Monsieur Edouard Philippe Premier Ministre Hôtel Matignon 57 rue de Varenne 757
Monsieur Edouard Philippe Premier Ministre Hôtel Matignon 57 rue de Varenne 75700 Paris SP 07 Paris le 4 février 2019 Lettre ouverte Monsieur le Premier Ministre, Une version du projet de loi pour une économie circulaire et une meilleure gestion des déchets datant du 15 janvier 2019 a été divulguée par la presse le 23 janvier dernier. En l’état, nous estimons que la version actuelle du texte manque manifestement d’ambition et passe à côté de l’essentiel. A l’heure où nous devons modifier radicalement nos modes de production et de consommation pour éviter la catastrophe écologique, il nous faut passer d’une logique de gestion des déchets à une logique de préservation des ressources ; privilégier la réduction de notre impact plutôt que la consommation. Et dans ce texte, il n’y a rien ou si peu sur les leviers qui permettraient de changer de paradigme : l’éco-conception, la réparation, le reconditionnement, la lutte contre l’obsolescence programmée, l'interdiction de certains contenants, emballages et produits notamment plastiques... La rédaction des articles existants nous inquiète également, car leurs formulations trop vagues auront pour effet de rater leur cible dans la pratique. C’est notamment le cas de l’article sur l’obligation d’information sur l’absence de disponibilité des pièces détachées. C’est le cas aussi de celui sur l’interdiction de détruire les invendus. Il se limite aux textiles contrairement à la promesse faite par Madame Brune Poirson, sur le plateau de l’émission Capital le 13 janvier, suivant laquelle cette interdiction concernerait bien l’ensemble des biens manufacturés. Et même sur le textile les possibilités d’exemption prévues dans l’article actuel rendent ses dispositions lettre morte. Si l’inertie, pour ne pas dire l’autocensure, du gouvernement sur ce sujet devait se justifier par la crainte d’une inconstitutionnalité, qu’il se rassure. La jurisprudence constitutionnelle offre une base juridique solide à l’aménagement du droit de propriété au nom d’un principe supérieur, comme l’est évidemment celui de la préservation de notre environnement. Par ailleurs, les mesures sur la réglementation de la publicité restent purement symboliques et ne permettent pas que les consommateurs soient réellement informés de l’impact écologique des produits mis en avant. Enfin, le recours aux ordonnances plutôt qu’au débat parlementaire donne à ce stade très peu de garanties sur l’ambition du gouvernement en matière de gouvernance et de transparence des filières de Responsabilité Élargie du Producteur (REP), de place accordée au réemploi et à la réparation, ou encore de lutte contre la pollution plastique, laissant ainsi la place à tous les doutes. 1 Ainsi, nous voulons réaffirmer dans ce courrier les mesures essentielles qui conditionnent pour nous le succès de cette future loi économie circulaire et constitueront un aboutissement ambitieux et réussi du processus entamé lors de la Feuille de route économie circulaire : - le principe d’objectifs chiffrés et d’un soutien financier à la réparation assignés aux filières REP ; la remise à plat des filières REP implique une refonte de la gouvernance en intégrant les acteurs du réemploi, de la réparation et de la consommation durable, dans les instances de gouvernance ainsi que davantage de transparence notamment sur l’attribution de l’éco-modulation en publiant les bonus/malus par marque ; - la création d’un fonds pour le réemploi solidaire, finançant les acteurs associatifs du réemploi solidaire (financé par les éco-contributions de toutes les filières au titre de la prévention et cogéré par les acteurs du réemploi solidaire) ; - la mise en place d’un indice de durabilité à l’horizon 2022, et non seulement un indice de réparabilité, ainsi que l’obligation d’affichage d’un compteur d’usage sur les produits le permettant ; - l’adoption d’un objectif de baisse des unités d’emballages en plastique mis sur le marché et de baisse de notre consommation nationale de plastique, ainsi que le renforcement des interdictions de certains produits plastiques à usage unique ; - l’interdiction de destruction de tous les invendus et biens manufacturés en état d’utilisation, étant précisé que le recyclage est une forme de destruction ; privilégier le don de ces invendus aux personnes les plus précaires, pour concilier l’écologie et le social, ou à défaut leur réemploi ; - la reconnaissance d’un véritable droit à réparer, qui comprendrait le