Cours : L'exploitation du fonds de commerce Auteur : Laure Merland Leçon n° 9 :
Cours : L'exploitation du fonds de commerce Auteur : Laure Merland Leçon n° 9 : L'action en concurrence déloyale Section 1. Introduction Notre système juridique est gouverné par le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, avec son corollaire, la libre concurrence (Sur cette question, Voir supra, L. Merland, La liberté de la concurrence). Aussi, le fait pour un opérateur économique de capter la clientèle d’autrui est en principe licite. Cependant, dès le XIXème siècle, la jurisprudence s’est appuyée sur l’article 1382 du Code civil pour venir protéger les honnêtes commerçants contre les pratiques déloyales de leurs concurrents. Seule une concurrence loyale méritait de prospérer. C’est donc sur le fondement de l’article 1382 du Code civil que les juges ont peu à peu dégagé de la responsabilité civile de droit commun l’action en concurrence déloyale. Le commerçant qui se prétendait vicitime d’un agissement déloyal devait rapporter la preuve d’une faute, d’une déloyauté de son concurrent, d’un préjudice concurrentiel et d’un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice. A la différence de la responsabilité civile de droit commun, l’action en concurrence déloyale allait permettre aux juges, sur ce même fondement de l’article 1382 du Code civil, d’apprécier avec plus de sévérité la faute en exigeant davantage de loyauté de la part des commerçants, et de manière plus souple le préjudice concurrentiel, la perte, ou le risque de perte de clientèle, résultant presque nécessairement de la faute ainsi caractérisée. Cette action en concurrence déloyale s’est développée puisqu’elle est aujourd’hui mise en œuvre par tout opérateur victime de déloyauté, indépendamment d’une situation de concurrence avec l’auteur de la faute. L’on considère en effet aujourd’hui que toute déloyauté à l’encontre d’un opérateur économique, qu’elle émane ou non d’un concurrent, affaiblit artificiellement l’offre, et donc, le jeu de la libre concurrence, ce qui justifie, entre opérateurs économiques, y compris lorsqu’ils ne sont pas en situation de concurrence directe, l’utilisation de l’action en concurrence déloyale pour faire cesser les agissements litigieux et réparer le trouble ainsi causé (pour une illustration récente, voir CA Versailles, 16 décembre 2004, n° 03/07711). Si, comme nous venons de le constater, l’action en concurrence déloyale s’étend à tout 1 UNJF - Tous droits réservés opérateur économique au-delà des relations de concurrence, il convient néanmoins dans cette introduction de souligner ses limites. Tout d’abord, l’action en concurrence déloyale ne concerne pas la concurrence illicite. La concurrence est dite illicite lorsqu’elle est expressément prévue par un texte de loi. A cet égard, l’exemple des droits de propriété intellectuelle est topique. Le législateur, en conférant un monopole d’exploitation au titulaire d’un droit d’auteur, d’un droit de marque ou de brevet, exclu de facto la possibilité pour tout un chacun de venir excercer une concurrence sur ces droits. La sanction de la violation de ce monopole d’exploitation est assurée par le biais de l’action en contrefaçon. L’action en concurrence déloyale et l’action en contrefaçon poursuivent ainsi des objets spécifiques. • L’action en concurrence déloyale a pour but de faire cesser la transgression d’un devoir de bonne conduite sur le marché et de réparer le préjudice subi par la victime • tandis que l’action en contrefaçon a pour objet de restaurer le titulaire d’un droit privatif dans le monopole d’exploitation qu’il a sur une création littéraire et artistique, sur une marque, sur un brevet, sur une obtention végétale, sur un logiciel ou sur des dessins et modèles (Voir G. Ripert et R. Roblot, par L. Vogel, Traité de droit commercial, t. 1, vol. 1, 18e éd., LGDJ, 2001, n°727). Ces deux actions procèdent de causes différentes et ne tendent pas aux mêmes fins. Jurisprudence : En conséquence, la jurisprudence a pu affirmer que l’action en contrefaçon n’était ni l’accessoire ni la conséquence ou le complément de l’action en concurrence déloyale (Cass. com., 22 sept. 1983, Bull. civ. IV, p. 205). Enfin, leurs sanctions sont différentes : • La contrefaçon, même si elle permet d’engager la responsabilité civile de son auteur, est susceptible de constituer un délit pénal (Voir par exemple, en matière de contrefaçon de marque, l’article L. 716-9 et s. du Code de propriété intellectuelle). • L’action en concurrence déloyale ne permet pas de mettre en cause la responsabilité pénale du défendeur, mais uniquement sa responsabilité civile (Voir infra, Les sanctions). Au demeurant, affirmer que ces deux actions sont distinctes signifie : • d’une part, qu’elles peuvent être exercées simultanément, dès lors bien évidemment que le fait générateur de concurrence déloyale est distinct de l’acte de contrefaçon (par exemple, le fait d’offrir à la clientèle des