Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 143
Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 143 Le rôle des problèmes dans l’enseignement des mathématiques : Joëlle Vlassis, Giovanna Mancuso analyse des croyances d’enseignants du primaire Débora Poncelet LE RÔLE DES PROBLÈMES DANS L’ENSEIGNEMENT DES MATHÉMATIQUES : ANALYSE DES CROYANCES D’ENSEIGNANTS DU PRIMAIRE Joëlle Vlassis Université du Luxembourg, Grand-Duché du Luxembourg Giovanna Mancuso Université du Luxembourg, Grand-Duché du Luxembourg Débora Poncelet Université du Luxembourg, Grand-Duché du Luxembourg Mots-clés : Croyances des enseignants – Pratiques déclarées – Résolution de problèmes – Problèmes non routiniers – Heuristiques de résolution. Résumé : L’enseignement de la résolution de problèmes est devenu un enjeu crucial pour les apprentissages mathématiques. Traditionnellement, ce sont les problèmes d’application qui sont encore souvent privilégiés dans l’enseignement des mathématiques. Plusieurs auteurs mettent néanmoins en évidence l’intérêt de proposer aux élèves des problèmes « non routiniers » visant l’apprentissage de nouveaux contenus ou le développement d’heuristiques de résolution. L’objet de cette communication consiste à présenter une analyse des croyances et des pratiques déclarées d’enseignants du primaire du Grand-Duché du Luxembourg. Les items ont été conçus selon deux modalités. La première présente des items classiques tandis que la seconde envisage des items contextualisés. Les analyses montrent que si le développement d’heuristiques et l’utilisation de problèmes « non routiniers » font leur chemin auprès des enseignants du primaire, ceux-ci, confrontés aux situations pratiques, semblent rester dans une perspective valorisant les modes formels de résolution au détriment de la diversité des heuristiques. De manière complémentaire, une analyse des commentaires des enseignants a été réalisée et vient clarifier et nuancer les résultats quantitatifs. 1. Introduction L’enseignement de la résolution de problèmes occupe une place centrale dans les apprentissages mathématiques. Conscients de cet enjeu, de nombreux pays se sont engagés dans une réforme de l’enseignement des 144 Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 Joëlle Vlassis, Giovanna Mancuso Le rôle des problèmes dans l’enseignement des mathématiques : Débora Poncelet analyse des croyances d’enseignants du primaire mathématiques accordant à la résolution de problème une place importante. Au Luxembourg, le Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a promu, comme dans de nombreux autres pays, une réforme basée sur les compétences. Pour les mathématiques, il s’agit désormais d’intégrer les compétences disciplinaires dans des « compétences générales » (MENFP, 2011). Résoudre un problème constitue la première « compétence générale » définie dans le récent plan d’étude (2009) tandis que la résolution de problèmes arithmétiques est également envisagée dans les « compétences relatives aux contenus ». Les problèmes considérés dans ces directives officielles doivent permettre de développer des contenus, mais également des stratégies de résolution et d’appliquer les savoir et savoir- faire. En cela, le curriculum luxembourgeois rejoint les trois grands types d’objectifs généralement attribués à la résolution de problèmes (Charnay, 1992 ; Fagnant & Vlassis, 2010 ; Demonty & Fagnant, 2012) : 1) l’apprentissage de nouveaux contenus mathématiques (Pallascio, 2005) ; 2) l’apprentissage des stratégies d’une résolution experte de problèmes (Verschaffel, Greer & De Corte, 2000) ; 3) l’application dans les problèmes des nouveaux savoirs enseignés. Ces différentes fonctions des problèmes sont en étroite relation et leur apprentissage ne peut s’envisager que de manière conjointe. Au Luxembourg, si les problèmes visent « l’application des savoirs et savoir faire » (MENFP, 2011, p. 115) (objectif 3) ou « si les compétences [disciplinaires] à développer se construisent à l’aide de problèmes » (MENFP, 2011, p. 123) (objectif 1), l’accent est particulièrement mis sur le développement des stratégies de résolution (objectif 2). Cependant, on peut Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 145 Le rôle des problèmes dans l’enseignement des mathématiques : Joëlle Vlassis, Giovanna Mancuso analyse des croyances d’enseignants du primaire Débora Poncelet supposer que dans la réalité des classes luxembourgeoises, c’est surtout l’objectif 3 qui est poursuivi. En effet, une étude de Fagnant et Burton (2009) a montré que les manuels de mathématiques largement utilisés et suivis par les enseignants proposent essentiellement des problèmes routiniers situés à la suite de l’introduction de nouvelles notions et visant l’application de celles- ci en situation. Dans cet article, nous proposons d’examiner, dans ce contexte de réforme curriculaire, les croyances et pratiques déclarées des enseignants de l’enseignement primaire. Que pensent ceux-ci de la résolution de problèmes ? Quelle place lui accordent-ils ? Et quel type de problèmes envisagent-ils concrètement dans leur enseignement ? Le présent article se propose de répondre à ces questions. 