Tous droits réservés − Les Echos − 2008 Vision :promesses etdangersdescathédral
Tous droits réservés − Les Echos − 2008 Vision :promesses etdangersdescathédrales parDenis Bourgeois Lire pages2 et 3 Leadership,performance, développementdurable parBernard Ramanantsoa Lire page3 Dirigeants :leaders,managers ousimplementexécutants ? ParMichelFiol etNicolasMangin Lire pages4 et 5 Prisederesponsabilité : lesclefsdelaréussite parGillesAmado Lire pages5 à7 Pourunapprentissage duleadership parValérieGauthier Lire pages8 et 9 Lecommandementmilitaire inspirationdumanagement parNicolasBarbier,IsabelleFetet etBaudouin deTorcy Lire page9 Equipesdedirection :pourquoi unteldéficitdecoopération ? parMichel Fiol etNicolas Mangin Lire pages 10 et 11 1 - Leadership SOMMAIRE Supplément gratuit au numéro 20.171 l Ne peut être vendu séparément Jeudi 15 mai 2008 [08 avr 2008, 18H40] 8481_CASE_O_001.2JLGBA.pdf et si efficacité rimait avec sérénité ? rendez-vous page 12 Tous droits réservés − Les Echos − 2008 2 - Les Echos - Jeudi 15 mai 2008 L’ART DU MANAGEMENT Vision :promesses etdangersdescathédrales IMPLICATION L’art du dirigeant serait d’élaborer une « vision » porteuse de valeurs et transcendant le quotidien. Cet art consisterait ensuite à faire partager cette vision et à mobiliser derrière elle l’énergie des collaborateurs. ’histoire est souvent proposée dans des stages ou ouvrages de manage- ment : quelqu’un visite le chantier d’une cathédrale, au Moyen-Age. Il interroge trois ouvriers sur ce qu’ils font. Le premier lui répond : « Je L gagnemon pain ». Le second lui dit : «Je suis tailleur de pierre», et le troisième : « Je construis une cathédrale». Le plus souvent, ce troi- sième ouvrier est cité comme exemple à suivre. Cela vientalorsenappuid’unereprésentationduleadership qui se développe aujourd’hui : l’art du dirigeant serait d’élaborerune«vision »,commeledisentlesanglo-sa- xons, ou un grand projet, comme on le dirait en français, porteuse de valeurs et transcendant le quoti- dien ; cet art consisterait ensuite à faire partager cette visionetàmobiliserderrièreellel’énergiedescollabo- rateurs. Ce recours à la vision du dirigeant, et à la cathédrale qu’elle invite à construire, comporte des promesses mais aussi des dangers Tout d’abord, pour rester dans le fil de la parabole, il importederéhabiliterlesdeuxpremiersouvriers(etpar « ouvrier »,j’entendsici toutessortes de collaborateurs, manuels ou intellectuels). Ceux-ci également peuvent contribuertrès efficacementet avec cœurà leur organi- sation. Etre tailleur de pierre, c’est développer un art, c’est, au travers d’un canal particulier, enrichir ses capacités et travailler sur soi-même. C’est aussi un moyen de créer du beau ou du bon qui bénéficie à d’autres autourdesoi.C’estun moyendeseprouversapropre valeur.Unebellecathédralene peutseconstruiresanstailleurs de pierre, experts et heureux d’exercer leur art. Il convient pour cela de leur laisser la marge d’autonomie suffisante pourqu’ilssesententartisteset non simples exécutants d’ins- tructions préétablies. Notons aussi que, des trois ouvriers, seul le tailleur de pierre trouve sonsensdansleprésent ;ilnedépendpasd’unailleursou d’un plus tard qui risque toujours d’être chimérique. Ceux qui ne font que « gagner leur pain » sont égalementnécessaires.Ilexistesurlechantierdestâches moins qualifiées, où développer un art serait plus problématique. La logique du gagne-pain peut facile- ment conduire à une vie de travail triste ou morne. Cependant, cette logique n’empêche pas une contribu- tion impliquée à l’organisation, à la condition que ces ouvriers évoluent au sein d’une équipe où ils se sentent exister, qu’ils aient le sentiment d’être respectés dans leurs préoccupations et leur dignité. Cette reconnais- sance est d’autant plus nécessaire que leur position symboliquedansl’organisationlesplacesouventaubas de la hiérarchie du prestige. Si ces conditions sont réunies, au minimum, ils en retireront une vie accep- table, au mieux, ilsenserontheureuxparcequel’essen- tieldeleurvieestailleursetqu’ilsnedemandentpasplus à leur job que de financer cet essentiel. Cette logique peut se rencontrer aussi chez des collaborateurs quali- fiés ; elle se teinte alors d’un peu de celle du tailleur de pierre. Le cas est de plus en plus fréquent de nos jours. Dans ces deux cas, nos ouvriers seront certes contents de savoir qu’ils collaborent à la construction d’une cathédrale mais ils pourraient être aussi heureux sur d’autres chantiers. Ils