RECONSIDERATION D’UN DES FONDEMENTS DE L’AUDIT SOCIAL : PERFORMANCE SOCIALE ET

RECONSIDERATION D’UN DES FONDEMENTS DE L’AUDIT SOCIAL : PERFORMANCE SOCIALE ET ECONOMIQUE, UNE VISION AU NIVEAU INDIVIDUEL Delphine VAN HOOREBEKE Professeur adjoint à l’Université de Montréal. Chercheur associé au CEROG, IAE d’Aix-en-Provence. Introduction Depuis plusieurs années, la recherche en sciences de gestion a engendré de nombreux travaux sur le lien entre la performance sociale et la performance économique de l’entreprise. Allouche, Charpentier, Guillot-Soulez (2004) en font une revue approfondie. Néanmoins, ces travaux se situent essentiellement à un niveau agrégé, alors que peu d’études placent leur analyse au niveau individuel. À l’heure où le marché des services à la clientèle prédomine et où la qualité de la prestation intervient en tant qu’outil de démarcation par rapport à la concurrence, l’audit social doit pouvoir considérer la performance individuelle, qu’elle soit d’ordre économique ou social, en tant qu’outil d’estimation de la performance sociale et économique organisationnelle potentielle à un moment t. À cet égard, la performance humaine en entreprise ne se limite plus aux seuls employés, mais dépend de la façon dont l’entreprise redéfinit les règles de sa propre action pour et sur ses membres. Dans ce sens, la problématique de la performance humaine passe par une redéfinition individuelle et collective des normes régulant les rapports entre les salariés et l’entreprise. De nos jours, la question de la performance individuelle est, en effet, une préoccupation fondamentale de tous les acteurs de l’entreprise. Cette dernière est, souvent, perçue, par les managers et les employés, comme le facteur essentiel contribuant à la performance économique de l’organisation. Là où, l’organisation taylorienne ne requérait du salarié que sa force de travail, aujourd’hui, l’entreprise nécessite une implication directe, intellectuelle et comportementale. C’est la raison pour laquelle, le concept de performance réduit à l’accomplissement de tâches n’est plus approprié, Thévenet (1999). En cela, cet article envisage la performance sociale en tant que capacité à avoir les comportements adéquats et la performance économique comme une perception par l’employé de sa propre performance à générer du profit pour l’entreprise. Côté et al. (1994, p.120) étayent cette conception : «Ce que les gens perçoivent de leur situation au travail influence leur productivité plus que leur situation elle-même […] Si l’organisation veut augmenter la productivité, elle doit donc s’attarder davantage à la façon dont les employés perçoivent leur travail». Performance économique et performance sociale individuelles, deux concepts qui pourraient paraître antinomiques, comme le rationnel est, généralement opposé à l’émotionnel. Or, au regard de l’organisation, l’employé est amené à la fois à la performance sociale et économique. Plus encore, n’importe quel type d’employé à tout niveau est contraint à cette règle informelle commune. Ce papier cherche, donc, à révéler les relations probables entre ces deux types de performance. Deux points de vue, à ce sujet. Tout d’abord, la performance individuelle est unidimensionnelle, on ne peut distinguer la performance sociale individuelle de la performance économique individuelle. Deuxième point de vue, la performance sociale individuelle est un des facteurs antécédents à la performance économique individuelle. À ce propos, cet article se fonde sur le postulat de base que le positionnement de chacun de ces concepts diffère selon la tâche de l’employé. Ainsi, la performance économique d’une personne en contact ne peut être dissociée de sa performance sociale. L’employé en contact avec la clientèle se doit de performer socialement (accueil, conseil, …) pour atteindre ses objectifs de vente. Par contre, la performance économique d’une personne non en contact peut s’avérer indépendante de sa performance sociale. La performance sociale individuelle, dans dernier ce cas, apparaît comme un facteur, davantage négligeable parmi d’autres, de la performance économique individuelle. Subséquemment, il est question de faire le point au niveau individuel sur ces concepts, souvent concédés à un niveau agrégé. Pour cela, différentes notions permettent d’illustrer chacune des performances individuelles sollicitées par l’organisation auprès de l’employé au travail ; le savoir-faire, le savoir être et le savoir-vivre. Cet écrit part du principe que la performance humaine dépend d’une révision des règles fixées par l’entreprise au sujet de son action vis-à-vis de ses salariés. Ainsi, si cette investigation met en relief des liens entre les différents types de performance individuelle, le modèle qui en sera tiré peut s’avérer un outil d’aide primordial à l’audit social, dont l’un des nouveaux rôles est de faire apparaître des dysfonctionnements ou des écarts entre les pratiques de l'entreprise et la réglementation sociale, ou les normes adoptées par l'entreprise. 