2. Approche par problèmes, problèmes non routiniers et heuristiques de résolution Les objectifs 1 et 2 envisagent la résolution de problème comme une modalité pour l’apprentissage de nouveaux contenus ou le développement de nouvelles stratégies tandis que le objectif 3 concerne l’application de ces nouvelles connaissances dans des problèmes de réinvestissement. Plus précisément, le premier objectif renvoie à l’approche par problèmes ou par situations problèmes (Pallascio, 2005) envisagée comme modalité pédagogique destinée à l’apprentissage de nouveaux concepts et procédures mathématiques (Fagnant & Vlassis, 2010). Cette démarche fait actuellement l'objet d'un large consensus dans la littérature scientifique en didactique des mathématiques tant dans le monde francophone (De Vecchi & Carmona- Magnaldi, 2002 ; Fabre, 1997; Pallascio, 2005; Vlassis & Demonty, 2002) qu’à un niveau international (NCTM, 2000). Selon Pallascio (2005), l’élément 146 Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 Joëlle Vlassis, Giovanna Mancuso Le rôle des problèmes dans l’enseignement des mathématiques : Débora Poncelet analyse des croyances d’enseignants du primaire essentiel qui distingue cette perspective d’une approche traditionnelle c’est l’inversion des deux moments canoniques de l’enseignement traditionnel. Dans l’approche par problèmes, le problème précède l’explication notionnelle, au lieu de lui succéder. Les connaissances mathématiques visées par l’enseignant sont abordées au terme des recherches et questionnements venant des élèves. De même, selon le NCTM (2000), l’approche par problèmes constitue un moyen pour construire des nouvelles connaissances mathématiques et représente une démarche qui permet aux élèves d’apprendre les concepts clés et les procédures mathématiques. Le deuxième objectif de la résolution de problème concerne cette fois l’apprentissage du processus même de la résolution de problèmes envisagé comme un processus complexe de modélisation ; il s’agit d’un apprentissage de stratégies heuristiques et métacognitives. Les travaux de Verschaffel et De Corte (2005) ont témoigné de l’intérêt de développer tant les stratégies métacognitives qu’heuristiques, inhérentes aux différentes phases de la résolution telles que représenter un énoncé, résoudre, interpréter et communiquer un résultat. Comme le soulignent Fagnant et Vlassis (2010), ces deux objectifs d’apprentissage sont complémentaires. En effet tandis que l’approche par (situations-)problèmes permet de construire et de donner du sens aux nouvelles notions et procédures mathématiques, elle ne peut faire l’impasse de moments spécifiquement consacrés à l’apprentissage de stratégies heuristiques et métacognitives. A l’inverse, il serait dommageable de ne cibler que des processus de résolution de problèmes au détriment des contenus. Ce risque fait d’ailleurs craindre à certains auteurs un « démathématisation » (Mercier, 2008) de l’enseignement au sens où l’activité de résolution de problèmes deviendrait une activité pour elle- même. Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 147 Le rôle des problèmes dans l’enseignement des mathématiques : Joëlle Vlassis, Giovanna Mancuso analyse des croyances d’enseignants du primaire Débora Poncelet Par ailleurs, quel que soit le type d’apprentissage visé par la résolution de problèmes (objectifs 1 ou 2), il convient de souligner que ceux-ci sont intrinsèquement liés au développement de compétences transversales qui contribuent à l’attribution de sens donné aux contenus, procédures et stratégies de résolution. Ainsi, le développement de compétences telles que parler les mathématiques, communiquer, argumenter ou justifier un raisonnement mathématique est considéré par de nombreux auteurs comme indissociable des apprentissages mathématiques (Radford, 2004 ; Bednarz, 2005). Afin de développer ces compétences transversales en relation avec les deux premiers objectifs la résolution de problèmes, plusieurs auteurs mettent en évidence l’intérêt de proposer aux élèves des problèmes « non routiniers », généralement définis comme des problèmes dont la solution n’apparaît pas d’emblée et dont la résolution ne consiste pas en l’application d’une procédure qui vient d’être vue en classe (Diezman, 2002 ; Elia, van den Heuvel-Panhuizen & Kolovou, 2009 ; NCTM, 2000). Selon Elia et al. (2009), les problèmes non routiniers permettent en effet de poursuivre efficacement les objectifs d’apprentissages des mathématiques (objectifs 1 et 2) dans la mesure où leur complexité implique une pensée créative, l’argumentation ainsi que le développement de diverses heuristiques pour comprendre le problème et trouver une façon de le résoudre. Le terme d’heuristique est à prendre dans le sens donné par Verschaffel, De Corte, Lasure, Van Vaerenbergh, Bogaerts et Ratinckx (1999), c’est-à-dire de stratégies de résolution souvent informelles, telles que dessiner, établir une liste ou un tableau ou encore utiliser les essais-erreurs. Selon Elia et al. (2009), la capacité des apprenants à essayer différentes solutions et évaluer le résultat probable joue un rôle important dans le succès de la résolution de problèmes. Ces auteurs ont mené une étude 148 Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 36/2014 Joëlle Vlassis, Giovanna Mancuso Le rôle des problèmes dans l’enseignement des mathématiques uploads/Management/ vlassis-mancuso-poncelet-pp-143-174.pdf
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- Publié le Jul 08, 2021
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