n’ont pas besoin de la cathé- drale pour être impliqués.Ceci est d’autant plus impor- tantque,biensouvent,ilsn’aurontjamaisvulesplansde la cathédrale et n’auront pas été associés à sa concep- tion ; il n’auront peut-être même jamais parlé directe- ment avec l’architecte. Ilsauront de ce fait une compré- hension limitée de leur contribution à l’ensemble et auront des difficultés à se sentir les auteurs de la cathédrale.C’estuncasquenousrencontronsfréquem- ment aujourd’hui. Les recherches et interventions que j’ai menées depuisquinzeansm’ontconvaincud’unechose :ilestle plus souvent illusoire de vouloir faire adopter aux collaborateurs la vision du dirigeant. Cela est même parfoismalsain.C’estillusoireparceque,mêmedansles organisations qui fonctionnent bien, dont les collabora- teurs sont impliqués, ces derniers se forgent un sens au travail qui est différent de celui de leur dirigeant. Les collaborateursyrespectentlavisionqu’encommunique le dirigeant, sont heureux d’y contribuer, mais ce n’est pascequilesfaitmajoritairementvibrer ;ilsjouentlejeu parce que, donnant-donnant, cette organisation et ce dirigeantleurpermettentdetrouverleurpropresensau travail, dans leur vie quotidienne. Libertéetconfiance Un exemple parmi d’autres : ce dirigeant d’une unité industrielle performante me disait que la clef de son succès était l’orientation vers leclient, partagée à tous lesniveaux.J’aipasséunematinéeentièreàparleravec bon nombre de ses ouvriers sans que jamais ces derniers ne me parlent de client, sauf quand je leur posaisunequestionàcesujet.Ilsétaienteffectivement heureuxdese trouver dans cetteentreprise, ilsétaient impliqués, mais ce qui faisait lavaleur deleur travail à leurs yeux était la liberté et la confiance dont ils bénéficiaient, la capacité de prendre des initiatives et defaireuntravailtechniquementintéressant,dansune ambiance où ils se sentaient reconnus et respectés. Bien sûr, ils étaient conscients que la satisfaction des clients était essentielle à la survie de leur entreprise mais le sens du travail, pour eux, n’était pas là. On comprend que cela puisse en revanche être celui du chef : prendre des parts de marché et des points de rentabilité lui permet de faire face à des défis, de développersesqualités,devoirleseffetsdirectsdeson action.Pourresterdanslefildenotreparaboleinitiale, lechefimaginesouventcommecathédralecequilefait vibrerlui,entantquetailleurdepierre,danssonpropre métier de dirigeant. En revanche, si l’implication des collaborateurs ne procédait pas de la vision du diri- geant,elledevaitbeaucoupàlaqualitédesonmanage- ment et de celui de son encadrement intermédiaire. Cela m’amène à expliquer pourquoi cette promotion d’une cathédrale peut être malsaine Tout d’abord, certaines visions proposées par des dirigeants ne sont pas vraiment des cathédrales. Vou- loir, par exemple, être le numéro un mondial sur son marché peut certes constituer un but efficace, sans doute satisfaire quelques egos, mais ne suffit pas à donner la profondeur et l’élan que suggère la cathé- drale, c’est-à-dire le service de ce qui nous dépasse. Ensuite, mêmequandcettevisionpeint l’orga- nisation comme étant au service d’un bien supérieur pourlasociétéet/oulescollaborateurs,il convientque les actessuivent les paroles. Les collaborateurs savent qu’il est des moments de vérité où les ressorts du sommetserévèlentetc’estlàqu’ilsjugentdel’authenti- cité d’une vision. On voit beaucoup de PDG perdre leurplacepourdéfautdeperformancesfinancières ;on envoit peusouvent lefaire, parexempleparcequeles collaborateursdeleur entreprisesont malheureux, ou parcequelesproduitsdecettedernièresontnuisiblesà lasociété.Ledangerneguettepasquelesecteurprivé. L’Art du management est réalisé sous la direction d’Henri Gibier, directeur de la rédaction des « Echos », avec la collaboration de Richard Perrin, directeur de la communication d’HEC Paris de Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC Paris et président de la CEMS. Un art en pleine mutation anouvellesériede « L’Artdu L Management »que nousvousproposons, avecle concoursdel’équipedeschercheurset desprofesseursd’HECtranche surplusieurs points aveccellesquil’ontprécédée.Plus compacte,elle tiendraentroiscahiers ;plus diverse, elle aborderatroisthèmes distincts :le leadership,laperformance,le développement durable.Ce choixapparemment aléatoiren’a riend’arbitraire.Touteslesconsidérationssur lesqualités quifontunbonleaderfinissent par conduire auxmêmesinterrogations surla mesurede