La recherche en sociologie urbaine au Maroc a connu un développement considérab
La recherche en sociologie urbaine au Maroc a connu un développement considérable ces dernières décennies. Deux chercheurs ont marqué l’histoire de la sociologie urbaine au Maroc : Françoise Navez Bouchanine et Abderrahmane Rachik. Quels sont leurs axes de recherche, leurs travaux et publications ? Quel est leur apport au développement de la sociologie urbaine au Maroc ? Durant la décennie quatre-vingt-dix, la très forte croissance urbaine et les problèmes de gestion que connaissaient les villes marocaines depuis les années soixante-dix ont semblé susciter un regain d’intérêt pour les initiatives ou compétences habitantes en matière d’infrastructures, de services ou de gestion dans les quartiers dits informels ou insalubres. Regain proportionnel à l’incapacité publique de faire face à l’ampleur des besoins, et singulièrement contemporain de ce qu’on a coutume d’appeler le désengagement de l’État. Cet intérêt rompt avec les attitudes antérieures, au mieux sourdes et aveugles aux efforts déployés par les habitants, au pire très dissuasives, voire carrément répressives à leur égard. Pour mieux saisir le contexte, il faut y ajouter, d’une part, le difficile abandon par les responsables chargés des questions techniques, et d’une stricte orthodoxie urbanistique sur le développement urbain, mais d’autre part, des changements certains de ton sur la question du rapport aux habitants, changements déjà timidement initiés dans les années quatrevingt-dix, mais clairement affichés avec la mise en place du gouvernement d’alternance et avec l’arrivée, dans les départements chargés de l’habitat et de l’urbanisme, d’intellectuels qui martèlent diverses priorités parmi lesquelles l’état de droit et la participation du citoyen. Sur toute la décennie, on note toutefois, comme constante, l’intérêt quasi-exclusif porté par les développeurs aux formes structurées, aux modes d’organisation formels dignes de constituer un interlocuteur ad hoc face aux structures publiques et administratives et un manque d’attention pour les autres formes d’expression, d’appropriation ou de prise en charge de l’espace public, eux-mêmes corollaires d’une posture publique toujours encline à concevoir l’association comme un bras civil d’exécution de ses propres visions et projets. Contrairement à certaines idées reçues, les exemples de collaboration ou de tentatives de collaboration entre populations des quartiers dits informels et conseils communaux ont été assez fréquents à partir des années quatre-vingt ; ils étaient toutefois plus nombreux avec des groupements informels qu’avec des associations locales structurées et ont débouché davantage sur des solutions « bricolées » qui expliquent qu’elles ne font pas mémoire en termes d’aménagement urbain. Le scénario de mise en place de ces projets est relativement commun aux différents cas rencontrés : des habitants font, individuellement ou collectivement, des démarches auprès des autorités qu’ils jugent compétentes (préfecture, municipalité ou caïdat). lusieurs villes et à l’instigation de diverses institutions, les «amicales de quartier», qui sont en fait des groupements d’habitants propriétaires de lots non réglementaires avec comme objectif la régularisation et l’aménagement du quartier6. À Salé, l’idée première en avait été formulée par le conseil municipal dès 19777 ; à Fès, en 1979, par les autorités et la délégation de l’habitat ; à Khemisset, par le gouverneur en 1982. Les idées de départ et les objectifs assignés à ces amicales par leurs instigateurs sont assez variables. Pour les uns, il s’agissait avant tout de faire participer les «amicales», constituées des acquéreurs, à la mise en place des équipements manquants. Pour d’autres, la vision était plus large et les amicales devaient devenir de véritables groupements de quartier, assurant même éventuellement une forme d’encadrement social des populations. Pour d’autres enfin, l’objectif essentiel était, en associant en outre les promoteurs fonciers, d’atteindre la fabrication d’un plan d’aménagement qui œuvre au redressement du bâti déjà réalisé et garantisse une utilisation conforme aux règles des parties non encore construites. Françoise Navez-Bouchanine nous présente son étude en l’encadrant de façon subtile par des citations puisées dans Les villes invisibles de I. Calvino. Par ce titre dont l’évocation est connotée, elle indique sa position critique sur les méthodes de conception architecturale et urbanistique qui ne prennent pas en considération l’usager dans l’organisation de l’espace. L’ouvrage est préfacé par J. Rémy qui appuie la mise en garde de l’auteur sur toute possibilité d’association terminologique pouvant aboutir à une sorte de guide à la conception architecturale. L’étude explique la relation complexe entre trois composantes de la ville que sont les habitants, l’architecture et l’urbanisme. Leur articulation dans la vie de tous les jours se traduit par l’appropriation de l’espace en tant que processus interactif. C’est sur cette base que s’avance l’hypothèse de l’implication réciproque entre l’espace et le social. Le thème central de l’étude porte sur le concept de l’appropriation de l’espace qui interfère diverses échelles de la vie collective (intérieur, extérieur, public, privé). Elle renvoie aux transformations de l’espace selon les aspirations des usagers (ce qui fait dire à) que l’auteur qualifie comme étant (qu’elle est) l’expression du "patrimoine vivant". Elle entend par là convaincre les décideurs à saisir le message des pratiques transformatrices de l’usager et à reconnaître en elles une compétence à intégrer dans la démarche conceptuelle. 