TALENTS EN TENSION : UN RAPPORT DE FORCE ET DE SEDUCTION INVERSE ? - « Talents

TALENTS EN TENSION : UN RAPPORT DE FORCE ET DE SEDUCTION INVERSE ? - « Talents » courtisés, ils sont exigeants et rebattent les cartes des relations de travail. Statut, organisation de travail, rémunération… : autant de sujets qu’ils mettent sur la table, bouleversant le rapport de force traditionnel avec les entreprises. Des entreprises qui doivent désormais les séduire… En décembre 2018, 2IES a réuni, le temps d’un atelier, des dirigeants d’entreprises confrontés à ces situations. Retour sur un échange passionnant où l’on décèle des tendances qui marquent les transformations du travail. TALENTS EN TENSION : UN RAPPORT DE FORCE ET DE SEDUCTION INVERSE ? Leurs expertises sont très recherchées, les entreprises se disputent leurs compétences. Ils savent ce qu’ils valent et ce qu’ils veulent. Ils sont en quête de sens, ont soif d’expériences. « Talents » courtisés, ils sont exigeants et rebattent les cartes des relations de travail. Statut, organisation de travail, rémunération… : autant de sujets qu’ils mettent sur la table, bouleversant le rapport de forces traditionnel avec les entreprises. Des entreprises qui doivent désormais les séduire… Qui sont ces « talents » ? Quels sont leurs compétences, leurs métiers ? Comment, et avec quelles marges de manœuvre, les entreprises les attirent- elles et les fidélisent-elles ? Quels obstacles rencontrent-elles face à ces défis ? Comment les lever ? Pour répondre à ces questions, 2IES a réuni des dirigeants d’entreprises de tailles et de secteurs différents. Jean* et Pierre*, entrepreneurs spécialistes du recrutement sur les métiers du conseil ; Philippe*, business angel et serial entrepreneur, notamment dans le développement d’outils d’AI ; Benoit*, cadre dirigeant d’un groupe international dans le secteur de l’énergie, ancien dirigeant d’une PME spécialiste de la conception de solutions numériques dans le secteur de l’énergie ; Claire*, DRH de filiales d’un groupe international, qui développent des offres numériques; Louis*, cadre dirigeant de grandes entreprises puis directeur général d’une insurtech. *Les prénoms ont été modifiés. ENTREPRISES RECHERCHENT DESESPEREMENT DES EXPERTS- LEADERS Les experts du code et de la donnée s’arrachent. Pour les entreprises contraintes d’inventer ou de réinventer leurs activités et d’évoluer dans des environnements toujours plus complexes, ces profils constituent une ressource stratégique très convoitée. Commençons par les « dev. ». Pourquoi sont-ils si rares ? « Ce n’est pas une question de volume, affirme Philippe. Des développeurs, il y en a plein. Le problème est que le niveau moyen est vraiment… moyen. Ce dont on manque, c’est de bons développeurs. Et les « bons » sont accaparés par quelques entreprises qui payent le prix fort pour les avoir. » Qu’est-ce qu’un « bon » développeur ? Si ce n’était qu’une question de volume, cette pénurie pourrait être résolue par des recrutements à l’étranger, notamment en Afrique du Nord, ou par la formation. Les choses sont évidemment plus complexes. Les talents les plus prisés sont ceux qui certes savent coder, mais savent aussi enrichir les algorithmes, cibler la donnée. Ceux qui maîtrisent autant les aspects techniques que la complexité des environnements dans lesquels les projets s’inscrivent. Ce sont ceux qui « combinent savoir-faire technique et savoir-être humain et managérial ». « Toutes les entreprises sont en quête du « miracle du lead dev. » ! » diagnostique Benoit car les « bons attirent les bons ». C’est un comportement caractéristique de ces populations, qu’il faut avoir à l’esprit. Les « bons » développeurs sont en quête constante de découverte et d’expériences nouvelles. Ils se reconnaissent entre eux et viennent pour un pair grâce auquel ils espèrent progresser. « Nous avons dû adapter nos stratégies de recrutement. Ces profils ne postulent pas sur les sites dédiés de nos entreprises. Il faut miser sur le bouche-à-oreille ou aller sur leurs propres réseaux, témoigne Claire. La situation des développeurs n’est que l’arbre qui cache la forêt. Ces tensions se retrouvent sur bien d’autres marchés, avec des caractéristiques comparables. Pierre souligne par exemple qu’« une génération de consultants IT seniors manque à l’appel ; ils sont donc très courtisés. Les spécialistes en data analytics, ces gens qui savent traiter et analyser de la donnée, sont eux aussi très recherchés. » Développeurs, certes, mais aussi architectes de systèmes d’information, product owners , scientists, ou encore actuaires… S’ils sont forts de compétences pointues, d’expériences diversifiées et doté d’un savoir-être éprouvé, ils dominent un marché du travail tendu. TALENTS EN QUÊTE DE SENS, MANAGEMENT REPARTI ET LEADER INSPIRANT Parmi les aspirations de ces personnes que les entreprises cherchent à recruter, la rémunération joue , c’est indéniable. Mais ce n’est pas le seul levier de motivation. D’autres préoccupations entrent en ligne de compte. « Le sujet du salaire est rarement abordé car si vous recevez le candidat, c’est que vous acceptez son prix, témoigne Benoit. La conversation va se concentrer sur trois questions. Ils demandent, 1) « sur quoi bossez-vous ? » La question du sens est centrale. C’est plus facile si votre business est concret ou résonne avec leurs préoccupations. Les énergies nouvelles, par exemple. 