Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca COURS DE DIDACTIQUE DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANG
Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca COURS DE DIDACTIQUE DU FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE ET SECONDE 4e édition Presses universitaires de Grenoble partie ii Le niveau méthodologique 141 CHAPITRE 1 Les compétences fondamentales Comme il a été mentionné au chapitre 4 de la première partie, le concept de compétence est difficile à cerner et est susceptible de plusieurs interprétations. Il est pourtant au cœur de bien des recherches en didactiques des disciplines et à la base de nombreux systèmes éducatifs. En France, par exemple, un socle commun de connaissances et de compétences, au nombre de sept, présente ce que tout élève doit savoir et maitriser à la fin de la scolarité obligatoire: depuis 2008, les programmes de l’école primaire et du collège ont intégré ces sept compétences et, en 2016, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture élargit et redéfinit cette organisation. La didactique des langues n’échappe pas à cette tendance et la compétence de communication est un concept méthodologique au centre des préoc- cupations aussi bien des chercheurs que des enseignants et des apprenants. L’analyse détaillée et la présentation taxinomique qu’en fait le CECR ne sont qu’une tentative pour cerner la complexité du langage humain dont les emplois, propres à chaque individu, sont à la fois uniques et quasiment infinis. Les nombreuses arborescences qu’il dresse pour appréhender cette notion, si elles peuvent a priori dérouter bon nombre d’étudiants ou d’enseignants, constituent un inventaire de référence incon- tournable pour tous les praticiens, qu’ils soient enseignants, formateurs, concepteurs de programmes, de dispositifs d’évaluation ou de manuels. 1.0. La compétence de communication: éléments pour un cadrage méthodologique La notion de compétence, que l’on trouve à l’origine dans le monde du travail, est omniprésente dans bien des systèmes éducatifs et, pour éviter toute confusion, il n’est pas inutile de rappeler que le CECR définit la compétence «comme l’ensemble des connaissances, des habiletés et des dispositions qui permettent d’agir» (p. 15)1 et que la compétence de communication met tout l’être humain en jeu: elle s’ins- crit donc dans un cadre de compétences générales, variables selon les personnes «auxquelles on fait appel pour des activités de toutes sortes, y compris langagières» (p. 15). Elles se déclinent en savoir, savoir-faire, savoir-être et savoir-apprendre, chacun de ces paramètres pouvant se décomposer afin d’être appréhendés dans leur exhaustivité (p. 82-86). Ceux-ci se retrouvent bien évidemment dans les discours didactiques, car un des objectifs essentiels de l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère, par l’expérience de l’altérité qu’elle permet, est de favoriser le développement de l’ensemble de la personnalité de tout apprenant. 1. Par souci de clarté, les pages indiquées dans les parenthèses renvoient directement à celles du CECR. Pour de plus amples précisions, il est possible de s’y reporter. © PUG - Toute reproduction non autorisée est un délit. 142 cours de didactique du français langue étrangère et seconde À ces compétences générales se greffe une compétence communicative langagière (p. 86-101) qui se décompose à son tour en compétences linguistiques, sociolinguis- tique et pragmatique, chacune d’elles se décomposant à nouveau afin de prendre en charge l’ensemble des domaines qui la compose. Ainsi, les compétences linguistiques comprennent les compétences lexicale, grammaticale, sémantique, phonologique et orthographique. La compétence sociolinguistique, qui renvoie aux paramètres des normes sociales de l’utilisation de la langue, recouvre notamment les marqueurs des relations sociales, les règles de politesse, les différences de registre ainsi que les variations sociales et régionales. La compétence pragmatique, quant à elle, englobe pour l’essentiel la compétence discursive et la compétence fonctionnelle. Isolées et classées pour les besoins de la description, ces compétences sont en perpé- tuelle interaction lors de la réalisation d’intentions communicatives et forment un tout indissociable. Le «modèle» proposé par le CECR pour appréhender la compétence à communiquer langagièrement dans sa globalité et sa complexité permet aussi bien de structurer l’organisation des enseignements que de prendre en charge, de manière appropriée et selon les niveaux, les différentes composantes qui la constituent. Mais comme le souligne à maintes reprises cet outil de référence, la langue et la culture constituent une seule entité: «La langue n’est pas seulement une donnée essentielle de la culture, c’est aussi un moyen d’accès aux manifestations de la culture» (p. 12). Le culturel et l’ensemble de ses déclinaisons, interculturel, multiculturel, pluriculturel, etc., sous-tendent l’ensemble des principes proposés et intègrent le plurilinguisme dans une notion plus vaste et plus ambitieuse: «Il faut resituer le plurilinguisme dans le contexte du pluriculturalisme. […] Les différentes cultures (nationale, régionale, sociale) auxquelles quelqu’un a accédé ne coexistent pas simplement côte à côte dans sa compétence culturelle. Elles se comparent, s’opposent et interagissent