LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR PAR LE DROIT DE LA CONCURRENCE : ANALYSE CIVILIST

LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR PAR LE DROIT DE LA CONCURRENCE : ANALYSE CIVILISTE ET PRATIQUE DES POSITIONS CANADIENNE ET EUROPÉENNE Benjamin Lehaire De Boeck Supérieur | « Revue internationale de droit économique » 2016/3 t. XXX | pages 289 à 313 ISSN 1010-8831 ISBN 9782807390614 DOI 10.3917/ride.303.0289 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit- economique-2016-3-page-289.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 154.72.166.76) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 154.72.166.76) Revue Internationale de Droit Économique – 2016 – pp. 289-313 – DOI: 10.3917/ride.303.0289 LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR PAR LE DROIT DE LA CONCURRENCE : ANALYSE CIVILISTE ET PRATIQUE DES POSITIONS CANADIENNE ET EUROPÉENNE Benjamin LEHAIRE1 Résumé : L’objet de la présente contribution est de mener une recherche explo­ ratoire sur les liens entretenus par le droit de la concurrence et la protection des consommateurs dans les systèmes juridiques canadien et européen à la suite de l’introduction de la directive 2014/104 relative aux actions privées. En effet, il est généralement reconnu que le droit de la concurrence contribue à la protec­ tion du consommateur. Le droit européen de la concurrence a notamment démontré ce lien particulier entre la protection du consommateur et le droit de la concur­ rence. En cela, la récente directive européenne sur le private enforcement du droit de la concurrence et l’introduction en France d’une action de groupe en droit de la concurrence ne sont qu’un aboutissement. Cependant, la situation européenne amène à des réflexions sur ce sujet au Canada. Le droit de la concurrence doit per­ mettre au consommateur de jouer son rôle d’acteur de l’économie sans préjudice lors de ses transactions. Pourtant, ces liens ne sont pas évidents au Canada. En effet, ce pays connaît un système juridique fédéraliste et bijuridique (c’est-à-dire alliant le droit civil et la Common law) qui ne favorise pas la protection du consom­ mateur ou, à tout le moins, un rapprochement entre le droit de la consommation et le droit de la concurrence. Le présent article propose d’explorer le contexte juridique canadien qui explique cette situation afin de constater la différence d’approche entre l’Union européenne et le Canada. Plus particulièrement, s’agissant du droit civil, l’analyse du droit québécois démontre qu’il serait possible d’aller plus loin dans la protection du consommateur en utilisant pleinement le pouvoir constitution­ nel des provinces en matière de droit civil, notamment pour favoriser l’indemnisa­ tion du préjudice concurrentiel à l’image de ce qui se fait en Europe. Cette étape a été franchie dans l’Union européenne et notamment en France depuis l’introduction de l’action de groupe en droit de la concurrence français. La directive européenne 2014/104 s’inscrit également dans ce mouvement. 1. Docteur en droit, Professeur, École des sciences de l’administration, TÉLUQ, Université du Québec. L’auteur tient à remercier son assistante de recherche, Madame Nora Dagnan, étudiante à la Faculté de droit de l’Université Laval, pour son aide dans les recherches documentaires ayant abouti à cette étude. © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 154.72.166.76) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 154.72.166.76) La protection du consommateur par le droit de la concurrence 290 1 Introduction 2 La vision européenne de la protection du consommateur en droit de la concurrence 3  La protection du consommateur et le droit de la concurrence au Canada : antagonisme ou complémentarité ? 3.1 Un antagonisme constitutionnel 3.2 Une complémentarité judiciaire 4  La protection du consommateur en droit civil : regard sur les initiatives européennes, canadiennes et québécoises dans le domaine de la concurrence 4.1 La directive européenne 2014/104 et la protection du consommateur en Europe 4.2 L’avancée française en faveur des actions collectives en droit de la concurrence 4.3 L’action privée canadienne initiée par l’article 36 de Loi sur la concurrence 4.4 Les initiatives permettant la protection du consommateur en droit civil québécois 5 Conclusion 1  INTRODUCTION La protection du consommateur par la politique antitrust est le résultat d’une approche théorique