Finance Contrôle Stratégie – volume 13, n° 1, mars 2010, p. 33-66. L’impact des
Finance Contrôle Stratégie – volume 13, n° 1, mars 2010, p. 33-66. L’impact des pratiques de Supply Chain Management sur la performance de l’entreprise Franck BRULHART Aix-Marseille Université - LEST UMR 6123 Professeur affilié Toulouse Business School Btissam MONCEF Enseignant-chercheur - ESCE Paris – CretLog Classification JEL : M110 – Réception : Février 2009 ; Acceptation : Décem- bre 2009 Correspondance : franck.brulhart@univmed.fr ; Faculté des Sciences Econo- miques et de Gestion – 14, Avenue Jules Ferry – 13 621 Aix en Provence ce- dex. Résumé : S’il existe de nombreuses études reliant le Supply Chain Mana- gement (SCM) et le développement d’un avantage concurrentiel, elles restent néanmoins à la fois dispersées et incomplètes. Cet article vise tout d’abord à expliciter la notion de pra- tiques de SCM (PSCM) puis à identi- fier l’impact de ces pratiques sur la performance. Au final, le modèle tes- te l’influence de 3 PSCM sur 8 di- mensions complémentaires (financiè- res et non financières) de la perfor- mance de la firme dans le contexte français. Nos résultats, obtenus par le biais d’une série d’équations de ré- gression, montrent une influence dif- férenciée des PSCM sur la perfor- mance, tant en termes de types de pratiques discriminantes qu’en ter- mes de types d’indicateurs de per- formance influencés. Mots clés : Supply Chain Manage- ment (SCM) – performance – pratiques de SCM (PSCM) – théorie des réseaux sociaux – ressources. Abstract: Numerous studies examine the relationship between Supply Chain Management (SCM) and the development of a competitive advan- tage. These studies, however, are mostly both incomplete and dispa- rate. The purpose of this article is to identify the precise nature of SCM practices and to empirically test the relationship between the latter and performance. More specifically, this article tests the impact of 3 SCM practices on 8 different performance metrics, both financial and non fi- nancial. Our results show that SCM practices determine performance in different ways and at different levels, both considering the type of practice and the type of performance indicator used. Key words: Supply Chain Manage- ment (SCM) – performance – SCM practices (PSCM) – social capital theory – resources. 34 L’impact des pratiques de SCM sur la performance de l’entreprise Avec les années quatre-vingt dix, face à la montée des contraintes concurrentielles, les organisations ont pris conscience qu’il n’était plus suffisant d’améliorer l’efficacité uniquement à l’intérieur des frontières de l’entreprise, mais qu’il était nécessaire de rechercher des gisements de compétitivité à l’échelle du système de valeur1 (ou supply chain) tout entier (Li et al., 2004). Dans cette optique, le Supply Chain Mana- gement (SCM) apparaît comme le moyen de développer un avantage concurrentiel. Grâce à une gestion collaborative des relations au sein du système de valeur et à une coordination intégrée des processus, du fournisseur initial jusqu’au client final, le SCM vise à créer plus de va- leur à la fois pour le client et pour les entreprises (Cooper et al., 1997 ; Filbeck et al., 2005), améliorant de ce fait la performance de chacune des organisations et du système de valeur dans sa globalité (Koh et al., 2007). Cependant, malgré cette attention croissante portée au SCM, deux insuffisances de la littérature existante doivent être soulignées : la pre- mière concerne l’appréhension et la caractérisation du concept de SCM, la seconde intéresse les liens entre SCM et performance. Malgré l’abondante littérature dans ce domaine, l’appréhension du concept de SCM souffre d’une absence de consensus qui transparaît sur trois éléments. Le premier élément concerne la confusion conceptuelle qui touche la notion même de SCM. La définition du SCM reste, en ef- fet, peu claire, et il n’existe pas véritablement de consensus sur cette question (Gibson et al., 2005 ; Mentzer et al., 2008). Au-delà de la dé- finition de ce concept, il n’existe que peu d’apports relatifs à la mise en œuvre concrète du SCM dans l’organisation et à l’identification des di- mensions constitutives de cette notion, c'est-à-dire aux « pratiques » de SCM (Li et al., 2004) ou PSCM. Le deuxième élément renvoie aux di- mensions constitutives du SCM réellement prises en compte dans les études empiriques, et qui apparaissent relativement fragmentées (Chen et Paulraj, 2004 ; Li et al., 2005 ; Li et al., 2006). Enfin, le troisième élément touche à l’opérationnalisation des dimensions constitutives du construit SCM sous la forme d’une ou plusieurs échelles de mesure. Là encore, coexistent dans la littérature des échelles multiples visant à ren- 1 Le système de valeur est ici défini comme un ensemble d’organisations impliquées dans une même filière et entretenant des liens de fournisseurs à acheteurs. La notion