GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET CRÉATION DE VALEUR ORGANISATIONNELLE : CONCE

GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ET CRÉATION DE VALEUR ORGANISATIONNELLE : CONCEPTS ET OUTILS DE MESURE Florence Noguera, Djamel Khouatra RÉSUMÉ Cette recherche étudie la relation entre la gestion des ressources humaines et la création de valeur organisationnelle. Elle montre que la gestion stratégique des ressources humaines est un facteur déterminant dans le processus de création de valeur organisationnelle. Prenant appui sur deux cas de recherche-intervention, l’une du secteur de l’agroalimentaire et l’autre du secteur de la grande distribution, cette recherche propose un outil de mesure de création de la valeur organisationnelle. La création de valeur est un thème qui suscite aujourd’hui un intérêt croissant dans différents domaines des sciences de gestion : management stratégique, finance d’entreprise, comptabilité/contrôle de gestion, gestion des ressources humaines, organisation, marketing. Sur un plan académique, cet intérêt est à l’origine de nombreuses recherches. Sur un plan pratique, le thème de la création de valeur est devenu le nouveau credo des dirigeants des grandes entreprises. La création de valeur organisationnelle est au cœur des entreprises et des organisations dans le sens où elle permet le développement des activités et des emplois. Nous définissons la valeur organisationnelle d’une entreprise comme la qualité de son management et de son fonctionnement. La gestion de ressources humaines est-elle un facteur déterminant dans la création de valeur organisationnelle ? Notre hypothèse de travail consiste à considérer que la gestion des ressources humaines contribue à la création de valeur organisationnelle. En effet, le capital humain joue un rôle déterminant dans les phénomènes d’apprentissage, individuels et collectifs, dans la construction d’un avantage concurrentiel durable, et peut constituer un levier dans le processus de création de valeur organisationnelle. Le capital technique constitue un facteur inerte tant qu’il n’est pas activé par le facteur humain, d’où le caractère stratégique de la gestion des ressources humaines de l’entreprise. La mesure de la création de la valeur organisationnelle constitue un enjeu primordial pour les entreprises et les organisations. Nous proposons d’utiliser le modèle de l’analyse socio-économique comme approche possible de la mesure de création de valeur organisationnelle. Cette recherche étudie la relation entre la valeur sociale et la valeur organisationnelle en montrant la contribution de la gestion des ressources humaines à un accroissement de valeur organisationnelle. Elle se fonde sur des recherches-interventions menées au sein d’une entreprise du secteur agroalimentaire et d’une filiale d’un groupe de la grande distribution. Dans une première partie nous nous efforcerons de situer le concept de valeur organisationnelle dans les multiples lectures de la valeur. Dans une seconde partie, nous nous intéresserons au rôle clé de la gestion des ressources humaines dans la création de valeur organisationnelle. 1. DE LA VALEUR À LA CRÉATION DE VALEUR Après avoir présenté les multiples approches conceptuelles de la valeur, nous examinerons en particulier le concept de création de valeur organisationnelle. 1.1. La valeur éclatée ou les paradigmes de la valeur La valeur est un concept polysémique, omniprésent en sciences de gestion, mais largement éclaté (Bréchet et Desreumaux, 2001). La pluralité des déclinaisons du thème de la valeur peut s’expliquer par le découpage de la discipline sciences de gestion en domaines. Le thème de la valeur suscite depuis plusieurs années un engouement qui se traduit par une profusion des publications qui lui sont consacrées et une extension croissante des programmes de formation- sensibilisation pour dirigeants. La polysémie du concept de valeur en fait à la fois sa richesse et la difficulté de le définir. Le terme de valeur est synonyme de celui de richesse. Le thème de la valeur fait l’objet de regards multiples ou de paradigmes, c’est-à-dire de visions communes aux membres d’un groupe donné (Kuhn, 1983). Les développements suivants présentent quelques conceptions dominantes de la valeur qui se rattachent aux différents domaines des sciences de gestion. 1.1.1 Valeur partenariale et valeur actionnariale La problématique de la valeur renvoie à la question des destinataires de la valeur créée : pour qui crée-t-on de la valeur ? La valeur dont traite la littérature en finance d’entreprise est souvent une valeur financière pour l’actionnaire. D’après la théorie financière, les dirigeants de l’entreprise doivent agir selon l’objectif de maximisation de la richesse des actionnaires par création de valeur. La valeur actionnariale (shareholder value) renvoie à un ensemble de relations entre les dirigeants des entreprises cotées en bourse, les conseils d’administration (ou conseils de surveillance) et les marchés boursiers où interviennent les actionnaires (Fligstein, 2001). Pourquoi privilégier les actionnaires (approche shareholders value) au détriment des autres parties prenantes de l’entreprise (approche stakeholders value) ? Pour certains, la prise en compte des intérêts des actionnaires