Jean-Marc LEHU STRATÉGIE DE FIDÉLISATION Préface de Philippe Charrier Président
Jean-Marc LEHU STRATÉGIE DE FIDÉLISATION Préface de Philippe Charrier Président-directeur général France Deuxième édition © Éditions d’Organisation, 2003 ISBN : 2-7081-2944-9 181 © Éditions d’organisation 3 Vers une fidélisation efficace et rentable La première étape stratégique pour obtenir la fidélisation de sa clientèle est de pratiquer un audit détaillé de toutes les caractéristiques de l’offre actuelle, non seulement par rapport aux attentes perceptibles des clients, mais également par rapport à ce qu’ils seraient susceptibles d’apprécier et dont ils n’ont pas nécessairement idée pour l’instant. La fidélité du consommateur doit, rappelons-le, être envisagée comme un objectif stratégique, et surtout pas comme une ordinaire opération promotionnelle, ponctuelle par définition. Pourquoi, les grandes ensei- gnes de la distribution s’intéressent-elles, elles aussi, aux stratégies de fidélisation ? En France, en moyenne, un consommateur fréquente 3,2 grandes surfaces en parallèle. Ce chiffre révèle, certes, une densité STRATÉGIE DE FIDÉLISATION 182 © Éditions d’organisation concurrentielle propice à un tel phénomène. Mais le fait que ce chiffre soit si élevé s’explique en partie par l’absence de réelle stratégie de fidé- lisation EPL à long terme par les principaux acteurs. Certes, plusieurs d’entre eux ont développé ces dernières années le concept de pleasure shopping (ou fun shopping) introduisant une dimension spectacle sur le lieu de vente, pour entretenir la génération de trafic. Cela s’assimile davantage à la communication événementielle et/ou au design, qu’à une stratégie de fidélisation. Cependant, en 2002, les travaux de recherche très intéressants menés par Marie-Christine Lichtlé, Sylvie Llosa et Véronique Plichon ont permis de comprendre que si le distributeur se contentait de faire son métier, en proposant un assortiment organisé de produits dans un point de vente aménagé, cela ne suffisait plus pour influencer positivement l’évaluation faite parle client. Il fut démontré, dans le cadre d’une grande surface alimentaire, que les facteurs d’ambiance, notamment, influençaient fortement sa satisfaction. D’où l’importance de l’expérience affective vécue par le client lorsqu’il se rend dans une grande surface, si l’on souhaite l’y voir revenir. Le fait est que les grandes enseignes n’ont pas de positionnement véritablement diffé- rent et compte tenu du développement considérable des implantations dans le courant des années 1970 et 1980, les zones de chalandise des différents points de vente sont rarement exclusives. Dès lors, l’offre de la grande distribution repose essentiellement sur une politique de coups (anniversaires, festivals, produits saisonniers, braderies, soldes…) qui constituent autant d’actions promotionnelles. Certaines d’entre elles, comme la fabuleuse opération mondiale des 35 ans de Carrefour réalisée en 1998, sont de véritables cas d’école marketing tant la réussite fut grande en termes de trafic généré et chiffre d’affaires engrangé. Et la très forte incitation à la réflexion générée à l’issue chez les enseignes concur- rentes est là pour conforter l’idée du succès de l’opération. Mais il n’y a rien de surprenant dans ces conditions à ce que le consommateur/client soit logiquement et implicitement incité à passer d’une promotion à une autre, quelle que soit l’enseigne. Qui dit fidélisation, dit naturellement stratégie. Qui dit stratégie, dit nécessairement combinaison d’actions cohérentes à moyen/long terme et non succession d’opérations indépendantes à court terme. D’autre part, une stratégie de fidélisation ne doit pas signifier un retour au marketing de masse. Et l’observation vaut également pour l’utilisation d’Internet. VERS UNE FIDÉLISATION EFFICACE ET RENTABLE 183 © Éditions d’organisation Les efforts de la stratégie de fidélisation envisagée doivent être adaptés à chaque catégorie de clients. Les supports les plus onéreux ne doivent être utilisés qu’à l’égard des consommateurs/clients de l’entreprise qui auront été préalablement identifiés comme étant potentiellement les plus rentables. Un client fidélisé a naturellement tendance à augmenter ses dépenses sur la marque, dans le temps. Le cabinet Bain & Cie chiffre que l’accroissement de 5 % du taux de fidélisation peut permettre une amélioration de 57 % de la rentabilité de l’entreprise. Mais l’optique de la rentabilité n’est compatible avec une stratégie de fidélisation que si cette dernière utilise des outils de base performants, au premier titre desquels : le SGBD (Système de gestion de base de données). Mais atten- tion, les experts du Cabinet Bain rappellent qu’en 1998, le leader mondial des sites Internet de recrutement et de recherche d’emplois, Monster, investit 1 million de dollars dans un système qui se révéla inef- ficace pour ne pas dire paralysant. Et la reconstruction fut encore bien plus coûteuse. Depuis que le marketing direct s’est développé, des modèles prédictifs ont exploité les données enregistrées dans ces bases de données pour évaluer la probabilité de réponse positive d’un consommateur lambda