2) « quelles technologies employez-vous ? » Et, surtout, 3) « comment travaillez-vous ? ». Ils nous interrogent sur notre organisation. Beaucoup d’entreprises, à la structure hiérarchisée, pyramidale et « en silos », sont surprises par cette question et forcées d’évoluer… sous peine de les perdre ! » ajoute-t-il. « On est rentrés dans un rapport marchand auquel on ne s'attendait pas, dans un dialogue " Qu'est-ce que j'offre ? Qu'est-ce que, toi, tu m'offres ?" » « Il faut se placer dans la perspective de ces jeunes : ils ont été éduqués par des parents moins autoritaires que ceux des générations précédentes, qui leur ont dit qu’il fallait qu’ils s’épanouissent et choisissent leur avenir. Une fois qu’ils arrivent sur le marché du travail, ils ne sont pas prêts à se soumettre à un carcan », décrypte Jean. « Ces attentes ne sont pas celles des seuls talents qu’on s’arrache, mais celle de l’ensemble de cette génération et, au-delà, de toutes les générations, souligne Louis. Les plus jeunes osent disent tout haut ce que tout le monde pense tout bas ; il y a urgence à se saisir de leurs nouvelles aspirations. » S’en saisir, c’est oser transformer profondément les organisations, c’est faire le pari de concrétiser des concepts tels que le « management réparti », ou « l’entreprise libérée ». Définitions • L’Entreprise libérée est un modèle d’organisation et une forme de management qui privilégie, valorise et met en œuvre l’autonomie, la responsabilisation et la confiance vis-à-vis des collaborateurs. Elle limite les niveaux hiérarchiques – notamment de middle management – au sein de l’entreprise, qui devient ainsi plus horizontale. • Le Management réparti est un type de management qui favorise à la fois le leadership collectif, la motivation et l’implication des collaborateurs dans les prises de décisions. Cette forme de management laisse plus d’autonomie aux collaborateurs et les encourage à être créatifs et à faire des propositions. • Scrum est un schéma d’organisation de développement de produits complexes répondant aux préconisations du Manifeste Agile (2001). Il est défini par ses créateurs comme un « cadre de travail holistique et itératif qui se concentre sur les buts communs en livrant de manière productive et créative des produits de la plus grande valeur possible ». « Nous avons fait évoluer notre organisation vers davantage d’horizontalité, réduit les niveaux hiérarchiques, raconte Claire. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur l’agencement des espaces de travail. Cette population [ndlr : en l’occurrence, des développeurs] a un rapport au travail nouveau ; ils démarrent leur journée plutôt tard ; ils ont des temps de concentration courts ; ils attachent beaucoup d’importance aux activités extraprofessionnelles ; ils ont réellement besoin de temps et d’espaces de respiration. Les baby-foot et les coussins de sieste ne sont pas des éléments cosmétiques. Le besoin de se relaxer, de se détendre, de partager de bons moments avec les collègues, de se déplacer dans l’espace de travail ou d’en changer sont de réelles conditions de leur productivité .» Autre illustration avec l’expérience de Benoit : « Il y a quatre ans, nous avons basculé vers des modèles d’équipes sans chef et d’entreprise libérée. C’est ce rapport de force inversé qui nous a poussé à trouver des réponses aux demandes de nos collaborateurs. Ils nous choisissent et non plus l'inverse. » « Vous y seriez venus tôt ou tard, tout simplement parce que c’est efficace ; ces méthodes se développent d’abord parce qu’elles produisent des résultats » observe Jean. « Certainement, complète Benoit, mais pas aussi vite et pas aussi loin. Ils nous ont fait prendre conscience de cette urgence. » Les mégastructures hyper-pyramidales sont-elles vouées à la disparition ? L’avenir réside-t-il alors dans les systèmes agiles et les démarches holacratiques ? « Il faut manier ces concepts, d’entreprise libérée etc., avec des nuances », considère Pierre. D’une part, derrière les mots, seule compte la réalité des faits : « peu nombreuses sont les organisations qui parviennent à les mettre vraiment en place ». D’autre part, « équipe sans chef » ne signifie pas équipe ou entreprise « sans uploads/Management/ talents-en-tension-un-rapport-de-force-et-de-seduction-inverse.pdf

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  • Publié le Apv 01, 2022
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