Concurrencedemarques oude« businessmodels »? Jean-NoëlKapferer La marque neprod
Concurrencedemarques oude« businessmodels »? Jean-NoëlKapferer La marque neproduitseseffetsqu’eninteraction avecle « businessmodel »quilasoutient. Lirepages2 et 3 Marques,slogans, produits :le cocktaildelaréussite mondiale Lirepage4 « Spywares »,logicielsespions : unmarketingintrusif JacquesNantel etAbdelMekki Berrada Les« spywares »permettentauxannonceursde suivrelesconsommateursàlatrace. Lirepage5 Uneapprocheélargiede l’innovation :combler lesvides JuanRamis-Pujol Commentnaîtets’imposeuneinnovation ? Lirepages6 et 7 Extraireets’approprier lavaleurd’uneinnovation MichelSanti,SophieReboud etFrançoisDuhamel Présentationd’un cadred’analyse stratégique permettantauxinnovateursdedéterminerle meilleurmodedevalorisation deleurs réalisations. Lirepages8 et 9 Plaidoyerpourdévelopper l’essaimagestratégique FrédéricIselin Lesdirigeantsfrançaissavent-ilsqu’ilsonttout intérêtà aideretencouragerlessalariésqui veulentcréerleurentreprise ? Lirepage10 Lesgrandspatrons etladialectiquesuccès-échec PierreMarcillat De ThomasEdison à BillGates,touslesgrands innovateursdel’histoireindustriellen’ontcessé d’invoquerl’effetrédempteurd’unéchec. Dernièrement,SteveJobsalivréun témoignage remarqué. Lirepage11 Innover,vendre,grandir SOMMAIRE − jeudi 27 octobre 2005 2 - Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 L’ART DU MANAGEMENT Concurrencedemarques oude« businessmodels »? MARCHÉS La marque fonctionne bien comme un accélérateur de croissance et un amortisseur de baisse. Mais à elle seule elle ne peut rien : elle n’est pas auto-suffisante. Elle ne produit ses effets qu’en interaction avec le « business model » qui la soutient. e monde des marques est actuelle- ment en proie à une certaine schizo- phrénie. En effet, chaque année à la même époque, «Business Week» publielavaleur des100plus grandes marques globales, avec le concours L d’Interbrand. Les chiffres tombent forts de leur précision en milliards de dollars ou d’euros. Rappelons qu’il ne s’agit pas de la capitalisa- tion boursière de ces sociétés, mais d’une estimation extérieured’undeleursactifsintangiblesmajeurs :leur marque. Defait, cesdonnées font letour dumondeet alimentent les discussions dans tous les états-majors desmultinationales,rassurés parles montantspubliés. A peine viennent-ils d’apprendre que les marques valent des milliards, que leurs directeurs du marketingconstatentlamontéerégulièredesmarques dedistributeuretdésormaisduhard-discount,lesdeux étant largement majoritaires dans le domaine dit des biens de grande consommation. Dans nos pays ma- tures,àcroissancedeconsommationnulle,onneparle plus quedela montée inexorabledu hard-discount, et de tous les acteurs fondés sur un modèle économique de type « low cost » : opérateurs téléphoniques vir- tuels, compagnies aériennes, magasins maxi-dis- compte de type Aldi, Lidl ou Ed, médicaments géné- riques.Orcesacteursnouveauxcreusentl’écartdeprix avec les marques bien au-delà de ce que la prime de marque autorise : les marques doivent donc soit bais- ser leurs prix,sans certitudedecompensationen parts demarché(l’élasticité au prix est rarement au rendez- vous),soitdépenserpluspourexpliqueroujustifiercet écart accru et, de ce fait, diminuer fortement leur rentabilité. Des entreprises notoires dont les marques sont considérées unanimement comme des stars in- quiètent en coulisse les analystes financiers en France commeàl’international.Leproblèmeestquecesdeux typesd’informations (valeurs financières des marques et recul des performances des grandes marques en parts de marché) ne coïncident pas. On ne peut en mêmetempsêtreauparadisetenenfer,oudumoinsau purgatoire. Quelleperformance attendre dela « brandequity » ? A l’ère de l’hypercompétition, que nous dit la théorie desmarquesclassiquepourluttercontrelesnouveaux acteursdits« lowcost »?Investissezencoreplussurles marques ! Innovez ! Or, non seulement ces exhorta- tions n’ont pas évité l’entrée des nouveaux acteurs, mais, en plus, cela n’a pas aidé les grandes marques à rester leader dans la plupart