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Service de Veille scientifique et technologique http://www.inrp.fr/vst Dossier d’actualité (ancien titre : Lettre d’information) n° 36 – juin 2008 vous abonner consulter le dossier en ligne Éducation et télévision : les liaisons dangereuses par Marie Gaussel Parmi les questions vives qui attisent de nombreux débats autour de l’école aujourd’hui se pose celle de l’éducation non formelle et des autres acteurs éducatifs. La place importante de la télévision au sein des familles contribuerait à l’éducation des enfants par un processus d’imprégnation, plus ou moins élevée se- lon les contextes. Cette responsabilité justifie que l’institution scolaire s’interroge sur la relation qui lie le jeune spectateur au petit écran et sur les effets des contenus télévisés sur le développement psychologi- que et cognitif de l’enfant. Cependant, peu de professionnels du milieu éducatif se sont penchés sur cette question contrairement au monde médical, aux psychologues et aux spécialistes des médias et de la communication. Dans ce dossier, nous allons aborder différentes problématiques rencontrées dans les ouvrages et articles récents sur ce sujet, la relation entre la télévision et l’environnement familial, les processus d’apprentissage, les troubles du comportement et l’influence des enjeux économiques, en partant de l’analyse du livre d’un professeur de communication audiovisuelle, Jesus Bermejo Berros, Génération té- lévision : la relation controversée de l’enfant avec la télévision (2007). Pour mieux saisir l’enjeu que re- présente cette relation, nous citerons ici Liliane Lurçat, directrice de recherche au CNRS : « La télévision a contourné les remparts protecteurs de la famille et de l’école, elle a permis la manipulation précoce des enfants et l’a rendue efficace » (2002). Télévision dans le contexte familial | Télévision et expériences cognitives | Télévision et troubles du com- portement | Télévision, publicité et économie de marché | Bibliographie. Avertissements au lecteur : – la plupart des liens renvoient vers les fiches correspondantes de notre base bibliographique collaborative, qui comprennent les références complètes et, le cas échéant, des accès aux articles cités (en accès libre ou en accès payant, selon les cas et selon les abonnements électroniques souscrits par votre institution) ; – sauf indication contraire, toutes les traductions comprises dans ce Dossier d’actualité ont été réalisées par la rédactrice ; – vous pouvez faire part de vos réactions à ce Dossier en laissant un commentaire sous l’article correspondant dans notre blog : « Écrans de veille en éducation ». Télévision et contexte familial Les premières études sur l’influence de la télévision portaient principalement sur les processus cognitifs individuels de l’enfant devant l’écran. Aujourd’hui, les chercheurs s’intéressent davantage à l’influence du contexte social de l’environnement familial. Bermejo Berros s’interroge donc sur le système familial qui régit le visionnage et identifie quatre variables agissant sur le comportement face à la télévision : la structure familiale, les caractéristiques des parents, les caractéristiques des enfants et l’accessibilité. La façon dont l’enfant visionne la télévision dépend de lui mais aussi de facteurs extérieurs qui ont une inci- dence sur son comportement et sur son développement intellectuel et émotionnel. La perception des enfants de ce qu’ils « apprennent » par le biais de la télévision est différente selon le modèle de communication dans la famille. Quel rôle pour les parents ? Alors que « transmission familiale, transmission scolaire et transmission médiatique s’enchevêtrent plus que jamais pour former […] la trame des repères grâce auxquels l’enfant perçoit le monde » dans quel environnement médiatique les parents doivent-ils laisser évoluer leurs enfants ? Elisabeth Baton-Hervé, formatrice en éducation à l’image, propose une synthèse bibliographique d’études analysées dans le but d’identifier les relations parents-enfants dans leur rapport à la télévision (2005). Elle nomme trois dimensions primordiales de la fonction parentale : la relation parents-enfants et la représentation du rôle de la télévision, l’influence du contexte médiatique de la mondialisation, et la fonction éducative des parents pour permettre aux enfants de mieux appréhender le média télévisuel. Le rôle des parents est considéré comme prépondérant et indispensable pour maîtriser l’outil télévisuel. Les édu- cateurs, les médecins et les psychologues s’accordent pour inviter la famille à mieux contrôler les heures passées devant l’écran et à accompagner leurs enfants dans l’appréhension de certains programmes. Dossier d’actualité de la VST, n°36 – juin 2008 1 Les pédiatres américains Zimmerman, Christakis et Meltzoff (2007) constatent que peu de parents appliquent la recomman- dation de l’American Academy of Pediatrics (AAP) qui invite les parents à ne pas mettre des enfants de moins de 2 ans devant la télévision. Une enquête auprès de plus