Réseaux Comment agit la publicité : théories, recherche et implications créativ
Réseaux Comment agit la publicité : théories, recherche et implications créatives Jean-Noël Kapferer Abstract All advertising decisions are based on an implicit theory or at least a model of the advertising influence process. Cumulative research findings, both from academia and business, cast now a new light on current theories and implicit models. Instead of searching for the exclusive theory, empirical data and experience suggest that advertising influence mode is not single but varies from a situation to another situation. Two parameters influence considerably the way advertising works: consumers' degree of involvement in the product or topic of the communication and the weight of brands in the consumers' decision process. Résumé Toutes les décisions des publicitaires se fondent sur une théorie implicite ou tout au moins sur un modèle des effets de la publicité. Les recherches sur la publicité, qu'elles soient académiques ou menées dans les milieux professionnels, permettent d'y voir plus clair sur la validité des théories en cours et des modèles implicites. Plutôt que d'induire une théorie globale, les données empiriques et l'expérience suggèrent que le mode d'action de la publicité n'est pas unique mais varie d'une situation à l'autre. Deux paramètres les influencent considérablement : le degré d'implication des consommateurs dans le produit ou dans le thème traité et le poids des marques dans leurs décisions d'achat. Citer ce document / Cite this document : Kapferer Jean-Noël. Comment agit la publicité : théories, recherche et implications créatives . In: Réseaux, volume 8, n°42, 1990. La publicité. pp. 27-41; doi : https://doi.org/10.3406/reso.1990.1767 https://www.persee.fr/doc/reso_0751-7971_1990_num_8_42_1767 Fichier pdf généré le 11/04/2018 COMMENT AGIT LA PUBLICITE Théories, recherches et implications créatives Jean-Noél KAPFERER Réseaux n°42 - CNET - 1 990 27 IL y a un paradoxe de la publicité. On en fait depuis près d'un siècle, en dépensant des sommes croissantes. On ne compte plus les livres et les manuels présentant les techniques et outils publicitaires. Grâce aux sondages, aux panels et désormais au scanner, on en mesure bien les résultats. Pourtant, jusqu'à une date récente, on ne savait pas comment la publicité agit. Certes les théories n'ont jamais fait défaut : le psychologue J. Watson, fils spirituel de Pavlov devint patron d'agence de publicité en 1919, et y appliqua une vision inspirée du conditionnement ; plus tard la publicité fut dominée par la psychanalyse et conçut son action en termes de motivations, de freins, de pulsions (Dichter, 1961 ; Joan- nis, 1965). En France, la pensée publicitaire guidée par la sémio tique (Péninou, 1972) délaissa la question de l'explication des effets publicitaires. Quant aux Etats- Unis, ils sortent d'une vision cogniti- viste exclusive (Petty et Cacioppo, 1983). On ne manqua pas de théories pour rendre compte de ce qui ce passe entre un contact publicitaire (la rencontre avec un message) et le comportement (l'achat, le vote, ou le fait de réduire sa vitesse automobile). Ce qui est neuf est que les résultats des recherches scientifiques nous permettent désormais d'y voir plus clair, de rejeter les hypothèses non corroborées par les faits, d'en conforter d'autres. Avec le recul du temps, on peut dire que maintes campagnes publicitaires ont eu d'excellents effets mais pour les mauvaises raisons : ces effets ne semblaient pas découler du processus d'influence stipulé par la théorie, mais plutôt d'un autre processus, non prévu lui par la théorie. Car la recherche publicitaire -qu'elle soit fondamentale, académique, en laboratoire ou appliquée, d'entreprise, en milieu naturel- n'a jamais manqué de moyens financiers et humains. Les enjeux sont tels que chacun trouve normal de consacrer quelques pour cent des dépenses média à l'évaluation de leurs effets. Aussi dispose-t-on désormais d'un corps cumulatif de données exceptionnellement riches. Fort de celles-ci au delà du premier objectif de mesure des effets, on a pu évaluer par quel processus causal ces effets semblaient obtenus, quels indicateurs étaient effectivement influencés par la publicité, lesquels ne l'étaient pas. Le fait qu'une pratique enrichie efficace ait pu se développer malgré des théories invalides n'est pas une exception. La médecine a suivi aussi ce processus : au fil des siècles on apprit -par essai et par erreur- quelles plantes soignaient quelles maladies. Il ne manquait pas de théories ou invocations magiques pour en rendre compte. Mais les progrès de la biologie et de la chimie n'ont que récemment éclairé les processus sous-jacents aux effets constatés. L'objectif de cet article est de dresser un inventaire de ce que la recherche publicitaire nous apprend et d'en tirer les implications pour la pratique. Comme 29 nous le verrons, une théorie ne remplace pas les autres : au contraire, il ressort que la publicité n'agit pas