laperformance.Ences tempscruels pourles gouvernances court-termistes,il apparaitrait unpeuvaindevouloircontinuerà distinguerlesmanagerslesplus performants sansintroduire uneperspectivetemporelle pluslongue,etune conceptiondelacréation devaleurmoinsétroitementfinancière, commelemontrelavogueactuelledu développementdurable.Encombinantces troisdimensions,nosamisd’HECnousoffrent l’occasionde découvrircequidéfinit« l’étatde l’art »enmatièredemanagementaujourd’hui. Incontestable,etdevenueencore plus spectaculaire depuislacrise financière initiée parlesmésaventuresdu« subprime », l’accélérationduturn-overdes PDGsouligne lesambiguitésde lanotionde leadership.Si l’horizond’undirigeantseraccourcitsi drastiquementpeut-onencoreexigerdelui d’avoirune« vision »poursonentreprise ? Souventleschangementsbrusquesdeleader setraduisentpardesséparations encascade danslescomités dedirection.Estcele coût caché delaglorificationdel’espritd’équipe dontlalittératuremanagérialefaitsonmiel ? Nonseulementilfautfairesespreuves de patronenmoinsenmoinsde temps,mais, semble-t-il,l’apprentissagedelafonctionse faitde plusenplusvite,carausommetles transitionsbrutales,lessautsde génération, lesrupturesde profilssontmonnaiecourante. Celaexplique-t-illesentiment assez répandu quele mondedesaffaires,comme lerestedela société,n’échappe pasàlacrise du leadership ? Quandlaquestiondelaperformancevient s’ajouteràcetteproblématiquedéjàtrèsriche, onrejoint des préoccupationsànouveautrès concrèteset d’une brulante actualité.Evoluant dansunenvironnementd’unegrande complexité,les entreprisessont contraintes de gérerselondescritèrestoujoursplus sophistiqués,cequine rendpasévidentde fixerlalignede partageentre performanceet nonperformance.Lesanalystesfinancierssont soumis àunfeucontinude critiques, aufuretà mesuredeséclatementsde« bulles »qu’ils n’avaientpasvuvenir.L’appréciationde l’efficacitédelarecherchereste,àbiendes égards,ungrandtrounoir.Lesméthodes employéespourrécompenseretstimulerles commerciauxouleshommes demarketing doivent s’adapteràlapartcroissantedu qualitatifetde lastratégiedanslarelation client. Toutescesremisesencausesontaussiundes effetsdel’impressionnantemontéeen puissance delathématiquedudéveloppement durable.L’artdumanagementestmaintenant celuiduménagement :lapoursuite du rendementsanségardspoursespropres ressourceshumaines,sonenvironnement,ses sous-traitantsetfournisseursn’aplusbonne presse.Concilieraumieuxcesimpératifs contradictoires,c’estundéfidetaillepourles hommes degestion. HENRIGIBIER directeur delarédactiondes« Echos » DENIS BOURGEOIS Etre tailleur de pierre, c’est développer un art, c’est, au travers d’un canal particulier, enrichir ses capacités et travailler sur soi-même. C’est un moyen de se prouver sa propre valeur. Denis Bourgeois est professeur affilié à HEC Paris. Il y est responsable de plusieurs programmes pour cadres dirigeants dont notamment le Master spécialisé, « Consulting and Coaching and Coaching for Change ». Le fil directeur de ses activités (recherche, formation, interventions en tant que consultant) est le sens que les individus donnent à leur travail. Tous droits réservés − Les Echos − 2008 - 3 Les Echos - Jeudi 15 mai 2008 L’ART DU MANAGEMENT Lesecteurpubliccommeletierssecteur(associations, coopératives…) courent toujours le risque de voir leursmissionsaltruistespasserausecondplanderrière les enjeux de territoires, de carrière et de réélections. Danstouscescasoùlavisionsonnefaux,ledommage est double : d’une part, cela rend les collaborateurs cyniques et moins confiants en de possibles vraies cathédrales ; d’autre part, cette vi- sion factice risque fort d’être un palliatifmasquantlesinsuffisances du management, son incapacité à rendre possible l’implication des tailleurs de pierre et de ceux qui viennent gagner leur pain. A ce sujet, on doit remarquer que ce recours croissant à la vision du dirigeant est concomitant avec le développement du taylorisme dans des secteurs toujours plus nombreux. Enfin, même quand cette vision est vécue authentiquement, le fantasme de toute puissance guette celui ou celle qui s’imagine être la source du sens pour les autres. En d’autres temps ou d’autres régimes,l’onappelaitcelapropagande,etl’onsaitbien dans quels errements cela peut mener. Le partage du sens uploads/Management/les-echos-l-x27-art-du-management.pdf
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- Publié le Jan 04, 2022
- Catégorie Management
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