des marchés de grande consommation. Une première leçon est que la précision des chiffressur lavaleur financièredes marques, publiés annuellement, et leur diffusion médiatique n’attes- tent pasdeleur validité. Commele rappelle M. Nussenbaum, il n’y a pas « une mais des valeurs » de la marque. Celles-ci varient selon les butsdel’évaluation :plusoumoins optimistes, plus ou moins rassu- rantes. D’où la question posée : celle de la « fair value », qui rende compte de la performance écono- mique future réaliste de cet actif nommé marque. Qu’est-ce qu’une marque forte aujourd’hui, face au pouvoir de la grande distribution ? A trop se focaliser sur des actifs de marques fondés sur les déclarations des seuls consommateurs finaux, on ou- blie que le marketing d’aujourd’hui n’est plus «B to C », («business to consumer »), mais bien « B to B to C » («business to business to consumer »). Les meil- leures notoriétés et images de marques n’ont pas empêché Decathlon de passer en vingt ans de 0 % à plus de 50 % de produits à ses marques propres et d’espérercontinuerencore.L’évaluationdesmarques reposanttropsur laseule« brandequity»vueducôté consommateurs, négligerait alors les effets de cliquet radicaux créés aujourd’hui par la grande distribution, mais aussi par la hausse du ticket moyen publicitaire. Unemarquetrèsconnueettrèsaiméemaisqui ne permet plus de vendre avec un profit suffisant est elle vraiment une marque forte ? Intégrerlaconcurrenceentre« businessmodels » La deuxième leçon bien plus fondamentale est de prendre conscience que la marque n’est pas un actif autosuffisant. La marque fonctionne bien comme un accélérateurdecroissanceetunamortisseurdebaisse. Mais, à elle seule, elle ne peut rien : elle n’est pas autosuffisante.Elleneproduitses effetsqu’eninterac- tion avec le « business model » qui la soutient. Pourquoi la marque de dermo-cosmétique La Roche Posay peut-elle vendre plus cher que L’Oréal Paris :parcequeson«businessmodel »reposeexclusi- vementsurlaprescriptiondesdermatologues.L’Oréal Paris quant à lui fonctionne sur un « businessmodel » de R&D soutenu par une publicité massive, qui elle, même soutient des spécialités très fortes (ce sont des marques filles : Elsève, Elnet, etc.). Pour pouvoir concurrencerL’OréalParissurlesprix,partoutdansle monde, Nivea a un « business model » encore diffé- rent :Niveacapitalisesurunemarqueuniquedéclinée selon toutes les applications et cibles possibles, ce qui maximise la fidélité croisée (les acheteuses satisfaites d’unproduitsolairevontacheterundéodorant).Cette illustration démontrequ’une nécessairesegmentation des marques s’opère en fonction de la performance que permet leur «business model ». Dans les biens de grande consommation, on constatequelehard-discountàl’allemandeproposeun meilleur rapport qualité-prixque lesproduits premier prix lançéspour résister par les hypermarchés. C’est à cause de leur « business model » : les Allemands se sontlancésavecdes accordsdelongtermepassésavec un industriel de renom pour qu’il investisse dans une unité de fabrication d’un nombre très restreint de produits. Cela casse donc les prix de revient, mais le produitrestedequalité.L’hypermarché,quantàlui,est réfractaire à tout ce qui le lie à un fournisseur unique dansletemps,pourpouvoiraccentuerenpermanence sapressionsursessources, etenchangeràlapremière occasion. Il y a une différence fondamentale entre acheter de la marchandise au prix le plus bas, d’où qu’ellevienne,et créerunsystèmepourfaireproduire un produit de qualité acceptable à moitié prix par un industriel de renom. Il est donc temps de reconnaître quelagrande nouveauté desannées1990est l’appari- tion de « business models » radicalement différents, ouvrantlavoieàunevraiesegmentationparlesprixet à une spécialisation concomitante des marques. Prenons l’exempledutextile. Chacun souligne la montée extraordinaire de la marque Zara dans le monde, l’ultra-mode au prix le plus bas. Mais, pour rendre cela possible, c’est en réalité dans le mode de gestionmêmequeZaraainnové,déstabilisanttoutela concurrence à bas prix, les Promod ou Kiabi, qui