Jean-Charles Chebat Bernard Gautier La rhétorique au service de la publicité In

Jean-Charles Chebat Bernard Gautier La rhétorique au service de la publicité In: Communication et langages. N°38, 2ème trimestre 1978. pp. 103-116. Résumé Tout message, qu'il soit littéraire, poétique, pictural ou... publicitaire, vise à produire certains effets. Mais arriver au résultat cherché ne peut être laissé ni au hasard ni à l'improvisation. Il faut à la création des règles. Ceux qui prétendent n'en respecter aucune et s'en remettre à leur seule inspiration observent inconsciemment d'autres codes qui, pour ne pas être formulés, n'en sont pas moins impérieux. Ces régies en matière littéraire sont les lois de la réthotique. Elles consistent en la codification d'un certain nombre de procédés connus et qui sont chargés d'apporter dans le message explicite son aspect implicite, ce qui l'enrichit considérablement. Ajoutons que bien souvent elles sont observées sans être connues, et tel utilise couramment l'apocope, la métonymie ou le chiasme qui n'en pourrait donner une définition claire. D'une certaine façon, dans la mesure où jadis les lois de la rhétorique étaient connues de tout individu cultivé, on peut dire qu'un lecteur ou un spectateur voyait ou comprenait dans une tragédie de Racine plus que nous n'en voyons ou n'en comprenons aujourd'hui. Jean-Charles Chebat et Bernard Gautier exposent, dans l'article suivant, que le message publicitaire, texte ou image, est par une singulière rencontre soumis lui aussi aux lois de la rhétorique. La connaissance de ces dernières doit permettre l'élaboration d'un message publicitaire dont les effets et l'efficacité peuvent être, sinon calculés, du moins prévus avec plus de précision. Citer ce document / Cite this document : Chebat Jean-Charles, Gautier Bernard. La rhétorique au service de la publicité. In: Communication et langages. N°38, 2ème trimestre 1978. pp. 103-116. doi : 10.3406/colan.1978.1208 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1978_num_38_1_1208 LA RHÉTORIQUE AU SERVICE DE LA PUBLICITÉ par Jean-Charles Chebat et Bernard Gautier Tout message, qu'il soit littéraire, poétique, pictural ou... publicitaire, vise à produire certains effets. Mais arriver au résultat cherché ne peut être laissé ni au hasard ni à l'improvisation. Il faut à la création des règles. Ceux qui prétendent n'en ■ respecter aucune et s'en remettre à leur seule inspiration observent inconsciemment d'autres codes qui, pour ne pas être formulés, n'en sont pas moins impérieux. Ces régies en matière littéraire sont les lois de la réthotique. Elles consistent en la codification d'un certain nombre de procédés connus et qui sont chargés d'apporter dans le message explicite son aspect implicite, ce qui l'enrichit considérablement. Ajoutons que bien souvent elles sont observées sans être connues, et tel utilise couramment l'apocope, la métonymie ou le chiasme qui n'en pourrait donner une définition claire. D'une certaine façon, dans la mesure où jadis les lois de la rhétorique étaient connues de tout individu cultivé, on peut dire qu'un lecteur ou un spectateur voyait ou comprenait dans une tragédie de Racine plus que nous n'en voyons ou* n'en comprenons aujourd'hui. Jean-Charles Chebat et Bernard Gautier exposent, dans l'article suivant, que le message publicitaire, texte ou image, est par une singulière rencontre soumis lui aussi aux lois de la rhétorique. La connaissance de ces dernières doit permettre l'élaboration d'un message publicitaire dont les effets et l'effica cité peuvent être, sinon calculés, du moins prévus avec plus de précision. Si Molière devait recréer aujourd'hui le personnage du Bour geois gentilhomme, M. Jourdain serait publicitaire et pratiquer ait à son insu l'art de la rhétorique. C'est en effet — faut-il le rappeler ? — grâce surtout aux travaux de Barthes, de Durand et d'Eco que l'on a pris conscience que cette discipline, dite littéraire, couvrait un champ vaste qui incluait la publicité. L'ensemble de ces travaux permit de se rendre compte que cette fameuse créativité publicitaire, apparemment si sponta née, était un processus aboutissant à un répertoire fini de figures possibles, et qu'au fond le créateur publicitaire faisait de grands efforts pour retrouver ce qui était déjà fort bien connu et codifié par le rhétoricien classique. Le problème est bien entendu que les deux individus, publicitaire et rhétoricien, ont mis longtemps à soupçonner qu'ils travaillaient dans des domaines connexes. C'est à tort que la rhétorique est considérée comme un orne ment, une parure élégante du discours. La rhétorique n'est pas non plus le précieux reliquat d'un art antique, celui d'un Démos- La rhétorique au service de la publicité thène ou d'un Protagoras haranguant la foule sur quelque agora... La rhétorique est un art vivant et omniprésent dont une des manifestations les plus claires1 est la publicité. La rhétorique est une dimension essentielle à tout acte de signification. Cette signification