dans le contexte français constitue une évolution logique du capitalisme français dans le cadre de la mondialisation. Comment s’assurer que les dirigeants agiront bien dans le sens des intérêts des actionnaires (Van Loye, 1998) ? Cette question s’inscrit dans le cadre de la problématique de la convergence des buts (Fiol, 1991). Les partisans de cette vision contractualiste de l’entreprise soutiennent l’idée que privilégier la valeur actionnariale ne signifie pas pour autant ignorer les autres parties prenantes (stakeholders) et leurs intérêts (Albouy, 2000 ; Bogliolo, 2000). Le concept de valeur partenariale est proposé comme alternative à celui de valeur actionnariale (Charreaux et Desbrières, 1998). Cette conception de la valeur élargie aux différents stakeholders a l’intérêt de mettre en évidence que la création de valeur ne résulte pas seulement de l’apport de capitaux par les actionnaires, mais des efforts conjugués de tous les partenaires ou stakeholders (actionnaires, dirigeants, créanciers, fournisseurs, salariés, sous-traitants, pouvoirs publics). 1.1.2 Valeur client Une conception ou image de la valeur conduit à faire rimer cette dernière avec clients. Il s’agit de valeur perçue par le client, laquelle dépend de la notion de qualité perçue. Un bien ou un service est de qualité lorsqu’il répond aux besoins explicites du client. La qualité ne se limite pas aux attributs intrinsèques du produit, mais recouvre aussi les dimensions services offerts, prix, flexibilité, etc. L’objectif majeur de l’entreprise est d’offrir à ses clients des produits de qualité. Mais l’entreprise doit également maîtriser ses coûts afin de préserver sa marge bénéficiaire. Créer de la valeur revient alors à maximiser le rapport qualité / coûts. La valeur-clients est une valeur relative puisqu’elle peut varier d’un client à l’autre. Saut de page 1.1.3 Valeur concurrentielle ou valeur stratégique La valeur concurrentielle a trait aux relations de l’entreprise avec son environnement. La valeur créée résulte du choix et de la combinaison des activités en vue de créer un avantage concurrentiel (Hoarau et Teller, 2001). On peut inclure dans ce paradigme de la valeur concurrentielle des auteurs du management stratégique : Ansoff, Porter, Nakamura, Shrivasta, etc. (Martinet et Reynaud, 2001). Porter (1986) propose d’utiliser le concept de chaîne de valeur ou chaîne d’activités pour l’obtention d’un avantage compétitif. Les activités principales (logistique interne, production, logistique externe, commercialisation- vente, services) et les activités de soutien (infrastructure de l’entreprise, gestion des ressources humaines, développement technologique, approvisionnements) consomment des ressources afin de dégager une marge maximale. D’après Porter, une entreprise crée de la valeur grâce à ses compétences et à ses savoir-faire. Elle a donc intérêt à évaluer et surveiller chacun des maillons de la chaîne de valeur afin d’accroître ses avantages compétitifs ou en développer de nouveaux. 1.1.4 Valeur comptable et juste valeur Le modèle comptable traditionnel en France repose notamment sur les principes de prudence et du coût historique. La valeur comptable ou patrimoniale que l’on peut tirer du bilan dépend des estimations très approximatives (subjectives), notamment des dépréciations subies par les actifs, ces estimations étant fonction des intentions plus ou moins intéressées des responsables des comptes (Casta et Colasse, 2001). La juste valeur (fair value) est présentée comme une nouvelle convention d’évaluation qui donne au nouveau modèle comptable plus de pertinence par rapport au modèle traditionnel du coût historique. Mais la question qu’il convient de poser est : pertinent pour qui (Casta et Colasse, 2001) ? La comptabilité financière doit satisfaire des utilisateurs divers ou parties prenantes (stakeholders). L’évaluation en juste valeur (valeur de marché) comporterait selon ses partisans trois avantages principaux : une plus grande objectivité dans la mesure, la fourniture d’une meilleure information sur les performances présentes et futures et donc une plus grande pertinence, un meilleur contrôle des dirigeants par les actionnaires. Mais la juste valeur a aussi des limites : son extrême volatilité, en particulier dans le cas des établissements de crédit, et les difficultés liées à sa mesure lorsqu’il n’existe pas de marchés ou lorsque ceux-ci sont inefficients (Casta et Colasse, 2001). 1.2. Valeur organisationnelle, valeur sociale et valeur économique Valeur organisationnelle, valeur sociale et valeur économique sont en interaction dans le cadre d’un modèle de la valeur intégrale. Nous avons choisi d’étudier la relation entre la valeur sociale et la valeur organisationnelle en montrant la contribution de la gestion des ressources humaines à un accroissement de valeur organisationnelle. 1.2.1 L’état de la littérature sur le concept de valeur organisationnelle Certains auteurs évoquent ce concept de valeur organisationnelle. Cette dernière conduit à l’examen des problèmes sous l’angle interne de la hiérarchie, de la coordination, de la motivation des uploads/Management/ noguera-khouatra 1 .pdf

  • 16
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 14, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.2192MB