluation formative et certificative porte sur des objectifs généraux communs aux trois stages en responsabi- lité ainsi que sur des objectifs spécifiques de chaque stage : stage 1 - focus sur les dimensions didactiques, la progression des élèves et l’évaluation des apprentissages ; stage 2 - focus sur les dimensions de médiation par l’enseignant.e des rapports élèves-savoirs et des apprentissages, la pla- nification, l’organisation du travail scolaire ; stage 3 - focus sur l’ensemble des compétences visées pour la fin de la formation initiale, y compris usage didactique des MITIC6. Ces entretiens sont donc fortement pré-structurés par des consignes académiques, réglementés dans les documents pres- criptifs élaborés en partenariat avec l’université (Université de Genève, 2011). Dans ces conditions, la présentation des problématiques au fil des entre- tiens renvoie à la réalisation d’un exercice qui se complexifie au fil des stages. Nous posons que l’appropriation de savoirs professionnels à tra- vers la construction des situations emblématiques qui ressortent progres- sivement de cet exercice, s’inscrit dans une trajectoire développementale qui subsume le caractère consécutif et localisé des stages. 5. Equivalent à un total de onze semaines s’ajoutant aux temps de terrain et stages à responsabilité progressive des trois années précédentes. 6. Médias, image et technologies de l’information et de la communication. 118 des compétences langagières pour se former professionnellement Cet exercice implique deux groupes de compétences. D’un côté, il s’agit des compétences d’analyse distanciée et critique permettant de problé- matiser des situations emblématiques de la profession. De l’autre côté, il s’agit des compétences sociolangagières nécessaires à la prise en charge d’un point de vue dans une énonciation en propre. Celle-ci est dès lors porteuse d’un éthos discursif. Maingueneau (2009) définit l’éthos comme l’image de soi qu’un locuteur élabore dans son dis- cours en accord avec les représentations de ce qu’attendent de lui uploads/Management/ mettre-en-texte-une-problematique-professionnelle-de-l-x27-exercice-du-genre-reflexif-a-l-x27-appropriation-des-savoirs-et-du-soi-professionnels.pdf
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- Publié le Jui 18, 2021
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