Amours fous Notre orientation..................................................

Amours fous Notre orientation..................................................................................................................................................... 3 Vous avez dit bizarre ? Jacques-Alain Miller .................................................................................................. 3 L’avenir de la thérapeutique Marie-Hélène Brousse...................................................................................... 15 Amours fous et psychanalyse appliquée en institution......................................................................................... 22 Louis, l’homme enchaîné Léonce Boigelot..................................................................................................... 22 L’exigence d’amour Thierry Van de Wyngaert............................................................................................ 24 L’érotomanie comme mode de traitement de l’Autre Bénédicte Maes........................................................... 29 Clinique des amours fous ..................................................................................................................................... 33 L’amour fou, ou pas si fou que ça Francesca Biagi-Chai .............................................................................. 33 PSA + D = APT Daniel Pasqualin.................................................................................................................. 36 Lucas X, homme du monde Marie-Hélène Briole.......................................................................................... 39 La faillite de l’amour dans la psychose Yves Vanderveken........................................................................... 43 L’issue thérapeutique par l’amour Hélènice Saldhana de Castro.................................................................. 48 Folies ordinaires de l’amour................................................................................................................................. 51 Amour et sexe au-delà des identifications Alexandre Stevens....................................................................... 51 Note de lecture : Bord de mer Danièle Lacadée-Labro ................................................................................. 61 Travaux................................................................................................................................................................. 64 Perturbations de l’identité sexuelle dans la psychose Daniel Cena Reido...................................................... 64 La contingence du phallus à la fin de l’analyse Elisa Alvarenga ................................................................... 66 2 Accueil Cliquer Notre orientation Vous avez dit bizarre ? Jacques-Alain Miller Charles et Françoise Schreiber invitèrent J.-A. Miller à parler à Descartes le 3 mai 1997. On lira ci-dessous son intervention, ainsi que l’argument rédigé par J.-A. Miller quelque temps auparavant. La transcription a été assurée par Fabienne Henry, Michel Jolibois, avec la collaboration de Bernard Cremniter. J’ai contribué à l’édition du texte, une première fois pour une diffusion à peu d’exemplaires en Touraine, puis aujourd’hui dans une version un peu allégée. On notera que l’actualité en est saisissante. Dans son cours « Le lieu et le lien » (2000-01), et aussi dans ses « Réflexions sur le moment présent » (2001- 02), J.-A. Miller développa le thème, traité ici en filigrane, du pousse-à-dire aujourd’hui omniprésent 1. C. Bonningue 1. Freud, l’interprétation « Un mode très particulier, et même bizarre, de la parole. » J’ai terminé par ces mots – à vrai dire, plutôt interrompu qu’achevé – le petit argument que Françoise et Charles Schreiber ont réussi à m’extraire. En le bâclant, il m’est en effet venu de dire : « L’interprétation est un mode particulier, et même bizarre, de la parole. » Je me suis arrêté là, par fatigue. Le mot « bizarre » m’était venu sous la plume, et, après un tel effort, j’ai levé la plume là- dessus. L’interprétation, les phénomènes freudiens, l’inconscient, la personne, le psychanalyste lui- même, sont bizarres. Le mot de bizarre lui-même m’a paru bizarre. Sans doute quelque chose de bizarre s’attache-t-il au mot lui-même. « Bizarre ! Vous avez dit bizarre ? » est une réplique célèbre 2. Au titre un peu passe-partout que j’avais donné, « Freud, l’interprétation », je substituerais volontiers celui de « Vous avez dit bizarre ? ». Une fois que je me suis moi-même attaché à ce mot, d’une certaine façon, il ne m’a plus quitté. Le mot de « bizarre » a paru bizarre à des confrères – pas à mes amis Schreiber –, étant donné qu’il n’est pas d’usage, dans le milieu ni dans la littérature, de dire de l’interprétation psychanalytique qu’elle a quelque chose de bizarre. Il me semble à moi que le mot de bizarre est tout à fait à sa place pour qualifier l’interprétation psychanalytique. Bizarre ne veut pas dire autre chose. Quelque chose est bizarre pour autant qu’il s’écarte des usages reçus, de l’ordre commun. Quelqu’un est bizarre dans la mesure où sa conduite n’est pas normale. 1 Cf. MILLER J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée & psychothérapie », La Cause freudienne, 48, Paris, diffusion Seuil, 2001, pp. 7-35. 2 Sans doute J.