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Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 2 mai 2021 10:37 Lien social et Politiques Entre l'engagement et l'obligation : l'appel à la responsabilité à l'ordre du jour Johanne Charbonneau et Philippe Estèbe La responsabilité, au-delà des engagements et des obligations Numéro 46, automne 2001 URI : https://id.erudit.org/iderudit/000319ar DOI : https://doi.org/10.7202/000319ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Lien social et Politiques ISSN 1204-3206 (imprimé) 1703-9665 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Charbonneau, J. & Estèbe, P. (2001). Entre l'engagement et l'obligation : l'appel à la responsabilité à l'ordre du jour. Lien social et Politiques,(46), 5–15. https://doi.org/10.7202/000319ar Entre l’engagement et l’obligation : l’appel à la responsabilité à l’ordre du jour Présentation La notion de responsabilité est fréquemment invoquée dans les débats publics. La présentation des actualités dans les médias et le courrier des lecteurs dans les quotidiens sont ponctués régulièrement d’appels au sens des res- ponsabilités de tous et chacun (adulte, citoyen, travailleur, entreprise, etc.) et d’exercices de désignation des res- ponsables, à la suite de méfaits ou autres événements qui ont fait des victimes. Mais cette notion se retrouve aussi dans des énoncés récents de politique, dans les domaines de la santé, de l’éducation ou même de la sécurité civile, où sont discutées de nouvelles modalités de partage de responsabilité. Pourquoi et comment cette notion, aux contours théoriques plutôt flous, est-elle devenue si centrale dans les débats ? Sa popularité grandissante s’inscrit, de fait, dans une dynamique contextuelle particulière, comme le rap- pellent d’ailleurs tous les auteurs qui en discutent dans ce numéro. D’une part, comme bien des observateurs l’avaient anticipé, la « fin » ou, du moins, la redéfinition en profondeur du rôle de « l’État providence » commandait une révision des rôles et des obligations respectifs des collectivités, communautés, familles et individus à l’égard des « populations vulnérables ou dépendantes » dont l’État avait, avec le temps, accepté de prendre la charge. Mais, dans notre société où chacun se définit de moins en moins clairement en termes de rôles et de statuts, il ne doit plus être question d’obligations associées à ceux-ci; la redéfinition des obligations devient plutôt un pro- cessus négocié de « partage des responsabilités », dans un esprit de collaboration et de concertation et par le biais de modalités partenariales. Le renouvellement des références conceptuelles apparaît ainsi comme une nécessité. La valorisation de la liberté de choix des individus dans les décisions qui concernent leur trajectoire de vie et dans le maintien des relations inter- personnelles, l’imprévisibilité des destins individuels et l’affaiblissement des cadres institutionnalisés de la vie sociale sont autant d’éléments qui posent maintenant l’exigence du respect de l’autonomie de l’acteur et obligent un renou- vellement de la manière de s’adresser à lui pour l’inciter, le convaincre, le faire accepter volontairement de s’engager envers les autres et de participer à la vie de la cité. La notion de responsabilité paraît bien convenir à cette exigence : sa définition, peu précise et inspirée tant de la philosophie morale que du droit, permet l’appel d’une réponse aux besoins des personnes vulnérables, mais convient tout autant à une démarche plus autoritaire d’imputabilité et d’at- tribution des responsabilités, qui se confond alors aisément avec les plus anciennes notions de rôles et d’obligation. À une époque et dans une société elles-mêmes qualifiées d’individualistes, le rapport à l’autre devient imprévi- sible et paraît en redéfinition continuelle. Pour certains, cela suscite la crainte du « chacun pour soi » et de « l’ir- responsabilité généralisée ». Les représentants de l’État, très sensibles à cette lecture, multiplient les appels en faveur d’un renouvellement du « contrat social » et de la participation de tous à la création d’une nouvelle « cohé- sion sociale ». Mais, dans la société civile, cet appel public à la responsabilité paraît surtout lourd de conséquences et d’obligations déléguées, et peu respectueux de la diversité des pratiques de responsabilité dans lesquelles sont déjà engagés les individus dans leur vie quotidienne. Situant la popularité du concept de responsabilité dans un tel contexte, certains des auteurs qui ont contribué à ce numéro discutent des limites de l’exercice de délégation par l’État de la responsabilité de certaines populations vulnérables ou en besoin d’intégration. Par l’analyse de pratiques concrètes de responsabilité entre proches, d’autres rappellent plutôt que les individus vivent toujours en société et