de la concurrence par le législateur, mais qui n’est pas sans répercussions pratiques. Aux États-Unis, pays de naissance du droit antitrust, le débat fait rage pour savoir quels sont les objectifs du Sherman Act de 1890. En effet, selon l’école de pensée étudiée, on perçoit une conception différente du rôle du droit antitrust. Si chacun s’accorde sur le fait qu’il veut un marché robuste pour les États-Unis2, il demeure que cet objectif emprunte des chemins différents selon les auteurs. La fameuse École de Chicago et son mouvement Law & Economics sont à l’origine d’un débat intarissable3. Cette école de pensée a façonné le droit de la concurrence pendant tout le XXe siècle. Sous l’influence de Robert Bork4, ce cou­ rant de pensée estime que la politique de concurrence ne doit pas être contrai­ gnante. Selon ses adeptes, seule l’efficience économique constitue l’objectif d’une politique antitrust. Le bien-être total, c’est-à-dire le bien-être du consommateur additionné au bien-être du producteur, est l’instrument à utiliser pour observer une situation de concentration du pouvoir économique. Il en résulte que si cette concen­ tration augmente le bien-être du producteur, mais nuit au bien-être du consom­ mateur, cet état de fait n’est pas forcément négatif au regard du bien-être total. Elle valorise donc la concentration économique. Cette vision a été contredite par l’École de Harvard. Selon elle, l’efficience n’est pas l’unique objectif du droit de la 2.  E.M. Fox, « Against Goals », Fordham Law Review, 81/5, 2013, p. 2161. 3.  Voir, par exemple, J.B. Kirkwood, « The Essence of Antitrust: Protecting Consumers and Small Suppliers from Anticompetitive Conduct », Fordham Law Review, 81, 2013, p. 2425 ; R.H. Lande, « A Traditionnal and Textualist Analysis of the Goals of Antitrust: Efficiency, Preventing Theft from Consumers, and Consumer Choice », Fordham Law Review, 81, 2013, p. 2349. 4.  R. Bork, The Antitrust Paradox: A Policy at War with Itself, New York, Basic Books, 1978. © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 154.72.166.76) © De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/10/2021 sur www.cairn.info (IP: 154.72.166.76) La protection du consommateur par le droit de la concurrence 291 concurrence. Il y a de multiples buts au droit de la concurrence. La souveraineté du consommateur dans ses choix illustre ce point de vue5. En Europe, l’École de Fribourg et l’ordolibéralisme allemand ont plutôt influencé le droit de la concurrence de l’Union européenne. L’intégration des pays européens dans un marché unique6 ainsi qu’un idéal de justice au détriment de l’efficience économique comme buts de la concurrence ont gouverné les positions européennes sur la question7. La régulation de la concurrence n’est donc pas mau­ vaise aux yeux des Européens, alors que les tenants de l’École de Chicago la voient comme un problème et un obstacle à la libre concurrence. En cela, le Canada se rapproche des États-Unis. Historiquement, le Canada est favorable aux monopoles. La grandeur du territoire, combinée à une faible popu­ lation, a nécessité au XIXe siècle que certains monopoles soient accordés afin de permettre le développement économique du pays8. L’efficience économique est par conséquent un objectif assumé du droit de la concurrence canadien, et même une nécessité. Mais il présente une particularité. Au Canada, la prise en compte du consommateur dans la régulation de la concurrence est affirmée dans l’article introductif de la Loi sur la concurrence canadienne9 (ci-après la Loi ou L.c.). L’article 1.1 de la Loi dispose : « La présente loi a pour objet de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne, d’amé­ liorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d’assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie cana­ dienne, de même que dans le but d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits » [nos italiques]. L’objectif d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits démontre que la Loi cherche à réglementer l’acte de consommation10. Le droit de la concurrence canadien fait ainsi de la PME un acteur du marché qui doit pouvoir y accéder sans embûche. De plus, le consommateur doit béné­ ficier des meilleurs prix possibles. Cela a pu faire dire à la Cour suprême que 5.  N.W. 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  • Publié le Mar 23, 2021
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