à une offre commerciale spécifique. Mais combien d’entreprises sont-elles aujourd’hui en mesure de répondre avec précision à la question pourtant très simple : « Qui sont vos meilleurs clients ? » Bien évidemment, par « meilleurs clients » il ne faut pas entendre les plus sympathiques, mais plus sérieusement ceux qui, parmi les plus réguliers, dépensent le plus en faveur de la marque. Inutile de vouloir lancer un programme de fidé- lisation si l’on n’a pas parfaitement identifié les différents consomma- teurs/clients de la marque auparavant, car une bonne stratégie de fidélisation EPL est une stratégie qui est parfaitement adaptée aux carac- téristiques de ses destinataires. La première étape consiste donc à rassembler les données les plus représentatives de leurs caractéristiques. L’indispensable base de données Dans de nombreux cas, une opération de marketing direct non ciblée peut espérer avoir bien atteint son objectif avec un taux de retour de 3 ou 4 %. La même opération adaptée et destinée aux seuls clients dits STRATÉGIE DE FIDÉLISATION 184 © Éditions d’organisation « actifs » et parfaitement identifiés dans la base de données pourra décrocher des taux de retour supérieurs à 50 %. Pourtant une étude réalisée par l’université Northwestern, et présentée à la conférence annuelle de la Direct Marketing Association en octobre 1998, révélait que si des bases de données, parfois gigantesques, existent bien dans de nombreuses entreprises aux États-Unis, leur utilisation ne parvient pas toujours à tirer totalement avantage de l’information collectée. Ainsi, l’étude révélait par exemple que seuls 59 % des entre- prises étaient en mesure de maximiser leurs ventes en pratiquant le cross-selling. Don Schultz, professeur à l’université Northwestern, analysait que le problème provenait essentiellement du fait que l’infor- mation collectée était trop fragmentée. Si aujourd’hui pour bien comprendre et anticiper les attentes du consommateur, il importe de recouper des données comportementales et des données attitudinales, rares sont encore les entreprises en mesure de croiser correctement l’enseignement de ces deux sources d’information. Certes, des masses considérables de données sont stockées, mais leur exploitation efficace demeure parfois impossible pour cette raison ordinaire. La mise en place d’une stratégie de fidélisation implique que l’entreprise va engager un dialogue avec son consommateur. Dans ces conditions, l’utilisation d’une base de données pour concevoir, orienter et déve- lopper ce dialogue peut devenir un atout considérable. En 2003, Clarins a finalisé la mise en place de la solution CRM développée par Pivotal eRelationship, dans le but de centraliser toutes les observations émanant des clientes de ses produits de cosmétiques et de parfumerie. Présente dans plus de 150 pays, la marque Clarins se dotait alors d’une base de données unique permettant des analyses marketing plus sophistiquées. « La base de données est plus qu’un simple fichier, elle est le dépositaire des goûts spécifiques des clients. Lorsqu’une société répond plus vite aux atten- tes d’un client, elle a toutes les chances de le fidéliser pour une longue période et d’en faire un actif ayant de la valeur. Les directeurs du marketing arrivent à cibler les clients avec de plus en plus de précision, ce qui leur per- met d’exploiter de plus petites niches même à l’échelle internationale » observe David Schmittlein, professeur à la Wharton School de l’université de Pennsylvanie. VERS UNE FIDÉLISATION EFFICACE ET RENTABLE 185 © Éditions d’organisation La porte est alors ouverte sur la personnalisation de masse. Il ne viendrait à l’idée d’aucun praticien aujourd’hui de remettre en question l’intérêt d’un marketing plus interactif, plus relationnel. En 2002, les travaux de Katherine Lemon et ses collègues ont confirmé cette interactivité nécessaire, dès lors que les consommateurs prenaient désormais en compte les aspects du passé, le présent et le futur (y compris leurs attentes futures) pour leur évaluation. Mais comment développer une approche personnalisée avec plusieurs milliers, voire plusieurs millions de consommateurs, sans l’aide d’une base de données, pour conserver une trace précise de la relation initiée à l’attention de chacun ? La nécessité d’une base de données n’est pas un phénomène de mode. Elle devient aujourd’hui une composante minimum ordinaire de la gestion des entreprises. C’est une tendance lourde qui touche aussi bien les producteurs de biens de grande consommation, que les presta- taires de services, que les distributeurs. Le marketing de bases de données ne sonne pas simplement le glas d’un certain marketing de masse aveugle, il gomme purement et simplement du vocabulaire du praticien, l’expression « consommateur moyen. » En fait, les consommateurs ont toujours été différents. Mais le marketing n’avait tout simplement pas les moyens techniques et surtout financiers d’intégrer cette variable dans l’équation. Le concept uploads/Marketing/ fidelisation 4 .pdf
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- Publié le Dec 05, 2021
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