fonctionnaientsurdes« businessmodels »différentset quidoncnepurents’adapter.Zarareposesurdesmini stocks tournants, une pénurie organisée comme sys- tèmede désirabilité et de retourdu client, unmagasin lieu de théâtralisation, pas de publicité, un JEAN-NOËL KAPFERER Pour lutter dans l’hyperconcurrence, il faut se comporter en stratège, c’est-à-dire intégrer la marque dans le « business model » original et performant. Jean-Noël Kapferer est professeur à HEC Paris et expert des marques. Il anime des séminaires de direction sur le management des marques partout dans le monde. Il est aussi un consultant actif sur les problèmes de marque dans tous les secteurs. Il a publié en 2005 : « Le Dirigeant et la planète consommateurs » sur la mondialisation des marques, « Ce qui va changer les marques » sur les réponses à apporter au discount. Son dernier ouvrage en anglais « The New Strategic Brand Management » (2004) est consacré à l’évolution du management de la marque dans le contexte économique, technologique et social actuel. L’hypermarché est réfractaire à toutce qui le lie à unfournisseur unique dans la durée, pour pouvoir accentuer en permanence sa pressionsur ses sources et en changer à la première occasion. Masterfile - 3 Les Echos - jeudi 27 octobre 2005 L’ART DU MANAGEMENT ENTRETIEN PROFESSEUR DE MARKETING À HEC Jean-NoëlKapferer: « Lamarqueest bien un actif, mais un actif conditionnel» Votrearticleposeaufondlaquestiondelacompatibi- litéd’unestratégiedemarqueaffirméeetduchoixdela grande distribution comme canal de commercialisa- tion.Comment,selonvous,laproblématiquemarque- grande distribution est-elle en train d’évoluer ? Noussommes eneffet entrésdans l’èredu« BtoBto C » :toutemarquequiachoisicemodededistribution doit en premier lieu réussir à convaincre un distribu- teur, avant deconvaincreunclient final. Le risqueest que,unefoiscepremierobstaclepassé,oncomptesur le distributeur pour vendre et l’on fasse moins de publicité par exemple, ce qui est de facto souvent le cas,car,unefoislesmargesarrièreprisesencompte,la partie dévolue aux médias ne cesse de se restreindre. C’est le début dela fin pour lesmarques. En effet, les distributeurs ne sont pas intéressés par les marques, mais par eux-mêmes. Ils ne voient les marques qu’au sein de leur propre stratégie de différenciation et de rentabilité. Car les distributeurs eux-mêmes sont des marques, cequi vabienau-delàdedirequ’ils vendent des « marques de distributeur ». Fondamentalement, il y a deux « business models » gagnants :le« BtoB »oule« BtoC »réel,c’est-à-dire vendreendirect auclient final. C’estlecas deDell,de toutes les marques de prêt-à-porter adossées à des franchises ou à leur propre distribution, etc. Pour résister à la logique de la grande distribution,ilfautselonnousavoirunpied ailleurs, là où se crée l’attachement à la marque. Onnecrée pasfacilement d’atta- chement aux marques dans les méga- rayons d’un hypermarché. Coca-Cola est accessible partout dans les distributeurs automatiques, chez Quick ou McDo- nald’s,danstouslescafésdumondeentier. C’est là que se tisse le lien émotionnel, expérientiel. Vous critiquez l’évaluation de la valeur des marques tellequ’elleest faiteactuellement.Avotreavis,existe- t-ilunmoyendelacorriger,oufaudrait-ill’abandonner purement et simplement ? Jesuis seulement amusépar l’attentionportéeparles états-majors aux chiffres publiés annuellement par « Business Week » en août, fondés sur des analyses extérieures du cabinet de marque Interbrand. Le verdictannueltombeavecuneprécisionquisurprend d’autantplusquelesanalysessontfaitesdel’extérieur des entreprises concernées, sans lesdonnées internes del’entreprise.Souventquelquessemainesaprèsleur publication,on a la surprise de lire dans vos colonnes que les entreprises concernées ont émis un « profit warning », car leurs résultats sont moins bons qu’an- noncé.Voicideuxinformationsbienpeuconciliables. A mon sens, seule uploads/Marketing/ sup-20051027.pdf
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- Publié le Dec 23, 2021
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