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HAL Id: hal-01520801 https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01520801 Submitted on 13 Jun 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Introduction. Travailler (sur) la concurrence Patrick Castel, Léonie Hénaut, Emmanuelle Marchal To cite this version: Patrick Castel, Léonie Hénaut, Emmanuelle Marchal. Introduction. Travailler (sur) la concurrence. Patrick Castel; Leonie Henaut; Emmanuelle Marchal. Faire la concurrence, Presses des Mines, pp.7 - 18, 2016, 9782356713889. hal-01520801 Introduction Travailler (sur) la concurrence Patrick Castel, Léonie Hénaut, Emmanuelle Marchal A la lecture de la presse et de travaux de sciences sociales, dans les reportages télévisés ou radiophoniques, la concurrence semble s’intensifier chaque jour un peu plus dans les secteurs d’activité qui la connaissaient déjà, et s’inviter dans de nouveaux secteurs comme la santé, l’éducation ou la justice qui en étaient jusque- là préservés. Dans la sphère dite marchande, la libéralisation des échanges, la globalisation de l’économie et les impératifs de rentabilité, entre autres facteurs, sont réputés exacerber la concurrence entre agents sur le marché du travail, entre entreprises, produits ou services. Dans le secteur public, le New Public Management mise sur son efficacité supposée pour réformer les organisations administratives et professionnelles, présentées comme coûteuses et inefficaces. De telles évolutions, même s’il ne faut pas en exagérer la cohérence (Bezes, 2005, 2009), ont fait l’objet de nombreux travaux qui relèvent l’importance des réticences et résistances que leur opposent les professionnels. Ceux-ci se voient imposer de l’extérieur une discipline (Le Galès et Scott, 2008) qui bouscule leur identité (Stone, 1997). Les critiques sont particulièrement virulentes dans les domaines de la recherche et de la santé (Bruno, 2008 ; Pierru, 2007), où l’expertise des professionnels est considérée comme mise à mal par les réformes engagées. Chacun à leur manière, ces travaux montrent que la concurrence n’est en rien réservée à la sphère marchande. Ce faisant, ils confortent une idée que soulignait déjà Georg Simmel 2013 [1908] en son temps : il s’agit d’un mode de régulation central, et désormais privilégié de nos sociétés. La sociologie économique met bien en évidence l’intérêt de prendre la concurrence comme prisme analytique des relations entre acteurs (François, 2008). On peut regretter néanmoins que l’essentiel des travaux soient focalisés sur l’étude du fonctionnement des marchés et des relations marchandes. L’existence de luttes concurrentielles y est parfois posée comme un préalable et donne lieu à l’analyse des contraintes qui s’imposent aux acteurs. L’accent est alors mis sur les stratégies visant à évincer des concurrents ou à coopérer avec eux, sur l’encadrement des relations concurrentielles par le droit, ou encore sur les règles qui favorisent certains acteurs (Fligstein, 1996). De leur côté, les travaux voisins de science politique ou d’économie politique sur la libéralisation des économies (Palier, 2005 ; Woll, 2008 ; Faire la concurrence 8 Thelen, 2014) s’intéressent plus volontiers aux « politiques de la concurrence » (Combe, 2008), privilégiant pour ce faire une perspective macro(socio)logique. Qu’elle soit conçue comme une force quasi inexorable ou comme le résultat de stratégies politiques, la concurrence apparaît donc principalement comme extérieure aux acteurs qui la subissent ou cherchent à lui résister. Notre objectif, dans cet ouvrage, est de renouveler le regard porté sur ces questions en mettant davantage en évidence le caractère processuel, instable et controversé des relations concurrentielles, et en ouvrant l’horizon des domaines d’activités étudiés. Pour cela, il a fallu renoncer à se donner une définition préalable de ce que recouvre « la concurrence », pour s’intéresser à la façon dont les acteurs eux-mêmes appréhendent et travaillent le phénomène. Adoptant une posture pragmatique, l’identification des concurrents et de l’angle sous lequel sont comparées les activités, le choix des différentes manières d’organiser la concurrence, apparaissent d’abord comme des préoccupations pour les acteurs engagés dans les situations. L’ouvrage est né d’une série de séminaires dans lesquels les participants ont accepté de se prêter à cet exercice sur leurs terrains d’enquête respectifs. Ils se sont efforcé de faire attention à la façon dont les relations concurrentielles se fabriquent et se transforment au cours du temps, au rôle que jouent des acteurs très divers dans ces évolutions, et aux méthodes qu’ils emploient pour parvenir, ou non, à leurs fins. Les différentes contributions donnent à voir les marges de négociation plus ou moins étroites dont ils disposent pour qualifier les situations et définir