-A. Miller fait-il référence à la réplique du film de Carné et Prévert, Drôle de drame, cité par le petit Robert : « Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre ! ». Note de CB. Ces définitions sont celles du dictionnaire. Après l’avoir écrit, quand « bizarre » a commencé à me chatouiller un peu, je suis allé au Robert, puisque le dictionnaire est là pour attester l’usage normal, l’usage reçu des mots, dans un état donné de la langue. Par une face, le dictionnaire est ce qu’il y a de plus normal, le guide de l’usage normal, normé, de la langue. Puisque cela m’est venu ainsi, que cela dérange un peu ou paraît inhabituel est une raison de plus pour y tenir, parce que l’interprétation analytique n’est pas du tout un mode normal de la parole. Que trouve-t- on si l’on prend les antonymes du mot ? – Clair, égal, équilibré, normal, ordinaire, pondéré, régulier, et simple. Eh bien, l’interprétation analytique n’est pas claire, équilibrée, simple, ordinaire. Elle est au contraire volontiers obscure, excessive, complexe, et plutôt extraordinaire. Au moins, ce sont des énoncés, des paroles, qui sortent de l’ordinaire. J’adopte même le mot de bizarre pour qualifier, d’une façon que tout le monde peut comprendre, les phénomènes freudiens, ceux sur lesquels Freud a fondé sa pratique et la discipline à laquelle il a attaché son nom. Ce sont par excellence des phénomènes bizarres, des phénomènes irréguliers et obscurs. On peut même poser que, fondamentalement, l’inconscient se manifeste de manière bizarre. Quand vient-on en analyse ? On vient en analyse quand on se sent le siège de certains phénomènes bizarres, d’un certain nombre de trébuchements ou d’incapacités bizarres, d’obsessions bizarres, et surtout de symptômes bizarres. La bizarrerie s’étend même éventuellement à toute la personne. Ce n’est pas le plus fréquent, mais il y a des cas où la concierge s’inquiète de savoir si l’on peut laisser monter telle personne dans l’escalier. Évidemment, les gens trop bizarres sont souvent emmenés, ou vont, à l’hôpital psychiatrique, et ce, lorsque la bizarrerie dépasse un certain degré. Mais le plus bizarre de tous, dans son exercice, plus bizarre encore que ses patients, c’est le psychanalyste lui- même. 2. La marque du psychanalyste Il faut constater que, au bout d’un siècle de psychanalyse, on s’est habitué à ce personnage 3 Accueil Cliquer bizarre-là, et l’analyse n’apparaît plus si bizarre. Cela fait justement une difficulté à la psychanalyse de ne plus apparaître si bizarre que cela. Et les psychanalystes ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour ne pas paraître trop bizarres. Encore que, moi, ne suis-je pas un peu bizarre ici ? Presque personne n’a de cravate, de veste sur le dos, et presque personne n’est un homme. J’exagère, mais la féminisation est tout de même avancée. Les psychanalystes ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour ne pas paraître trop bizarres et pour démontrer qu’ils étaient des citoyens comme les autres, des gars réguliers, de bons bourgeois. Ils n’ont que trop bien réussi. Ne nous arrêtons pas à ces apparences. On sent bien que ce n’est pas par ce côté-là, le côté où ils sont réguliers, qu’ils opèrent à proprement parler. Voyez Lacan et la masse d’anecdotes qui le concernent. Elles sont toutes vraies, même les fausses, et toutes le montrent extravagant, bizarre. Cette bizarrerie n’a pas du tout nui à la psychanalyse, contrairement à ce que les âmes pieuses pouvaient croire. Cette bizarrerie incarnée, dans la seconde moitié du vingtième siècle, a plutôt rafraîchi et rajeuni la psychanalyse. Elle lui a donné comme un nouvel élan, qui nous porte encore, partout dans le monde. Même ceux qui sont contre vivent sur l’élan que cette bizarrerie a donné à la psychanalyse. Une touche de bizarre est peut-être la marque du psychanalyste. Au point que les psychanalystes vraiment malins affectent le bizarre, même quand ils n’ont rien de bizarre. Par exemple, un accent d’Europe centrale, entre les deux guerres, n’a certainement pas nui – au contraire – au prestige du psychanalyste. C’était même une sorte de trait obligé pendant un temps, puisqu’il a fallu au départ les importer, les psychanalystes. Edgar Poe, d’ailleurs, avant le temps de la psychanalyse, dans son petit conte qui s’appelle « The Angel of the Odd », fait parler son ange du bizarre avec un épouvantable accent allemand, un peu du style Nucingen dans Balzac. Cette petite histoire, qu’il vaudrait la peine de détailler, est une sorte de pressentiment de l’inconscient. Odd, en anglais, c’est l’impair et cela qualifie très bien l’inconscient – Lacan l’a noté quelque part –, puisque l’inconscient fait faire des impairs. 3. L’espace de l’expérience Le dictionnaire donne une liste sensationnelle de mots, qui reconstituent une sorte de halo sémantique du mot bizarre. Autant de termes qui pourraient s’appliquer aussi bien à l’inconscient, à ses phénomènes, qu’au patient et à l’analyste lui-même. Cette liste m’enchante. « Bizarre : V. abracadabrant, anormal, baroque, biscornu, cocasse, comique, extraordinaire, extravagant, fantaisiste, fantasque, fantastique, fantasmagorique, funambulesque, grotesque, insolite, monstrueux, original, plaisant (ironiq.), ridicule, saugrenu, singulier, marrant (ironiq, et populaire). Un caractère bizarre. V. abrupt, capricieux, impossible, incompréhensible, inégal. V. cornu, cinglé (pop.), halluciné, iroquois, lunatique, loufoque (pop.), maniaque, numéro (fam.), olibrius, original, phénomène, pistolet (drôle de pistolet) ! (fam.), type (fam.), zèbre (fam.). » Chacun de ces vocables mériterait un commentaire, mériterait d’être mis à sa place. C’est l’espace même de la psychanalyse. Le bizarre – au moins pour aujourd’hui –, c’est l’espace même où nous nous exerçons. Ce qui a d’ailleurs uploads/Management/ quarto-78.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jui 15, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.6050MB