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YVES CHEVALLARD ORGANISER L’ETUDE. 3. ECOLOGIE & REGULATION Abstract: The key point in this lecture is that there exists a whole hierarchy of levels of determination, which account for the ecology of didactic organisations, and to which, looking beneath appearances, didacticians of mathematics should turn their thoughts in order to get a deeper understanding of their scientific and political role. 1. NIVEAUX DE DETERMINATION MATHEMATIQUE On a dit que le champ de l’enseignement est, dans le long terme, pris dans une dynamique de progrès. Ce progrès est en partie lié aux progrès de la connaissance scientifique en matière didactique. À ce propos, on citera un peu longuement un texte récent de Gérard Vergnaud, intitulé On n’a jamais fini de relire Vygotski et Piaget : Vygotski avance alors une thèse très intéressante : on se développe parce qu’on rencontre la contingence. Il attribue d’ailleurs cette idée à Piaget, avant de la reprendre à son propre compte. […] Toutefois, en mettant en avant l’idée que l’apprentissage précède le développement, Vygotski est conduit à donner plus d’importance que Piaget à la contingence : la relation du sujet à son environnement n’est pas réglée par des lois de pure nécessité. […] D’une certaine manière, la contingence est une idée complémentaire de celle d’adaptation : l’une ne va pas sans l’autre. C’est pour faire face aux situations imprévues et aux incidents qu’on modifie ses schèmes ou qu’on en développe de nouveaux, avec leur cortège de conceptualisations associées. Cela est vrai pour l’expérience en général et pour l’expérience professionnelle en particulier. Mais cela est vrai aussi pour l’expérience intentionnellement organisée à l’école pour que les enfants apprennent, ou dans un stage de formation d’adultes, pour que les participants apprennent, plus vite et plus complètement. Allons plus loin, et mettons au crédit de la recherche en didactique cette idée que la rencontre avec des situations nouvelles peut être utilisée comme un levier de l’apprentissage et du développement. C’est la théorie des situations didactiques, que Brousseau a nourrie le premier. Ni Vygotski ni Piaget n’ont poussé les feux assez loin dans cette direction, qui est celle de l’organisation des perturbations, en vue de provoquer l’apprentissage. Si on ne déstabilise pas l’enfant, celui-ci n’a pas de raison d’apprendre. Il est vrai aussi que si on le déstabilise trop ou trop souvent, il n’apprend pas non plus. Elle est étroite la marge d’action de l’enseignant et du formateur, celle à laquelle pensait probablement Vygotski quand il a défini la zone de proche développement. (Vergnaud 1999, p. 51-52) La convergence des travaux évoqués ici à travers les noms de Vygotski, de Piaget, de Brousseau (et aussi, bien sûr, de Vergnaud), atteste l’avancée de la connaissance en un domaine en apparence soumis au décourageant régime de l’éternel recommencement. Or cette avancée scientifique est loin de s’imprimer simplement dans la culture scolaire et dans le système éducatif. Ainsi ne peut-on espérer, sans se montrer scientifiquement naïf et politiquement irresponsable, que la problématique, si étrangère à nos vieilles sociétés fondées sur la docilité de la masse face à l’autorité du petit nombre, de la déconstruction- reconstruction des œuvres remplace silencieusement une tradition séculaire où l’élève comme l’étudiant attendent sans ciller, selon l’immémoriale problématique du recopiage des œuvres et du mimétisme culturel, que le professeur enseigne – c’est-à-dire montre – ce qu’il y a à faire, comment le faire, et pourquoi le faire ainsi. D’une façon plus générale, la mise en place et la mise en fonctionnement dans l’enseignement secondaire des mathématiques de nombre d’organisations didactiques concevables – et, de tel ou tel point de vue, désirables – se 2 heurtent à des contraintes qui en dénaturent la structure et en oblitèrent les fonctions, dès lors qu’elles cessent d’être seulement un « world on paper », un monde sur le papier. Ces contraintes tiennent globalement au fait que la mise en place d’une organisation mathématique ne se fait pas dans un vide d’œuvres. La mise en place d’une organisation mathématique ponctuelle [T/τ/θ/Θ] ne se rencontre par exemple qu’exceptionnellement dans les cours d’études réels : il n’existe guère de thèmes d’étude θ qui ne renvoient qu’à un type de tâches T. Cette abstraction existe sans doute un peu plus pour l’élève parce que, dans l’état actuel des choses, celui-ci est évalué en priorité à propos de types de tâches T dont chacun définit pour lui un sujet d’études à part entière, quasi indépendants des autres. Mais pour le professeur, déjà, l’unité de compte – non bien sûr l’unité minimale – est plus vaste : c’est autour d’une technologie θ, qui prend alors le statut de thème d’études, que se regroupe pour lui un