se manifeste par un écart entre la formulation attendue d'un discours et une formulation chargée d'intentions persuasives. La formulation publicitaire se présente comme une entité où texte et image sont intimement interreliés. Cependant, si la rhétorique du texte est codée et formellement enseignée depuis des siècles, la rhétorique de l'image n'est l'objet d'études que depuis quelquesannées. LA RHETORIQUE DE L'IMAGE La reconnaissance d'une rhétorique de l'image a fait l'objet de nombreux commentaires. Anciens et Modernes se querellent à propos1 d'incompatibilité du genre : linéarité du verbe contre spatialité de l'image1... Les travaux de Durand (1968) ont d'ailleurs. montré empirique ment que, non pas quelques-unes, mais toutes les figures de la rhétorique classique étaient transposables à l'image. Victoroff dit à ce sujet : « L'image utilise des signes qui correspondraient, » au niveau verbal, à de grandes unités du discours. » Quant à Osgood, il dit en substance que les codes des différentes langues sont comme des icebergs dont la partie immergée cache les mécanismes universels de la métaphore2 et de la synesthésie3 liés à des racines biologiques et synesthésiques communes à tous les hommes. La rhétorique de l'image, comme celle du texte, serait donc une manifestation supralinguistique proche de cet « hors langage » dont parle Eco (1972). LE DEGRE ZERO DE L'ECRITURE PUBLICITAIRE Nous avons dit plus haut que la signification réside dans l'écart entre une formulation attendue et une formulation persuasive, « rhétorisée »... Ainsi, le slogan politique des années 50 aux Etats-Unis « I like Ike4» contient une intention persuasive par sa formation même, ce que l'on ne retrouve pas dans le banal « I like Eisenhower », qui n'est qu'opinion personnelle de Cî l'électeur. «L S1 1. Notons à ce propos que Chebat et Hénault proposent une lecture linéaire c* de l'image : c'est, selon ces auteurs, sur le mouvement linéaire des yeux -S ' que se construirait la rhétorique de l'image. <S 2. Métaphore : figure de style qui fait passer un mot de son sens propre à g un sens nouveau en vertu d'une comparaison sous-entendue ou d'une ana- •«= logie. S 3. Synesthésie : association spontanée entre des sensations de nature diffé- | rente (Larousse). | 4. Exemple repris par R. Jakobson dans Essais de linguistique générale (Paris, P Editions de Minuit, 1959). . Publicité 105 Lors de l'analyse de la rhétorique publicitaire, il importe de reconstituer la formulation de base afin de repérer les figures qui s'y sont greffées et d'apprécier ainsi l'écart entre les deux formulations. Il semble théoriquement hasardeux d'avancer qu'il existe apparemment un degré zéro universel et absolu. Ce der nier serait propre au mode de communication (picturale, ciné tique, verbo-iconique...), voire au type de communication (publicitaire, poétique...). Développons cette idée : Etant donné que le degré zéro n'est pas une notion universelle, et en particulier qu'elle dépend de l'univers communicationnel du récepteur, il faut apprécier le degré zéro en fonction du public spécifique auquel s'adresse la publicité. Or, précisément, les études de marché sont là pour mettre* en évidence les axes publicitaires auxquels le consommateur serait éventuellement sensible. Le processus classique de marketing englobe — c'est ce que nous croyons du moins — le mouvement rhétorique qui mène de l'information des études de marché à la création d'images et de textes publicitaires. Ainsi, dans son livre De l'étude de motivation à la création publicitaire et à la promotion des ventes5, Joannis met préc isément en évidence le répertoire fini (supposé complet — et il en définit huit — ) des concepts d'évocation (ce que l'on pourr ait appeler les « cordes sensibles » du récepteur). Ces concepts d'évocation constituent en quelque sorte le degré zéro publicitaire sur lequel se développe le mouvement rhéto rique qui conduit à la création du message publicitaire. Nous n'avons guère l'ambition de résoudre Fe problème linguistique général de la définition du degré zéro. Nous limitant à l'écri ture (au sens1 large) , nous espérons donner une définition opératoire de ce degré zéro en acceptant l'idée que le répertoire des concepts d'évocation constitue le degré zéro de l'écriture publicitaire. Autrement dit, nous pensons que le répertoire construit de « concepts d'évocation » constitue, à titre purement pragmat ique, le degré zéro du langage publicitaire. L'intérêt pour ce répertoire est d'autant plus grand que le choix d'un concept spécifique est censé intervenir dans un processus rationnel (voir figure ci-dessous) et, surtout, s'adapter au public-cible. Autrement dit, ces « concepts d'évocation » de Joannis nous garantissent, en principe du moins, que le degré zéro est bien en relation avec uploads/Marketing/ bernard-gautier-la-rhetorique-au-service-de-la-publicite.pdf

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  • Publié le Jui 21, 2022
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