HBRFRANCE.FR EXPÉRIENCE Février-mars 2016 Harvard Business Review 123 les vende
HBRFRANCE.FR EXPÉRIENCE Février-mars 2016 Harvard Business Review 123 les vendeurs du magasin et le couple n’avait aucun moyen de savoir que son père était le fondateur de Benjy’s et qu’elle-même présidait le conseil d’administration de l’enseigne de produits électroniques et d’appareils électroménagers, au chif re d’af aires annuel de 40 milliards de dollars. Elle ef ectuait une de ses visites de routine dans un des 200 points de vente de l’enseigne. Mais essayer de le leur expliquer aurait été peine perdue. « Peu importe, répondit Bertice. Mais il faut que vous ayez conscience que ce que vous faites a des conséquences. L’expérience d’achat que vous of re Benjy’s, avec tous ces produits en exposition, vous aide à décider quel modèle de téléviseur vous allez acheter. » « Et si vous commandez sur Amazon, conclut-elle avec véhémence, vous nous arnaquez, ni plus ni moins. » Le couple la regarda comme s’il s’attendait à ce qu’elle ajoute : « Je vous aurai, mes mignons, et votre petit chien aussi ! » Pris entre deux feux Bertice n’avait pas l’habitude de jouer la Méchante Sorcière. Elle avait beau s’enorgueillir de son intransigeance f nancière, il était dans sa nature d’être médiatrice. Son tempérament égal et son équité l’avaient aidée à réussir dans l’environnement essentiellement masculin qu’elle avait connu au cours de ses études – une licence d’économie option f nance et un MBA – puis dans un grand cabinet comptable dont elle était devenue la seule associée afro-américaine. La jeune femme aurait d’ici peu à exercer ses talents de médiatrice parmi les membres du conseil d’administration de Benjy’s alors qu’ils discuteraient de ce dont elle venait d’être témoin : le showrooming. Les clients comme le couple au petit chien étaient devenus monnaie courante. De plus en plus de consommateurs « On compare les prix, c’est tout », lâcha la jeune femme, caressant le terrier qu’elle tenait dans ses bras. « Mais l’application, c’est bien celle d’Amazon, non ?, interrogea Bertice. Lorsque vous aurez choisi votre modèle, vous commanderez votre téléviseur sur Amazon. » « Probablement », répondit l’homme. « Mais nous ne sommes pas le showroom d’Amazon, poursuivit Bertice. Benjy’s n’expose pas ces produits et ne paie pas les vendeurs de ses magasins pour le bénéf ce d’Amazon. Nous voulons que vous achetiez chez nous. » Ils la regardèrent, l’air ébahi. « Oh, vous travaillez ici ? », demanda la jeune femme. Bertice n’était pas vêtue comme B ertice Jenson avait peine à le croire. Quel sans-gêne ! Là, juste devant elle, dans le superstore Benjy’s d’Oklahoma City, un jeune couple pointait sans vergogne un smartphone sur un téléviseur Samsung UHD 50 pouces. Instantanément ou presque, l’application de leur téléphone mobile leur communiqua le prix du produit sur Internet. Ils répétèrent l’opération pour un téléviseur Sony et un modèle LG à LED, pendant que les Munchkins du « Magicien d’Oz » s’ébattaient joyeusement sur les trois écrans. « Excusez-moi, dit Bertice. Je sais parfaitement ce que vous êtes en train de faire. Vous ne trouvez pas ça un peu… déloyal ? » Ahuris, les deux visiteurs se regardèrent. Une chaîne de magasins «brick-and-mortar» cherche une réponse au «showrooming». par Thales S. Teixeira et Sunil Gupta Etude de cas Reconquérir les acheteurs en ligne : un pari impossible ? Thales S. Teixeira est professeur associé à la Harvard Business School. Sunil Gupta est titulaire de la chaire Edward W.Carter d’administration des entreprises et président du General Management Program à la Harvard Business School. ILLUSTRATIONS: MATTIAS MACKLER EXPÉRIENCE 124 Harvard Business Review Février-mars 2016 Farb (c’est ainsi que tout le monde appelait le P-DG) avait préparé une présentation, mais le rétroprojecteur refusait de démarrer et Ben en prof ta pour exposer son point de vue : « Il est évident que nous devons jouer à la fois l’attaque et la défense. Attaquer, en of rant des rabais plus importants à travers l’appli Benjy’s et en nous alignant sur les prix des vendeurs en ligne. Nous devons aussi convaincre un plus grand nombre de fabricants d’imposer à leurs distributeurs en ligne des prix de détail publics minimaux, de façon à ce qu’il existe un prix plancher pour chaque produit, sur Internet ou en magasin. Côté défense, ce sera un processus. Certaines tactiques élémentaires, comme la modif cation de nos codes-barres, sont sujettes à caution parce que les applications de comparaison des prix les plus récentes incorporent des logiciels de reconnaissance d’objets. Cela signif e que les consommateurs n’ont même plus besoin de télécharger les codes-barres. Il leur suf t de pointer un smartphone sur un produit. » Des murmures se f rent