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Quarto n°4 Quarto.................................................................................................................................................................... 3 QU’EST-CE QUI FONDE UN PSYCHANALYSTE À PARLER DE LA PSYCHOSE ? Christian Vereecken............................................................................................................................................. 4 CONTROVERSE ENTRE FREUD ET JUNG À PROPOS DE LA PSYCHOSE Jean-Pierre Dupont .............................................................................................................................................. 7 SUR LA "PERTE DE RÉALITÉ" DANS LA PSYCHOSE Yves Depelsenaire............................................................................................................................................... 14 LES CONDITIONS PREMIÈRES DE LA RENCONTRE FREUDIENNE DES PSYCHOSES Paul Bercherie..................................................................................................................................................... 22 2 Accueil Cliquer Quarto SUPPLEMENT A LA LETTRE MENSUELLE DE L’ECOLE DE LA CAUSE FREUDIENNE PUBLIE A BRUXELLES L’Autre manque. Ça me fait drôle à moi aussi. Je tiens le coup pourtant, ce qui vous épate, mais je ne le fais pas pour cela. Un jour d’ailleurs auquel j’aspire, le malentendu m’épatera tant de venir de vous que j’en serai pathique au point de n’y plus tenir. S’il arrive que je m’en aille, dites-vous que c’est afin – d’être Autre enfin. On peut se contenter d’être Autre comme tout le monde, après une vie passée à vouloir l’être malgré la Loi. Lacan, 15 janvier 1980 QUARTO poursuit la tâche qu’il s’est fixé, de n’être pas une revue – reprise pour un donné à voir, mais mise en circulation, par le biais de l’enseignement et des productions du cartel, de ce que des analystes et des non-analystes donnent à entendre de leur écoute particulière. D’où la thèse, qu’il y a plus qu’une simple connivence entre la manière dont un analyste lit Freud ou Lacan et les modalités de son écoute freudienne. Aussi est-ce des malentendus de sa lecture comme de son écoute dont un analyste est appelé à témoigner ; seul, mais pas tout seul. Nul courage, ni mérite, nécessaires à cette tâche. Tous les jours se vérifie que le courage n’est qu’une économie de moyens ; on est doué ou pas, ce n’est qu’une affaire de… chromosomes. Seule compte l’exigence d’une rigueur quant à l’acte analytique. "J’ai fait le pas de le dire, dès lors irréversible." Il n’y a pas pour l’analyste de derrière-le-fauteuil. Là est l’épreuve. Outre les engagements qu’il a pris, QUARTO prépare le prochain numéro autour des deux interventions de P. Soury dans le cadre de l’enseignement de topologie. Il assurera par ailleurs la diffusion des interventions bruxelloises de E. Laurent et J.-A. Miller à propos de la constitution de l’École de la Cause freudienne. De Lacan enfin, QUARTO espère proposer à ses lecteurs la transcription de la discussion à L’École belge de psychanalyse en 1972 et les deux conférences faites aux facultés St. Louis en 1966. P.M., le 8-12-81 3 Accueil Cliquer QU’EST-CE QUI FONDE UN PSYCHANALYSTE À PARLER DE LA PSYCHOSE ? Christian Vereecken La question peut bien être posée, puisque le préjugé populaire (et je n’exclurai pas l’immense majorité du corps médical, même spécialisé, de la participation à ce préjugé) voudrait que l’affaire du psychanalyste, ce soit la névrose, la psychose (ou les psychoses) revenant de droit aux psychiatres. Depuis Bleuler, on peut même constater que l’accueil plus ou moins large que le psychiatre peut faire à certaines thèses psychanalytiques le renforce même dans l’idée que le règne des psychoses lui constitue une manière de bastion d’où résister à l’impérialisme psychanalytique ; point où il se trouve recevoir, de manière toute désintéressée, le renfort inattendu du philosophe et du sociologue, le plus progressiste n’étant pas le moins acharné à voler à son secours. Ce préjugé se dédouble pour l’ordinaire d’un autre : les névroses, éventuellement les perversions seraient des affections psychogènes, les psychoses ce serait le domaine de l’organique. La prétention du psychanalyste à rendre compte de la psychose serait dès lors équivalente à une extension indue des concepts psychogénétiques. Il faut souligner que le débat entre les "causes" physiques ou morales remonte à la plus haute antiquité, et même qu’il n’est pas absent des spéculations sur la folie que toutes les sociétés dites primitives ont élaborées (c’est le mérite d’un Georges Devereux de l’avoir montré). Eh bien ce débat multiséculaire, Lacan à d’emblée déclaré qu’il était sans objet : ce que la psychanalyse démontre c’est qu’il n’y a pas de psychogenèse. Et en effet promouvoir la détermination propre à l’ordre symbolique c’est rompre avec l’image un peu simplette que les aliénistes se faisaient de l’instance psychique, simple rationalisation des idées vulgaires qui attribuent l’éclosion d’un délire à la lecture des romans, la masturbation, les préoccupations religieuses