1. Performance sociale et économique individuelles Si l’agrégation de l’ensemble des performances individuelles ne suffit pas à mesurer la performance de l’organisation, sa contribution ne saurait, pour autant, être ignorée. Néanmoins, la performance « humaine » reste un élément, difficilement identifiable, dans un ensemble de composantes de la performance de l’entreprise. La définition de la performance individuelle doit, ainsi, considérer les évolutions de l’emploi des organisations devenues plus dépendantes de l’humain. Néanmoins, cette définition ne saurait être universelle, tant la perception de la place de l’humain au travail diverge selon les organisations et tant son ancrage dans la gestion quotidienne et stratégique est alambiqué. C’est pourquoi, une dissociation de chacune de ses composantes tend à étayer la construction d’un nouvel outil d’appréciation de la performance humaine. 1.1. Performance économique individuelle ou savoir-faire Dans un premier temps, la performance économique individuelle reste un sujet de moult discussions, entre nécessité économique et aliénation au travail. S’il semble chimérique de vouloir imposer une définition accomplie, car dépendante d’intérêts économico-stratégiques et individuels souvent antagonistes, une vision d’ensemble, non exhaustive, des pratiques employées est, ici, dessinée (Picard, 1995). 1.1.1. Une capacité à faire au moins ce qu’il faut Ce type de performance est généralement mesuré par les résultats produits par chaque individu, comparé à ceux des collègues ayant une activité équivalente. Cette performance économique individuelle prend en considération les résultats mesurables et tangibles de l’employé au travail, à travers une vision ponctuelle. D’aucun nomme ce type de performance, la productivité au travail. Cette performance économique individuelle pourrait être perçue comme la bonne et rapide résolution des tâches à accomplir. «la vitesse de travail, à chaque poste, et la vitesse de coordination entre les postes déterminent le débit de la 2 production et donc, l’efficacité économique des usines. La productivité du travail, autrement dit, la performance au travail, devient donc l’organisation de la vitesse de travail et du débit de la production qui en résulte» (Zarifian, 1999, p. 33). 1.1.2. Une capacité à faire ce qu’il faut de façon responsable Dans le cadre de cette perception de la performance individuelle, au type d’évaluation quantitatif, précédemment évoqué, s’ajoute une évaluation qualitative fondée sur une capacité individuelle à adopter les comportements attendus par les dirigeants de l’organisation. Cette performance socio-économique conjugue, en ce sens, un souci de rentabilité à court terme et de flexibilité à long terme. Selon les interviews recueillies auprès de cabinets de conseil en GRH par Picard (1995, p.4), il s’agirait d’une capacité de l’individu à «assumer sa part de responsabilités […] à moduler son action» «la capacité des hommes à s’engager dans les objectifs économiques et de flexibilité organisationnelle est déterminée par l’aptitude du management à gérer les compétences de l’efficacité prouvée, en connaissance des besoins et attentes de chacun». 1.1.3. Une capacité à faire les choses bien Faire les choses bien consisterait à faire les choses en s’y prenant mieux ou différemment grâce aux connaissances et à l’apprentissage. La mesure de cette performance individuelle économique s’effectue sur une évaluation et appréciation des emplois et compétences et sur des bilans comportementaux. Picard (1995, p.5) nomme ce type de performance économique individuelle, l’efficience. Celle-ci correspond à une maîtrise des «bonnes méthodes d’une gestion progressiste des hommes [et] à tenir convenablement les postes à pouvoir». Les deux derniers types de performance économique individuelle s’approchent très nettement de, ce que nous appelons, la performance sociale individuelle, parce qu’elle implique une mesure des comportements de l’employé au poste occupé. Ce rapprochement dénoterait-il une imbrication très étroite entre ces deux concepts ? Selon Zarifian (1999), le travail a muté incluant une unité de temps (horaires de travail), une unité d’action (faire ce qu’il faut) et une unité de lieux (être dans les mêmes locaux en même temps que les collègues). Ainsi, l’homme au travail ne saurait plus être réduit à ce qu’il fait. Dans ce sens, l’essentiel des mutations du travail se résume à trois notions, 1) la notion d’événement, 2) de communication et 3) de service. Le travail n’est plus une question de réalisation de tâches, mais 1) une capacité à faire face à des événements et aléas, 2) une capacité à communiquer et à former des accords avec les autres et 3) une habileté à engendrer du service ou une «modification dans l’état ou des conditions d’activité d’un autre humain ou d’une autre institution destinataire du service» (Zarifian, 1999, p.46). C’est la raison pour laquelle, selon nous, l’audit social doit, aujourd’hui, envisager la performance de l’employé au travail en tant que performance humaine, tant économique que, voire essentiellement, sociale. 1.2. Performance sociale individuelle ou savoir-vivre, savoir être La performance sociale individuelle, la capacité à gérer ses comportements et à manager sa performance individuelle et celle uploads/Management/ van-hoorebeke.pdf

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  • Publié le Mar 05, 2021
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