entendre autour de la pièce. Apparemment, certains directeurs découvraient la chose. « Mais il y a des moyens de contrecarrer les logiciels de reconnaissance d’objets, poursuivit Ben. Nous avons commencé à créer des structures d’exposition en magasin qui perturbent les applications tout en montrant les produits. Il existe des consultants spécialisés dans ce domaine. Le coût est relativement minime et le jeu en vaut la chandelle. A mon avis, il n’y a pas à hésiter, c’est la bonne tactique. » Farb réussit à croiser le regard de Bertice et lui f t comprendre que le projecteur fonctionnait. Prenant conscience qu’elle avait laissé son père dominer la discussion, elle passa la parole au P-DG. « Comme vous le savez tous, commença Farb, au début de ma carrière, j’ai travaillé plusieurs années dans le secteur de l’hôtellerie et une des raisons pour lesquelles vous m’avez recruté il y a cinq ans était l’amélioration de notre service aux clients. Cela commence par le respect de nos hôtes et de la manière dont ils aiment faire leurs achats. » venaient chez Benjy’s pour voir les produits et les étudier de près, pour ensuite passer commande auprès d’un concurrent en ligne qui, n’ayant pas à supporter la charge d’un réseau de magasins, pouvait proposer des prix discount. Des études indiquaient que 83% des personnes envisageant d’acheter un produit électronique ou un produit électro- ménager pratiquaient désormais le showrooming. Conséquence directe de cette nouvelle pratique, le chif re d’af aires de l’enseigne s’était ef ondré : les pertes du dernier trimestre s’élevaient à près de 700 millions de dollars. Le père de Bertice, Ben Jenson, et le P-DG de la société, Stanley Farber, savaient qu’il fallait réagir, mais ils n’étaient pas d’accord sur la stratégie à suivre. Ben était favorable à une approche à deux volets, qui était en train d’être mise en place dans un petit nombre de magasins : rendre le showrooming le plus dif cile possible pour les clients mais, s’ils trouvaient le produit moins cher sur le Web, s’aligner, conformément à l’éthique traditionnelle de coûts bas et de volume de l’enseigne. Le P-DG, quant à lui, souhaitait déployer une stratégie dif érente. Il pensait que Benjy’s devait se dif érencier de la concurrence en mettant en avant un mix produit soigné, la compétence des employés et le service après-vente. Après sa visite en Oklahoma, Bertice s’envola pour Atlanta où l’entreprise avait son siège, pour une réunion ordinaire du conseil. Le premier point de l’ordre du jour était le problème du showrooming et elle ouvrit la discussion, entrant dans le vif du sujet : « C’est un problème grave pour la plupart des distributeurs mais, dans l’électronique, nous sommes particulièrement touchés. Amazon s’ingénie à rendre toujours plus faciles pour les consommateurs la recherche, le repérage et l’achat d’un produit sur le Web. Nous devons décider d’une contre-of ensive. » Sunil Gupta et Thales S. Teixeira animent des études de cas sur le showrooming dans leurs séminaires sur les stratégies numériques et leurs programmes de formation pour dirigeants. Sunil Gupta nous livre son expérience sur le cas Best Buy. QU’EST-CE QUI VOUS A SÉDUIT DANS L’HISTOIRE DE BEST BUY? J’anime un cas sur Amazon et le showrooming, mais j’ai pris conscience qu’il était également intéressant d’envisager les choses du point de vue d’une chaîne de magasins traditionnelle. Si la technologie vient bouleverser votre activité, que devez-vous faire? QUELLES SUGGESTIONS FONT LES ÉTUDIANTS? S’aligner sur les prix, mettre en place des mesures contre le showrooming, améliorer le service, demander aux fabricants de créer des SKU (unité de gestion des stocks) exclusifs, se concentrer sur la mise en service et les réparations, mettre l’accent sur les gratifi cations immédiates. Mais il y a des problèmes avec ces approches. Cette étude de cas en illustre certains. QUELS ENSEIGNEMENTS SOUHAITEZ-VOUS TRANSMETTRE? Lorsque le marché change, les entreprises doivent réexaminer la manière dont elles créent et captent de la valeur. L’enseigne Best Buy manquerait-elle aux consommateurs si elle disparaissait? Oui, parce que beaucoup de consommateurs aiment voir et toucher les produits. Manquerait-elle également aux fabricants? Oui, pour ceux qui ne disposent pas d’un réseau de magasins. Donc, Best Buy crée de la valeur. Comment la capturer? En demandant aux fabricants de payer une commission pour le showrooming. Note pédagogique sur l’étude de cas Les études de cas de HBR sont basées sur des problèmes vécus par des dirigeants d’entreprise et proposent des solutions uploads/Marketing/ str-reconquerir-les-acheteurs-en-ligne.pdf
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- Publié le Oct 10, 2021
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