toujours de la même façon, que les processus psychologiques mis en œuvre dépendent de certains paramètres repérés et mesurables. Avant de présenter cette diversité nous présenterons le modèle ayant gouverné implicitement la pratique publicitaire depuis I960, le modèle de l'apprentissage. Le concept de «modèle» renvoie à une représentation de l'influence publicitaire formalisée mais ne constitue cependant pas une théorie complète, et structurée. Une conception dominante : le modèle d'apprentissage II n'existe pas de méthodes, d'outils a-théoriques. Implicitement, derrière chaque méthode publicitaire on trouve une représentation de la façon dont la publicité est censée agir -consciemment ou non- sur les récepteurs des messages. Or, depuis 1960, l'outil dominant de la publicité est la «copy stratégie» : il s'agit d'une simple feuille, synthétisant la stratégie retenue pour la campagne publicitaire. Ses rubriques sont les suivantes : • quelle est la cible de la campagne ? (définie en termes socio-démographiques, psychologiques, ou comportementaux). • quel est l'objectif de la campagne, qu'attend-on de celle-ci ? • quelle est la promesse faite à cette cible (ou l'avantage qu'elle retirera de l'usage du produit, du service ou du comportement recommandé) ? • quels sont les supports de cette promesse (les preuves, les appuis, les sources de validation de ce qui est avancé) ? • quel est le ton de la campagne ? Il s'agit d'une indication quant au sytle que l'on souhaite voir respecté par les créatifs ? La «copy stratégie» est l'outil de base de toutes les campagnes publicitaires. Créée par une agence américaine elle a vite été étendue aux autres agences américaines puis à leurs filiales et réseaux de par le monde. Ce document a eu l'immense mérite de professionnali- ser la démarche publicitaire en rappelant que tout investissement répond à un seul objectif et que le rôle de la publicité n'est pas de créer des slogans (l'ère de la réclame) mais de véhiculer un point spécifique et un seul (la promesse). Implicitement cependant la copy stratégie puise son inspiration dans une conception où la publicité est censée apprendre quelque chose au public visé (d'où le concept de modèle «d'apprentissage»). En effet, la copy stratégie est un argumentaire : elle précise la promesse et les preuves de ce que l'on avance (les supports de cette promesse). Le modèle d'apprentissage met l'accent sur une promesse tangible, des preuves ou appuis (par exemple le témoignage d'un consommateur, un essai de laboratoire, la caution d'une actrice de cinéma) et la répétition du message. Puisque la publicité est censée influencer les choix des consommateurs, quel est le modèle de choix implicite derrière la сору-stratégie classique ? Quelle représentation se faisait-on de la façon dont les consommateurs font leurs choix ? La figure 1 décrit ce modèle. Celui-ci, inspiré des travaux de Fishbein, spécifie le cheminement par lequel le consommateur passe d'une étape de connaissance vague (mesurée par une question de notoriété), à la formation d'une image (mesurée par les échelles d'image), puis à une attitude (c'est-à-dire une évalua- 30 tion affective globale, une prédisposition plus ou moins favorable), une intention d'achat et enfin -si les conditions le permettent- un achat effectif. Ce modèle est cognitif : il présente la tâchede sélectioncomme résultant d'une évaluation des marques (ou candidats à l'élection etc..) sur un certain nombre d'attributs. Ces attributs sont variables en nombre, selon les marchés. Pour choisir une maison individuelle on examine plus de 15 attributs, pour choisir une moutarde trois ou quatre attributs. Chaque acheteur a ses propres attentes, sa propre hiérarchie de critères, ses propres valeurs. Certains mettent en tête le prix, d'autres la durabilité, d'autres le qu'en dira-t-on. Le consommateur est pluriel. Grâce à la communication, la publicité, la documentation, les vendeurs, le bouche à oreilles, le consommateurs se fait une idée (image) de chaque marque sur les critères qu'il retient comme pertinents. La promesse publicitaire consiste à choisir un de ces critères et à affirmer ou prouver que la marque est la meilleure sur ce critère/attribut. C'est ce que l'on appelle positionner la marque (sur un attribut particulier). Ayant par ailleurs sa propre pondération des critères, (lesquels sont très importants, lesquels le sont peu), le consommateur peut alors pondérer l'image de chaque marque par le poids/ valeur affecté à chaque attribut. De ce calcul mental inconscient, il résulte une attitude, c'est-à-dire une évaluation globale synthétique (j'aime - je n'aime pas). Il existe de nombreux travaux permettant de spécifier par quelle fonction précise le consommateur passe d'une matrice multi-marques multi-cri- tères à une note uploads/Marketing/ les-orientations-theoriques-de-la-communication-publicitaire.pdf
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- Publié le Apv 12, 2021
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