produits imitant ou copiant ceux protégés par un droit de propriété intellectuelle est un acte distinct de concurrence déloyale lorsque son auteur cherche à détourner la clientèle par la pratique de prix inférieurs du concurrent, Voir Cass. com., 18 oct. 1994, Bull. civ. IV, n°298) 2 UNJF - Tous droits réservés • d’autre part, qu’il est impossible de déduire de l’absence d’une contrefaçon, le défaut de concurrence déloyale. La concurrence est encore interdite par le législateur lorsqu’elle a pour objet ou pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence sur le marché. Le législateur prohibe ainsi les ententes anticoncurrentielles, les abus de domination ou de dépendance (sur cette question, voir items précédents). L’action en concurrence déloyale ne trouve donc pas ici à prospérer. Enfin, la concurrence, lorsqu’elle est interdite par le contrat (contrats ou clauses de non-concurrence, fréquente dans les relations d’affaires ou de travail) n’ouvre pas droit à l’action en concurrence déloyale, mais bien à l’action en responsabilité contractuelle. Jurisprudence : Voir récemment, Cass. com., 9 octobre 2001, Propriété industrielle, mai 2002, n°25, note J. Smhimdt-Szalewski, censurant l’arrêt de la cour d’appel qui avait déduit le rejet de l’action en concurrence déloyale de la nullité des modèles. L’action en concurrence déloyale ainsi délimitée, il convient d’en préciser les conditions de recevabilité, pour ensuite envisager son exercice. Section 2. Conditions de recevabilité de l'action en concurrence déloyale D'emblée, il convient de préciser que les conditions de recevabilité de l'action en concurrence déloyale sont directement liées à son fondement juridique. Celui-ci repose, même s'il est critiqué par une partie de la doctrine, sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. En savoir plus : L'application de l'article 1382 par la jurisprudence La jurisprudence vise principalement l'article 1382 du Code civil dans ses arrêts de censure, Voir par exemple, Cass. com., 25 avril 2001, JCP 2001, éd. E, n°26, p. 1099, note J-C. Fourgoux ; certains auteurs, quant à eux, attribuent un nouveau fondement à l'action, qui ne serait plus la protection des concurrents mais celle du marché, en général, dans la mesure où la clientèle commune n'est plus exigée pour sanctionner la déloyauté, sur cette question, Voir infra et plus généralement F. Dekeuwer-Défossez, Droit commercial, 7e éd., Montchrestien, 2001, n°543 ; M-L. Izorche, Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD com. 1998, p. 17.D'autres enfin, considèrent que l'action en concurrence déloyale protège aussi et plus précisément les consommateurs (Voir par exemple, M. Malaurie-Vignal, Droit de la concurrence, 2e éd., Armand Colin, 2003, n°244, citant l'arrêt qui a retenu comme fautive l'attitude de l'opérateur qui avait fait croire au public de manière fallacieuse que son produit était plus avantageux en quantité que celui de son concurrent, Cass. com., 8 nov. 1994, inédit). Il s'agit donc d'une action en responsabilité civile délictuelle dont la recevabilité est logiquement subordonnée à la preuve de la trilogie classique : 3 UNJF - Tous droits réservés • une faute • un préjudice • un lien de causalité entre ces deux derniers éléments § 1. Une faute La condamnation pour concurrence déloyale impose dans un premier temps l'existence d'une faute. Cette faute doit être prouvée, l'action en concurrence déloyale n'étant pas fondée sur une présomption de responsabilité (Cass. com., 13 mai 1997, RJDA 1997, n°1588). La jurisprudence est particulièrement attachée au respect de cette règle. Jurisprudence : A preuve, cette décision qui a récemment rappelé que la condamnation pour concurrence déloyale prononcée par le juge impose à celui-ci qu'il précise les fautes imputables à leur auteur pour caractériser les comportements répréhensibles (Cass. com., 25 avril 2001, JCP 2001, éd. E, n°26, p. 1099, note J-C. Fourgoux ; en ce sens, Cass. civ. 1ère, 18 janvier 2005, censurant un arrêt de la cour d’appel de Paris pour n’avoir pas « caractériser de manœuvre de détournement de clientèle). La faute est constituée par un agissement déloyal (pour plus de détail sur les différentes formes d'actes de déloyauté, Voir supra, L. Merland, Les comportements concurrentiels déloyaux) , un acte contraire aux usages du commerce. Elle n'est pas nécessairement intentionnelle ; la référence à l'article 1383 du Code civil en témoigne. Il peut donc s'agir d'un acte non intentionnel, comme d'une simple négligence. Jurisprudence : La jurisprudence semble cependant introduire une différence de régime entre le parasitisme et les autres actes de concurrence déloyale, dans la mesure où elle a exigé pour le premier cas une faute intentionnelle, la volonté de se placer dans le sillage d'autrui, Voir uploads/Marketing/ support-09.pdf
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- Publié le Mai 22, 2022
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