qu’ils s’inscrivent encore dans des pro- cessus d’engagement qui méritent d’être étudiés avec plus d’attention. La multiplicité de sens du concept Si le contexte est propice à l’utilisation de la notion de responsabilité, sa présence dans les débats nous éclaire cependant peu sur le sens du terme lui-même. Il émerge en filigrane à travers des expressions bien connues : « prendre ses responsabilités », « être un citoyen responsable », « répondre de ses actes », « définir le partage des res- ponsabilités ». Il est souvent associé à d’autres concepts — qui ne sont pas beaucoup mieux définis : citoyenneté, engagement, devoir, obligation, éthique — ou mis en opposition, comme avec les concept de droits ou de liberté. La philosophie et le droit ont offert les assises théoriques sur lesquelles s’appuient, souvent implicitement, les réflexions sur le concept de responsabilité en sciences sociales. Mais les débats ne sont pas clos non plus en phi- losophie ou en droit, où certains cherchent à s’éloigner des définitions trop formelles et choisissent d’ancrer plus directement leurs définitions dans la réalité sociale mouvante actuelle, en proposant une définition pragmatique de la responsabilité. Les auteurs dont les textes sont proposés dans le présent numéro ont retenu tour à tour certains aspects du concept de responsabilité pour construire leur argumentation. Pour certains, par exemple, c’est la distinction entre responsabilité rétrospective et responsabilité prospective qui apparaît comme la piste la plus fructueuse. La pre- mière, d’inspiration juridique, s’inscrit dans une perspective causaliste qui cherche à attribuer des devoirs aux indi- vidus. Cette idée est bien rendue dans l’expression « responsable de ses actes ». Pour les jeunes, qui associent 6 étroitement la notion de responsabilité à l’âge adulte lorsqu’on les questionne sur ce que signifie être « adulte », atteindre l’âge de la majorité légale signifie précisément que, à partir de 18 ans, une personne est responsable devant la loi des conséquences des actes qu’elle a commis. L’idée de responsabilité prospective est apparue plus récemment en philosophie éthique. Développée en parti- culier par Hans Jonas (1990), inscrite dans un contexte de préoccupations environnementales grandissantes et appuyée sur le modèle du parent responsable, elle projette la réflexion vers l’avenir en rappelant la responsabilité des générations actuelles envers celles qui vont leur succéder. Alors que la responsabilité rétrospective place l’in- dividu seul devant la loi, la responsabilité prospective rappelle plutôt l’interdépendance entre les générations et introduit ainsi les notions d’interaction et de lien social (Levinas, 1971). Quelques auteurs qui participent à ce numéro ont choisi l’analyse de la « responsabilité de ses actes », plus pré- sente en droit qu’en sciences sociales. Mais c’est davantage du lien social, de la relation à l’Autre (vulnérable) qu’il sera question. En rappelant que la notion de responsabilité renvoie au verbe « répondre », plusieurs philosophes (Derrida, 1994; Etchegoyen, 1993; Muller, 1998) ont proposé d’en distinguer trois modalités, qui correspondent aux trois mouvements de réponse : répondre de, répondre à et répondre devant. La définition du premier mouvement — répondre de — est d’abord associée au sens juridique étroit de la res- ponsabilité de ses actes, mais elle intègre de plus en plus une dimension identitaire. Être responsable de soi, c’est créer son identité propre, prendre position, développer sa réflexivité. Les choix de vie deviennent en quelque sorte des repères affirmés du devenir que chaque individu s’est choisi. Le second mouvement — répondre à — concerne plutôt le rapport à l’Autre. Si, dans un sens large, il fait référence aux divers engagements privés d’un individu, il est plus souvent compris dans le sens précis de la réponse aux besoins des personnes vulnérables ou dépendantes. La responsabilité prospective de Jonas s’inscrit dans cette idée, en rappelant l’interdépendance des générations, mais le lien responsabilité-vulnérabilité constitue aussi le thème privilégié des réflexions sur la sollicitude (Goodin, 1985; Gilligan, 1993). Rappelons, par ailleurs, que c’est cette modalité qui se trouve au cœur des débats sur la redé- finition des rapports entre l’État et la société civile, dans le champ des protections collectives et des systèmes d’as- sistance. Le troisième mouvement — répondre devant — place l’individu devant les institutions qui définissent la société à laquelle il appartient. Alors que les institutions semblent elles-mêmes en perte de légitimité, il n’est pas étonnant que plusieurs s’inquiètent uploads/Management/ resp-obg 1 .pdf

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  • Publié le Fev 23, 2021
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