excessives, les émotions fortes et que sais-je encore. D’ailleurs cette détermination symbolique a pour l’ordinaire été mieux saisie par des psychiatres qui se rangeaient sans équivoque ni éclectisme dans le camp des organicistes. (Clérambault en est un exemple éminent). On mesurera là la bévue qui fait voir à certains historiens une prémonition de la psychanalyse dans le soi-disant traitement moral, qui n’a jamais été autre chose que la mise en application plus ou moins autoritaire des idées prudhommesques signalées plus haut : d’où il s’avère une fois de plus que la psychanalyse n’est pas une psychothérapie. Ce que Lacan a réalisé, en suivant la trace freudienne, c’est de montrer que les psychoses appartiennent à cet ordre symbolique, fût-ce sous la forme d’une carence propre à cet ordre. Cela n’exclut nullement le moindre déterminisme biologique, si cela s’oppose à ce qu’il soit postulable à priori. Du reste il est patent que la réflexion sur les états psychotiques, la paranoïa au premier chef, est présente à l’orée même de la démarche freudienne. Dès le moment où il jetait sur le papier son "Esquisse d’une psychologie scientifique" Freud pouvait apporter cette remarque, qui va certes à contre-courant des idées reçues, que la paranoïa relève de l’incroyance. Mais je ne souhaite pas déflorer le sujet ; simplement indiquerais-je que si la démarche psychanalytique ne comprend pas une réflexion sur les psychoses (qu’elle soit accompagnée ou non d’une pratique analytique avec des psychotiques, cela n’importe guère), c’est la pratique même de l’analyse avec les névrosés qui se trouvera gravement compromise. Ainsi avons-nous entendu de la part de bonnes âmes d’Outre Atlantique, fières des grands progrès accomplis, nous faire part du soupçon que les grandes psychanalyses freudiennes aient été accomplies avec des sujets psychotiques, à moins qu’ils n’aient été prépsychotiques, borderline ou Dieu sait quoi encore. Autant de monstres conceptuels qui témoignent tout simplement de l’incapacité à opérer une distinction entre névrose et psychose, avec la tendance corrélative à réserver la cure analytique aux gens qui ne souffrent de rien. Il faut dire qu’à l’inverse de cette conception timorée, pour ne pas dire plus, la première génération des élèves de Freud s’était lancée dans une pratique assez téméraire : la course ayant été ouverte en titre de découvreur de la cure des psychotiques, nombre d’estimables personnes, voyant par là le moyen, qui de s’attirer l’amour du maître, qui de conquérir la position d’où il pourrait renvoyer le dit maître à la catégorie des vieilles barbes, se sont ébattues comme de jeunes cabris dans le champ de la clinique, appliquant à tort et à travers les catégories freudiennes sans beaucoup se soucier des prudentes réserves du fondateur. Course folle où au moins un a laissé sa peau. C’est dans ce contexte là que s’est déroulée la controverse 4 Accueil Cliquer avec Jung dont J.P. Dupont nous dira un mot tout à l’heure. Il a fallu attendre Lacan pour que la question soit reprise dans le registre qui convient : celui de la différence structurale entre psychose et névrose, à partir des catégories d’imaginaire, symbolique et réel. On sait que c’est en 1956 que, reprenant le fil d’une réflexion déjà amorcée avant même son entrée dans l’analyse, il a introduit la notion de forclusion du Nom-du-Père, dont on vous parlera abondamment cette année. Il est bien remarquable que ce soit aujourd’hui seulement que cette notion, qui n’est certes pas d’un maniement simple, soit enfin envisagée dans ses incidences cliniques avec l’attention qu’elle mérite. Car auparavant nous avions assisté à une ruée qui n’est pas sans analogies avec celle où s’étaient empressés les premiers élèves de Freud, un concours Lépine pour reprendre une expression d’Eric Laurent, dont le prix était à attribuer à la découverte de nouvelles forclusions. Je n’entre pas dans les détails. Mais je voudrais souligner ceci : la théorie lacanienne de la psychose ne peut être séparée des autres aspects de sa pensée, dont elle constitue littéralement une pierre d’angle. Il ne s’est jamais caché d’ailleurs qu’il voyait dans le fait que sa théorie étendrait aux psychoses son champ une preuve éminente de sa puissance. Allons plus loin : c’est cette théorie qui rend seule compte de ce phénomène contemporain dont nous ne saisissons pas la portée ni l’étrangeté puisque nous y baignons, je veux dire de cette extraordinaire promotion de la psychose dans l’univers culturel contemporain. On sait qu’il était de bon ton dans certains milieux, peut-être est-ce toujours le cas, de passer pour psychotique plutôt que névrosé. Mieux la question de la psychose a été mise au centre de divers débats idéologiques et politiques, au point qu’on a été mettre sur les épaules du psychotique, qui supportent pourtant un fardeau déjà assez lourd, le poids d’une mission révolutionnaire pour laquelle des agents supposés plus naturels avaient uploads/Philosophie/ 004.pdf
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- Publié le Nov 12, 2022
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