libre choix de son réparateur, même non agréé, et un libre accès pour ce dernier aux plans de réparation, outils, logiciels et pièces détachées ; une durée minimale obligatoire de disponibilité des pièces détachées de 5 ans, l’appui à la création et au développement de filières de formation de techniciens de réparation ; l’affichage clair de l’indisponibilité des pièces détachées ; la création d’un fonds de soutien à la réparation pour diminuer son coût ; - un engagement à faire baisser la TVA sur les activités de réparation, de réemploi et de réutilisation pour passer à une TVA circulaire à 5,5% lorsque les directives européennes le permettront ; la création d’un crédit d’impôt réparation et/ou d’un chèque réparation ; - rendre la traçabilité de tous les déchets du BTP obligatoire et conforme à certains standards de qualité, y compris pour les déchets et matériaux réutilisables et des matières premières secondaires issues de la réutilisation ; - soutenir le développement d’un label permettant d’évaluer la qualité des réparations et des produits reconditionnés ; - imposer une mention environnementale sur la publicité pour les produits les plus impactants pour l’environnement, interdire absolument toute publicité non adressée, la publicité envers les mineurs et les fausses réductions pendant les soldes. 2 Ces points devront figurer dans les articles de la loi et non renvoyés à des ordonnances. Le Président et vous même l’avez dit : nos ressources s’épuisent et le climat se réchauffe dangereusement. En cause, notre manière de produire et de consommer. Nous dansons sur un volcan. Et pourtant, depuis le début de la mandature, aucune loi écologique d’envergure n’a encore été prise. Cette loi pourrait être la première et faire enfin le lien entre l’écologie et le social. Avec cette loi, saisissons l’occasion de changer réellement notre époque ! C’est la raison pour laquelle nous sollicitons une rencontre afin d’évoquer avec vous les points que nous jugeons incontournables dans ce projet de loi. Dans cet espoir, je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’assurance de notre sincère considération. Signatures : Me Emile Meunier, fondateur Meunier avocats, droit de l’environnement Laetitia Vasseur, fondatrice et déléguée générale de HOP // Halte à l’Obsolescence Programmée Florent Compain, président Les Amis de la Terre Benoît Varin, président de RCube, fédération du Réemploi et de la Réparation Flore Berlingen, déléguée générale de Zero Waste France Hubert Trapet, président d’Emmaüs France Michel Dubromel, président de FNE, France Nature Environnement Alain Bazot, Président de l’UFC-Que Choisir Antidia Citores, responsable plaidoyer et campagne de Surfrider Foundation Europe Jean-Louis Bossard, président délégué au numérique de FEDELEC (fédération des professions d’électricien électronicien) Jacques Bianchi, président de la FNAMAC (Fédération nationale artisanale des métiers d’art de création du bijou, de l’horlogerie et des métiers connexes) Pierre-Eric Letellier, membre du conseil d’administration L'Heureux Cyclage Aurélien Furet, président du REFER (réseau francilien des acteurs du réemploi) Martin Bobel, vice-président du Réseau National des Ressourceries Kalina Tyminski, gérante de 3VM services, réparation informatique Antoine Drouet, directeur Les Ateliers du Bocage Gabriel Colletis, président de l’association du Manifeste pour l'Industrie Renaud Attal, fondateur et directeur général de Co-Recyclage Alexis Zerbib, président de Cyclofix Philippe Lévèque, fondateur d’Ecofrugal project François Berthoud, directrice de EcoInfo (CNRS) Elsa Lomont, gérante d’Ethikis Frédéric Bordage, fondateur de GreenIT.fr Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, président directeur général de HelloZack Emmanuel Cazeneuve, fondateur et président directeur général de Hesus Jean-Christophe Chaussat, président de l’INR, Institut du Numérique Responsable Romain Martin, directeur général de Murfy 3 Hortense Sauvard, fondatrice et directrice générale de Oui Are Makers Contact : Me Emile Meunier 26 rue Boileau, 75016 Paris emile@meunier-avocats.fr 06 01 32 45 79 Copie : Monsieur François de Rugy Ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire Madame Brune Poirson Secrétaire d’Etat auprès du ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire Hôtel de Roquelaure 246, boulevard Saint Germain 75007 Paris 4 uploads/Marketing/ courrier-edouard-philippe-pour-une-loi-economie-circulaire-ambitieuse.pdf
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