activement pour produire une compétence pluriculturelle enrichie et intégrée dont la compétence plurilingue est l’une des composantes, elle-même interagissant avec d’autres compo- santes» (ibid.). Le CECR reste, cependant, centré sur la langue. La culture appartient aux compétences générales individuelles; elle apparait dans la catégorie du savoir et est développée selon trois axes: la culture générale ou connaissance du monde, le savoir socioculturel comprenant tous les traits civilisationnels caractéristiques d’une société et, enfin et non des moindres, la prise de conscience interculturelle (p. 82-83). Certes, les dimensions culturelles de la langue cible peuvent être sous-entendues dans la compétence sociolinguistique2, voire même pragmatique puisque certains genres de discours portent en eux des traits propres à une culture. Le culturel fait donc partie intégrante des cours de langues, notamment par l’intermédiaire des 2. Rappelons que Sophie Moirand déclinait en quatre composantes la compétence de communication et certaines semblaient accorder plus de place à la dimension culturelle: composantes linguistique, discursive, référentielle et, enfin, socioculturelle, dans Enseigner à communiquer en langue étrangère, Hachette, «F», 1990. © PUG - Toute reproduction non autorisée est un délit. 143 les compétences fondamentales supports authentiques utilisés, mais il faut veiller à ne pas le minorer, ni à l’évincer par l’absence de connaissances sur le domaine sociétal et culturel, surtout lorsqu’il n’y a pas de cours spécifique prévu dans les dispositifs d’enseignement. Enseigner une langue étrangère se doit de favoriser une communication verbale intercultu- relle d’une part et, d’autre part, de développer les compétences générales et, tout particulièrement, une compétence pluriculturelle. La compétence de communication langagière englobe également une composante majeure qui concerne les stratégies3 de communication, distinctes des stratégies d’apprentissage et d’enseignement. Elles font partie du répertoire communicatif que déploie tout usager d’une langue, qu’elle soit maternelle ou étrangère. La définition qu’en propose le CECR est particulièrement ambitieuse et va au-delà des renvois à la communication non verbale ou des simples astuces utilisées pour compenser un déficit linguistique ou une erreur de communication, même si elle les annexe: «les stratégies sont le moyen utilisé par l’usager d’une langue pour mobiliser et équilibrer ses ressources et pour mettre en œuvre des aptitudes et des opérations afin de répondre aux exigences de la communication en situation et d’exécuter la tâche avec succès et de la façon la plus complète et la plus économique possible – en fonction de son but précis» (p. 48). Cette composante revient à maintes reprises dans les différents chapitres du CECR: classifiées en catégories – produc- tion, réception, interaction et médiation –, elles sont également spécifiées par des descripteurs spécifiques pour chacune des activités de communication langagière, permettant ainsi de les intégrer de manière plus ou moins explicite dans des activités communicatives ou d’organiser une méthodologie d’enseignement par compétence. Cette typologie, qui reprend très rapidement les différentes compétences que le CECR identifie pour appréhender la compétence de communication4, peut être un lieu fertile en méthodologie, car elle est à la base de tout cadre d’organisation didactique. Une démarche méthodologique cohérente, même si elle fragmente la compétence communication en activités disjointes pour des besoins d’acquisition, doit prévoir in fine des activités globalistes qui favorisent l’articulation des diffé- rentes composantes. La compétence communicative langagière se réalise dans l’action. C’est donc un savoir de type procédural qui, dans sa définition restreinte, se résume à la capacité ou l’aptitude à utiliser, dans le respect des usages sociaux, telle ou telle forme de la langue cible. Il est désormais traditionnel de considérer que ce savoir-faire langagier se réalise par deux canaux différents, écrit et oral, et de deux manières différentes, 3. Cf. notamment le chapitre 4 du CECR, «L’utilisation de la langue et l’apprenant/utilisateur», p. 39-80 et, pour une analyse moins complexe, Cyr P ., Les stratégies d’apprentissage, CLE International, «Didactique des langues étrangères», 1998. 4. Pour une analyse plus détaillée, cf. Gruca I., «Compétences, progression et évaluation: mise en œuvre méthodologique», dans Zajac J. et Valetopoulos F. (coord.), Les compétences en progression. Un défi pour la didactique des langues, université de Varsovie et université de Poitiers, 2012, p. 17-30. © PUG - Toute reproduction non autorisée est un délit. 144 cours de didactique du français langue étrangère et seconde par des opérations de compréhension et d’expression (en continu ou en interaction) qui, par un raccourci pédagogique commode, définissent quatre grands types de compétences: compréhension de l’oral, compréhension de l’écrit, production orale et production écrite. Ce sont ces catégories5 qui structurent et étayent les objectifs de tout programme d’apprentissage et, au sens commun du uploads/Management/ pug-extrait-cours.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 13, 2021
- Catégorie Management
- Langue French
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