de système de valeur rend ainsi compte des flux verticaux (amont et aval) de produits, de services, d’argent ou d’informations, allant des fournisseurs vers les clients (Mentzer et al, 2001). Franck Brulhart, Btissam Moncef 35 dre compte du concept de SCM, mais sans véritable homogénéité (Min et Mentzer, 2004 ; Li et al., 2006 ; Chow et al., 2008). La seconde insuffisance concerne l’analyse des liens entre SCM et performance. S’il existe effectivement de nombreuses études mettant en relation les PSCM et le développement d’un avantage concurrentiel, el- les restent néanmoins, le plus souvent, à la fois dispersées et incomplè- tes (Koh et al., 2007). Tout d’abord, elles sont peu nombreuses à faire l’effort de préciser ou d’expliciter la relation entre ces deux variables, traitant le plus souvent ce phénomène comme une « boite noire ». En outre, ces études sont souvent concentrées sur certains aspects locaux du SCM et portent, par exemple, sur les relations de l’entreprise avec ses fournisseurs (Chen et Paulraj, 2004), sur l’intégration des systèmes logistiques au sein de l’entreprise (Rudberg et Olhager, 2003) ou sur les relations de l’entreprise avec les distributeurs (Tan et al., 2002). Si cer- taines études existent, qui tentent d’appréhender simultanément les liens amont et aval au sein du système de valeur, elles restent relative- ment rares (Li et al., 2004). De plus, leurs approches manquent d’homogénéité à la fois en termes de définition ou de conception du SCM, de cadre théorique ou d’unité d’analyse. La plupart des études existantes limitent souvent leur appréhension de la performance à des indicateurs partiels ou unidimensionnels (notamment en matière d’indicateurs de performance), et la grande majorité des apports mettant en relation le SCM et la performance de l’organisation est centrée sur des indicateurs financiers de la performance (Vickery et al., 2003 ; Li et al., 2004). Enfin, il n’existe pas à notre connaissance d’études des liens entre SCM et performance de l’entreprise dans le contexte de l’industrie française. L’ambition de cet article est de répondre à certaines de ces insuffi- sances en proposant une conception du SCM en trois types de pratiques et en appréhendant, de manière empirique, et par le biais de mesures multidimensionnelles, l’impact du SCM sur la performance. Pour cela, et après avoir clarifié la définition du SCM retenue ici, nous proposons d’identifier trois dimensions constitutives du concept (ou PSCM), avant de tester un modèle de relations entre ces pratiques et la performance de l’entreprise (mesurée par le biais de 8 mesures complémentaires à la fois financières et non financières). Les apports attendus sont de différents ordres. Tout d’abord, un ap- port conceptuel par le biais d’une proposition de définition et d’opérationnalisation du SCM sous la forme de trois « pratiques ». En- suite, en associant huit dimensions complémentaires d’évaluation de la 36 L’impact des pratiques de SCM sur la performance de l’entreprise performance, fondées à la fois sur des critères financiers et non finan- ciers, nous souhaitons enrichir la littérature existante en isolant d’une part, les composantes du SCM qui ont un impact significatif sur la per- formance et en identifiant d’autre part, les dimensions de la performan- ce de l’entreprise qui sont les plus sensibles aux pratiques de SCM. Ces résultats constituent alors un apport managérial, susceptible de guider la mise en œuvre du SCM au sein de l’entreprise, en fonction des objectifs prioritaires définis par les actionnaires ou les dirigeants. Enfin, l’application de ce modèle au contexte français permet d’élargir et d’enrichir les apports existant en termes de validité externe. Dans une première partie, nous discutons de la définition même du SCM avant d’en identifier les éléments constitutifs, les PSCM. Puis, nous mettons l’accent sur la difficulté à analyser la performance d’une organisation et la nécessité de combiner plusieurs indicateurs complé- mentaires, avant d’explorer les liens entre SCM et performance, en mo- bilisant un cadre théorique mixte (réseaux sociaux, théorie des coûts de transaction et théorie des ressources), ce qui nous conduit alors à for- maliser nos hypothèses de recherche. La seconde partie de cet article est consacrée à la présentation de la méthodologie mobilisée, ainsi qu’à l’exposé et à la discussion des ré- sultats obtenus. 1. SCM, PSCM et performance 1.1. Le SCM, définition et caractérisation 1.1.1. Un concept en développement, chargé de polysémie Du fait du caractère assez récent2 du développement du concept de SCM, et malgré une popularité croissante, de nombreux auteurs déplo- rent l’absence d’une définition consensuelle (Gibson et uploads/Management/limpact-des-pratiques-de-supply-chain-management.pdf
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- Publié le Aoû 09, 2022
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