4Les points développés dans la problématique montrent les rapports particuliers entre espace et société dans un contexte de changement identité culturelle / application de modèles architecturaux et urbanistiques qui s’attachent à des contenus formels. Ils rejoignent ainsi les critiques qui ont remis en cause les approches de la projection mécanique du social sur le spatial et qui croisent celles de la psychologie de l’environnement ou comportements, expérience de la personne et environnement.. forment un système dynamique. A ce titre la démarche de l’étude met en revue l’évolution de différentes approches sur la ville et souligne sa préoccupation qui consiste à éviter autant le piège des usagers que le piège des formes... et à contrer toute interprétation mécaniste de la réappropriation culturelle ou tout angélisme tendant à glorifier les couches populaires comme seules porteuses de "l’authenticité culturelle". Elle relève de l’anthropologie de l’espace pour apporter un éclairage aux situations de changements qui caractérisent les modes d’organisation économique et sociale. Le souci d’une vision globale de la réalité vécue a conduit l’enquête à multiplier les types d’habitats et les villes. Elle aboutit ainsi à montrer les différentes expressions de l’appropriation de l’espace et les convergences que l’on retrouve de manière constante dans les grands principes d’organisation. En articulant les modèles d’habiter à différentes échelles de lecture (l’espace privé, limitrophe, urbain) à l’appropriation, l’étude révèle ainsi les tendances de la nucléarisation à travers l’émergence de l’individu et les changements en cours. Sous leur apparent "désordre". Transparaissent une logique... un ordre, des mécanismes de régulation plus ou moins opérants mais aussi des conflits, des hésitations, des contradictions. Le processus d’intervention multidimensionnelle de l’État dans le champ urbain depuis la seconde moitié des années 1970 et l’importance de l’urbanisation – dont le taux passe de 29% en 1960 à 55% en 2004 – vont de pair avec l’augmentation numérique de la production, à la fois académique et officielle, sur la ville marocaine. Le nouveau contexte de la politique urbaine a favorisé l’élaboration de plusieurs documents d’urbanisme (schémas directeurs d’aménagement urbain) et la publication de périodiques par le Ministère de l’habitat. Plusieurs organismes internationaux sont venus soutenir l’intervention de l’État dans le champ urbain (Banque mondiale, BIRD, US AID, etc.). L’intérêt récent que portent les chercheurs à la ville, à partir des années 1980, découle de ce nouveau contexte urbain. C’est dans ce climat général favorable que nous assistons, vers la fin de ces mêmes années 1980, à une augmentation numérique très sensible des thèses soutenues en France sur le phénomène urbain au Maroc. Entre 1973 et 1987, nous avons recensé, à travers le Thesam, 118 thèses soutenues dans les différentes facultés françaises sur la question urbaine, soit une moyenne annuelle de 11 thèses par an entre 1985 et 1987 et 9,6 entre 1980 et 1984 contre seulement 1,3 entre 1970 et 1979 (IREMAM & Institut du Monde arabe, 1989). Actuellement, la production académique sur le champ urbain est susceptible d’être renforcée et stimulée par la création de nouvelles formations doctorales. Une formation doctorale intitulée « Urbanisme, gouvernance urbaine et territoire », est initiée à partir de l’année 2011 à l’Institut national d’aménagement et d’urbanisme (INAU). Elle s’est fixé comme objectif « d’une part, l’observation de la scène locale à travers divers enjeux locaux, d’autre part, la traduction des interventions sur l’organisation de l’espace et les populations concernées sur le terrain ». il faut noter que ces différentes formations universitaires s’adressent à des groupes numériquement très restreints (une dizaine de personnes) qui sont essentiellement des fonctionnaires (cadres administratifs, architectes, voire ingénieurs.) L’espoir de produire de futurs chercheurs sur l’urbain à travers ces formations doctorales reste très limité. Et la « relève » devient déjà une problématique de taille. uploads/Management/ socio.pdf
Documents similaires
-
11
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 11, 2022
- Catégorie Management
- Langue French
- Taille du fichier 0.0663MB