de 1 000 parents américains fait apparaître qu’en moyenne, 40% des enfants testés regardent la télévision dès 3 mois et 90% à 24 mois, l’âge médian d’initiation étant de 9 mois. Seulement 32% des parents sont présents dans la même pièce lorsque l’enfant visionne un programme ou un DVD. Ce chiffre montre que les programmes dont l’objectif, selon les producteurs, est de développer les interactions entre les parents et les enfants, ne fonctionnent pas vraiment. Cette étude se penche également sur les raisons qui poussent les parents à laisser leur enfant devant l’écran. Selon les réponses majoritaires, ce n’est pas pour avoir une « baby-sitter électronique » ou « nurse cathodique » mais plus pour l’aspect éducatif affiché et vendu par certains programmes. Les parents considèrent aussi plus simplement que c’est une activité distrayante et relaxante pour l’enfant. Un autre résultat, mis en évidence ici, est la perception des parents quant aux habitudes de visionnage dans les autres familles : la majorité pense que son enfant regarde beaucoup moins la télévision que les enfants des autres familles. D’ailleurs, plus leur enfant passe du temps devant l’écran, plus cette perception est erronée. Bermejo Berros (2007) distingue cinq types de médiation parentale : la médiation absente (aucun contrôle), la médiation défocalisée (regarde avec l’enfant, sans faire de commentaires), la médiation restrictive (le temps passé devant l’écran et le type d’émissions sont contrôlés), la médiation évaluative (les parents discutent et évaluent les contenus avec leurs enfants) et la médiation contrôlée (les limites sont posées, les enfants sont accompagnés et les programmes évalués). Télévision : le « troisième parent » ? Cette expression du philosophe Dany-Robert Dufour (2004) montre à quel point la propagation des écrans de télévision s’est généralisée dans l’espace privé que représente la famille. Désormais, le poste « trône » au milieu de la pièce à vivre et figure également en bonne place dans la chambre des enfants (entre un et deux tiers des enfants, les chiffres variant en fonction des pays et des milieux socio-professionnels). Dufour parle de véritable mutation anthropologique et dénonce « l’inondation de l’espace familial par ce robinet constamment ouvert, d’où coule un flux ininterrompu d’images », inondation dont l’impact se fait ressentir sur le développement et la formation de l’enfant. La société canadienne de pédiatrie regroupe une documentation scientifique sur les usages des médias, dont la télévision, et propose une synthèse régulièrement mise à jour sur les habitudes et les comportements des jeunes canadiens dans leur consommation télévisée, notamment en matière d’apprentissage, de violence, d’alimentation, de sexualité, de drogue (alcool, tabac) et de publicité. Plusieurs études décrivent la télévision comme étant un « professeur de grande influence ». Les vidéos éducatives peuvent constituer un puissant moyen d’éducation prosociale et certains programmes (comme Sesame Street) peu- vent améliorer les aptitudes de lecture et d’apprentissage de ses téléspectateurs (études sur Sesame Street) . Cela suppose par contre que les parents supervisent la durée et le type de programme que l’enfant visionne, au même titre qu’une autre activité éducative. Les aspects les plus négatifs cités sont la manipulation par la publicité et l’impact de la violence. Sharif et Sargent (2006) ont pour objectif de tester les corrélations entre le temps passé devant un écran (émissions télévi- sées, film ou jeux vidéo) et les résultats scolaires. Ils ont basé leur étude sur un échantillon de plus de 4500 élèves de 11 à 14 ans. Les analyses sont faites à partir de plusieurs variables dont le « parenting style » (style parental). Cet effet est dé- terminé en fonction de l’attitude de la mère, plus présente au foyer, tel qu’il est interprété et qualifié par l’adolescent lui- même, à partir de la typologie mise au point par Diana Baumrind (1978). Le type d’autorité exercé par la mère en ma- tière de permissivité face au temps passé devant l’écran et au contenu des émissions, en semaine ou le week- end, influe sur les performances scolaires de l’adolescent. Les deux pédiatres sont formels : il existe un lien fort et proportionnellement négatif entre « l’exposition » à la télévision et la performance scolaire chez les adolescents du niveau collège, intensifié par le visionnage de programmes réservés aux adultes de 18 ans et plus (R-rated) et de ceux vus en se- maine (plutôt que le week-end sur un temps habituellement non imparti aux devoirs). Ils soutiennent les recommandations de l’AAP qui souhaite que les parents réduisent à une heure ou moins le temps d’exposition par jour et limitent voire interdi- sent les chaînes câblées et les films au contenu violent ou sexuellement explicite. D’autres pédiatres (Jordan uploads/Management/education-et-television-les-liaisons-dangereuses.pdf
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- Publié le Aoû 18, 2022
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