ensemble de types de tâches Ti (i ∈ I) à chacun desquels, selon la tradition en vigueur dans le cours d’études, la technologie θ permettra d’associer une technique τi. L’organisation mathématique que le professeur vise à mettre en place dans la classe n’a plus alors la structure atomique qu’exhibe la formule [T/τ/θ/Θ] : c’est un amalgame de telles organisations ponctuelles, que l’on notera [Ti/τi/θ/Θ]i∈I et qu’on appelle organisation (mathématique) locale. Et c’est d’une telle organisation locale que l’élève devra alors extraire, en les reconstruisant avec ses camarades d’étude sous la direction du professeur (ou, faute de mieux, pour son propre compte), les organisations ponctuelles sur lesquelles sa maîtrise sera préférentiellement évaluée. Le professeur, quant à lui, doit gérer un phénomène analogue, mais à un niveau supérieur : l’organisation locale [Ti/τi/θ/Θ]i∈I correspondant au thème d’études doit être extraite d’une organisation plus vaste, qu’on dira régionale, et qu’on peut regarder formellement comme le fruit de l’amalgamation d’organisations locales admettant la même théorie Θ, [Tji/τji/θj/Θ]i∈Ij, j∈J. Ce niveau, celui du secteur d’études, n’est au reste nullement terminal. On constate en effet, en général, l’existence de niveaux supérieurs de détermination (d’une organisation) mathématique : l’amalgamation de plusieurs organisations régionales [Tji/τji/θj/Θk]i∈Ij, j∈Jk conduit ainsi à une organisation globale, identifiable à un domaine d’études ; et l’ensemble de ces domaines est amalgamé en une commune discipline – pour nous, « les mathématiques ». La reconnaissance de la hiérarchie de niveaux ainsi ébauchée, qui va des sujets d’études à la discipline en passant par thèmes, secteurs et domaines, a pour principal mérite de permettre un premier tri dans les paquets de contraintes présidant à l’étude scolaire, en évitant un déséquilibre trop flagrant entre ce qui, de ces contraintes, sera pris en compte et ce qui sera laissé pour compte. Le réalisme de cette échelle de niveaux n’est, à cet égard, pas douteux. Le programme de la classe de seconde, ainsi, apparaît scindé en trois domaines d’étude que les rédacteurs du programme ont appelés « chapitres » et intitulés respectivement Statistique, Calcul et fonctions, Géométrie. Le domaine de la « Statistique » est lui-même scindé en deux secteurs d’études, que l’on peut nommer Résumé numérique d’une série statistique et Simulation et fluctuation d’échantillonnage. Le premier de ces secteurs se divise à son tour en deux thèmes d’études, d’une part celui des mesures de tendance centrale et de dispersion, d’autre part celui de la distribution des fréquences d’une série statistique. Le premier thème d’études, pléthorique, se laisse partager en sept sujets d’études : 1) calcul de la moyenne d’une série statistique ; 2) calcul de la médiane d’une série statistique ; 3) détermination de la « classe modale » d’une série statistique ; 4) détermination d’une moyenne élaguée d’une série statistique ; 5) détermination de l’étendue d’une série statistique ; 6) utilisation des propriétés de linéarité de la moyenne d’une série statistique pour en calculer la moyenne ; 7) calcul de la moyenne d’une série à partir des moyennes de sous-groupes. Mais la remarque essentielle qu’appelle l’échelle des niveaux est la suivante : dans l’opération de détermination des organisations mathématiques qu’ils tenteront de mettre en place dans les classes, les professeurs tendent à ne se repérer que sur les niveaux de plus 3 grande spécificité, sujets et thèmes. Ce qui mobilisera un professeur intervenant en classe de seconde, ainsi, ce sera le fait de devoir « traiter », dans la période en cours, le thème « mesures de tendance centrale et de dispersion », et, plus précisément, de se préparer à traiter, lors de la prochaine séance, le sujet intitulé « propriétés de linéarité de la moyenne ». D’une manière générale, son souci ne se portera guère sur les secteurs ou les domaines, niveaux de moindre spécificité avec lesquels, en tant que pur praticien de l’enseignement des mathématiques, il n’a, dans les organisations didactiques scolaires courantes, que peu d’occasions de commercer – si ce n’est par exemple pour préciser à des élèves troublés que les notes relatives aux « propriétés de linéarité de la moyenne » doivent être prises dans la partie de leur classeur réservée à la statistique, et non dans celle allouée à ce que, n’en déplaise aux rédacteurs du programme, il continuera peut-être d’appeler pompeusement « analyse ». Il en irait autrement, par exemple, si l’usage était établi que le professeur présente en début d’année, dans le cadre d’une « leçon inaugurale », le programme d’études de la classe, uploads/Management/ organiser-l-etude-3-2002 1 .pdf

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  • Publié le Fev 04, 2022
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