leur travail, et les querelles ou luttes autour de ces qualifications. La concurrence apparaît alors comme relevant d’une construction collective à laquelle de multiples acteurs prennent part, et qui mobilise un arsenal de dispositifs beaucoup plus large que les outils dits de « mise en concurrence », comme les appels d’offre ou les indicateurs de performance dont il va être question. La variété des terrains explorés dans l’ouvrage découle de notre démarche consistant à ne pas non plus définir a priori les secteurs, les organisations ou les groupes professionnels qui sont en concurrence les uns avec les autres, pour voir qu’une grande variété d’activités et de situations se prêtent à des analyses en ces termes. Des auteurs s’intéressent aux conditions d’attribution ou d’obtention de financements dans le secteur associatif (Magali Robelet, Malka Older) et dans celui de la recherche et de l’enseignement supérieur (Jérôme Aust, Julien Barrier et Audrey Vézian, Mathieu Cloarec et Stéphanie Mignot-Gérard). D’autres étudient la façon dont les membres de différentes organisations – un groupe multinational (Fabien Foureault), un réseau de magasins de produits biologiques (Guilhem Anzalone), des associations professionnelles (Léonie Hénaut) – s’attachent à marquer des différences entre leurs pairs et les autres concurrents. Des auteurs analysent la façon dont l’organisateur d’un salon de programmes télévisés s’efforce Travailler (sur) la concurrence 9 de discipliner les activités des vendeurs et des acheteurs (Julien Brailly, Guillaume Favre et Emmanuel Lazega). D’autres, enfin, repèrent comment on s’y prend, dans les hôpitaux (Hugo Bertillot) et les écoles de commerce (Benoit Cret), pour admettre que des prestations sont comparables à celles de leurs homologues tout en préservant leurs spécificités. En somme, nous n’appréhendons pas la concurrence comme un phénomène morphologique, à l’instar des économistes ou de certains sociologues, mais comme un problème social (Spector et Kitsuse, 1973 ; Gusfield, 1981) auquel les acteurs donnent sens et qu’ils contribuent à construire tout en cherchant à y échapper. Loin de gêner l’analyse, la forte hétérogénéité des activités étudiées permet de faire émerger de nombreux points communs sur lesquels nous aimerions insister dans cette introduction. Nous allons d’abord revenir sur les ambivalences et les tensions qui caractérisent de façon générale le travail de la concurrence et qui traversent tous les chapitres. Puis nous présenterons les deux principaux infléchissements réalisés par rapport à la littérature existante et autour desquels s’organisent les deux parties de l’ouvrage. Les ambivalences de la concurrence Lutter et coopérer Dans sa célèbre étude du conflit, Simmel 2013 [1908] souligne le caractère ambivalent de la concurrence, ou plutôt de la relation concurrentielle. D’un côté, il la décrit comme une « lutte indirecte » entre individus – indirecte, car ils cherchent à l’emporter en interpellant non pas le concurrent mais des tiers (par exemple, la clientèle) – ayant parfois des « effets corrupteurs, destructeurs et dévastateurs » sur la société. Le caractère antagoniste de la concurrence est du reste ce que les sociologues mettent le plus volontiers en avant, même quand ils ne se réclament pas de l’analyse séminale du sociologue allemand. Or, dans le même texte, Simmel insiste aussi sur les « fonctions socialisantes » et « intégratrices » du conflit : « Personne ne niera qu’il y a quelque chose de tragique dans le fait que les éléments de la société travaillent les uns contre les autres, et non ensemble […]. Mais dans le bilan social, tous les aspects négatifs de la concurrence ne viennent qu’après l’immense force de synthèse que représente le fait que dans la société, la concurrence reste malgré tout une concurrence pour l’homme, une lutte pour plaire et pour rendre service […] ; bref, un tissu de milliers de fils sociologiques, du fait que la conscience se concentre sur la volonté, le sentiment et la pensée des autres » (Simmel, 2013 [1908], p. 301-302). Faire la concurrence 10 L’existence de luttes et d’affrontements ressort largement des cas étudiés dans ce livre. Mais les auteurs insistent aussi sur le caractère socialisateur de la concurrence. Nous l’apercevons par exemple à travers les appels à projets lancés pour « structurer » le monde de la recherche. Ils amènent les acteurs à s’intéresser de près à ce que font les autres et parfois à nouer de nouvelles alliances. Les situations de mise en concurrence apparaissent souvent comme des moments où les professionnels en viennent à réfléchir à leur identité collective, à ce qui les unit et à ce uploads/Marketing/ 2016-intro-travailler-sur-la-concurrence.pdf
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- Publié le Jul 12, 2022
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