7 | 2017 | VOLUME 47, NO 1 ÉTUDE La normalisation et la gestion intégrée des do

7 | 2017 | VOLUME 47, NO 1 ÉTUDE La normalisation et la gestion intégrée des documents (GID) : quelle relation ? Réflexion sur les normes ISO 30300, ISO 30301, ISO 14641 et leur apport à l’implantation des systèmes de GID SIHAM ALAOUI Responsable du service de documentation et des archives, Institut supérieur de traduction à Rabat, Maroc INTRODUCTION Dans un environnement d’affaires marqué par le changement et la complexité, les organisations produisent, dans l’exercice de leurs activités quotidiennes, une large variété de documents. Ces documents sont utilisés à des fins de prise de décision et de conduite des activités journalières. Ils constituent également un patrimoine organisationnel dont la valeur est incontournable dans le témoignage de l’existence des organisations et de leurs réalisations à travers le temps. 8 | 2017 | VOLUME 47, NO 1 S. ALAOUI Désirant se doter d’une bonne gouvernance d’information, se conformer aux exigences réglementaires en matière de gestion documentaire et valoriser leur mémoire organisationnelle, les organisations tendent à améliorer leurs pratiques de gestion des documents par l’adoption de nouveaux outils et la mise en place de nouveaux systèmes de gestion documentaire plus performants (Beaupré, 2010-2011 ; Chevrier, 2010-2011). C’est dans cette perspective que les organisations québécoises ont commencé à utiliser une nouvelle pratique archivistique, dite de gestion intégrée des documents (GID). Comme son nom l’indique, elle consiste à gérer les documents dans la diversité de leurs supports par le même système informatique. Les apports des systèmes de GID sont multiples pour les organisations qui les ont utilisés. Citons, entre autres, la bonne gestion des documents et leur repérage amélioré (Bourhis, 2009-2010 ; Couture, 2010-2011) afin d’optimiser le processus de la prise de décision et d’améliorer les performances organisationnelles. Néanmoins, la réussite des projets d’implantation des systèmes de GID n’est pas acquise : certaines organisations éprouvent des difficultés quant à la réalisation de ces projets complexes qui requièrent d’énormes efforts de la part des intervenants. Ces organisations ont besoin d’outils de pilotage afin de contrôler ces projets et de veiller à leur conduite dans les meilleures conditions. C’est le rôle rempli par les normes nationales et internationales. L’apport de la normalisation à l’implantation des systèmes de GID a fait l’objet de peu d’écrits scientifiques et professionnels, et ce, en raison du caractère novateur de la GID dans plusieurs pays. C’est ainsi que nous suggérons, dans cet article, de mettre l’accent sur les normes les plus connues en archivistique, soit la série des normes ISO 30300 et ISO 30301 (2011) concernant la mise en place d’un système de gestion des documents d’activité (SGDA), ainsi que la norme ISO 14641 (2012) relative à l’archivage pérenne et probatoire des documents numériques. Plus particulièrement, nous nous attardons à l’apport de chacune de ces normes à la mise en place et à la performance des systèmes de GID, à la lumière des exigences techniques, archivistiques et légales en vigueur. Nous présenterons, à travers les lignes subséquentes, la GID en tant que pratique archivistique novatrice et la positionnons par rapport à l’archivistique et à la gestion des documents d’activité (c’est-à-dire gestion des archives courantes et intermédiaires). Nous décrirons ensuite 9 | 2017 | VOLUME 47, NO 1 S. ALAOUI les fonctionnalités des systèmes de GID. Puis, nous nous pencherons sur la normalisation et son apport aux pratiques de gestion documentaire. Pour ce faire, nous aborderons les normes mentionnées plus haut et nous suggérerons une réflexion sur leur contribution à l’uniformisation des pratiques de la GID. Une consultation d’un ensemble de ressources documentaires a été nécessaire afin de repérer les articles scientifiques et professionnels traitant du sujet en question : les bases de données bibliographiques (LISA : Library and Information Science Abstracts, EBSCO et Francis), les ensembles de périodiques (Cairn, Érudit et Emerald journals), les catalogues (Atrium de l’Université de Montréal et celui de la Bibliothèque nationale de France (BnF)), les revues scientifiques (Information management journal, Documentaliste-Sciences de l’information et Records management journal), les revues professionnelles (La Gazette des archives et Archives), ainsi que le système universitaire de documentation (SUDOC). Les mots-clés utilisés étaient en français et en anglais : gestion intégrée des documents, gestion des documents d’activité, gestion des archives courantes et intermédiaires, gestion électronique des documents, documents d’activité, documents d’archives, normalisation, normes, ISO 30300, et ISO 30301, ISO 14641, systèmes de gestion des documents, records, electronic records management, document and archive management, information systems implementation, standards et standardisation. 1. LA GESTION INTÉGRÉE DES DOCUMENTS (GID) : VERS UNE NOUVELLE PRATIQUE ARCHIVISTIQUE La gestion intégrée des documents (GID) est une pratique archivistique moderne qui assure la gestion du cycle de vie complet des documents, peu importe leur support, dès leur création jusqu’à leur destruction ou leur conservation permanente. D’un point de vue technique, cette gestion est assurée par le même processus et utilise les mêmes outils puis est intégrée à un seul système informatique (Roberge, 2009 et 2016 ; Université du Québec à Montréal, s.d.). D’un point de vue opérationnel, un système de GID est : Un système pérenne de gestion dont les composantes sont intégrées afin de donner, aux personnes accréditées, accès à toute l’information pertinente portée par un support qui 10 | 2017 | VOLUME 47, NO 1 documente les activités d’une organisation. (Roberge, 2009, chapitre 6.1) Roberge (2009) ajoute que le concept de GID est plus global que celui de la GED, c’est-à-dire gestion électronique des documents. Cette dernière se définit comme étant la gestion du cycle complet des documents numériques, et ce, depuis leur création jusqu’à leur conservation ou leur destruction (LeSaux, 1992). La GID s’inscrit ainsi dans une vision holistique qui considère la notion du document dans l’une de ses acceptations les plus larges en archivistique, selon des critères tels que la diversité des supports documentaires (par exemple, papier, microfilm, audiovisuel, cartographique, etc.) et les étapes du cycle de vie (records ou documents d’activité, ou encore les archives courantes et intermédiaires, ainsi que les archives définitives ou historiques). 1.1. La GID : un bref aperçu historique La GID a vu le jour au Québec, après l’adoption de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information1 (RLRQ, chapitre C-1.1) (Roberge, 2009, chapitre 6). Cette dernière fournit des règles à suivre afin d’assurer une gestion optimisée des documents « faisant appel aux technologies de l’information » (Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, RLRQ, chapitre C-1.1, chapitre 1) et produits par les organisations québécoises dans l’exercice de leurs activités. Plus précisément, elle détaille les mesures pour le maintien de l’authenticité2, de la fiabilité3, de l’intégrité4, de l’exploitabilité5 et de la sécurité de ces documents. Il en va de même pour les systèmes de gestion des documents numériques, lesquels doivent être aussi performants que possible afin de garantir les exigences précédemment mentionnées. Ces dispositions visent à garantir la valeur légale des documents permettant aux institutions concernées de se défendre en cas de litige. Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et le Centre des services partagés du Québec (CSPQ) étaient les premières organisations à avoir adopté un modèle conceptuel portant sur la gestion des documents d’activité en formats papier et numérique sur la base de la GID (Roberge, 2009, chapitre 6). L’élaboration et l’application de ce modèle étaient réalisées dans une optique de minimiser l’intensité des problèmes liés à la gestion des documents dans la diversité de leurs supports, notamment avec S. ALAOUI 11 | 2017 | VOLUME 47, NO 1 l’avènement du mythe « zéro papier » et l’accroissement du mouvement de la dématérialisation des documents. Nombreuses sont les organisations ayant élaboré des politiques de gestion documentaire adaptées à leur réalité organisationnelle, comme la Stratégie canadienne de numérisation du patrimoine documentaire, adoptée par Bibliothèque et Archives Canada6, le Cadre de référence gouvernemental en gestion intégrée des documents7, élaboré en 2004 par Bibliothèque et Archives nationales du Québec, en collaboration avec Yves Marcoux, et autres, ainsi que le module de formation proposé par le Conseil international des archives, intitulé UNESCO digital preservation initiatives module8 et rédigé en mai 2016. Il importe également de mettre l’accent sur des projets connus à l’échelle internationale, et ayant comme finalité la gestion des documents numériques, soit InterPARES (International research on permanent authentic records in electronic systems), ayant pour but la conservation pérenne des documents numériques tout en s’assurant de leur authenticité, ainsi que le projet Hector (Hybrid electronic curation, transformation and organisation of records) lancé en Belgique pour la gestion des documents en formats papier et numérique par un seul système hybride (Hector project, 2016). Par conséquent, force est d’admettre que les instances nationales et internationales sont de plus en plus conscientes des risques découlant de la gestion des documents numériques et de leur préservation pérenne, entre autres : l’impossibilité de tout stocker dans les serveurs informatiques, l’instabilité des supports informatiques (nécessité continue de migration des supports, compte tenu de leur caractère volatile), l’intensité des exigences juridiques obligeant les organisations à disposer les documents servant à leur défense, la multiplicité des risques encourus avec le numérique à l’égard de la sécurité de l’information et l’accentuation des risques liés à la uploads/Management/47-1-alaoui.pdf

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  • Publié le Jan 08, 2023
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