L'HOMME IMAGE DE DIEU Interprétations augustiniennes (Descartes, Pascal, Fénelo
L'HOMME IMAGE DE DIEU Interprétations augustiniennes (Descartes, Pascal, Fénelon) Laurence Devillairs Centre Sèvres | « Archives de Philosophie » 2009/2 Tome 72 | pages 293 à 315 ISSN 0003-9632 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2009-2-page-293.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. © Centre Sèvres. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, nous avons choisi de nous concen- trer sur des exemples cartésiens et post-cartésiens. Dans ce XVIIe siècle que l’on qualifie d’augustinien, la reprise du thème de l’homme comme image de Dieu se fait-elle en fidélité à l’évêque d’Hippone? Sa fonction n’est-elle que rhétorique, sans aucune portée philosophique? Nous prendrons tout d’abord appui sur Descartes, dont la conclusion de la preuve de l’existence de Dieu dans la Troisième Méditation est tout entière consacrée à une inter- prétation de cette notion de l’homme comme image de Dieu – interpréta- tion que les commentateurs ont le plus souvent considérée comme un sim- ple morceau de bravoure stylistique. Nous étudierons ensuite le traitement que Pascal effectue de cette définition de l’homme comme image de Dieu, pour constater que, paradoxalement, c’est l’auteur que l’on qualifie le plus indiscutablement d’augustinien qui donne le moins d’ampleur à cette notion. A travers ces exemples, et en y ajoutant le contrepoint que peut représenter la philosophie de Fénelon – qui nourrissait le projet d’écrire un Augustinus à opposer à l’augustinisme dévoyé de l’évêque d’Ypres – c’est ce que signifie être augustinien à l’Âge classique que nous souhaiterions pou- voir éclaircir. L’idée d’infini comme image de Dieu. Descartes La fin de la Troisième Méditation n’est pas seulement la conclusion que Descartes apporte aux preuves de l’existence de Dieu qu’il vient de formu- ler; elle est aussi un enrichissement de la Seconde Méditation, et donc un enrichissement de la connaissance de soi, une formulation plus distincte et plus claire du Cogito. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.122.193.226 - 06/07/2020 20:56 - © Centre Sèvres Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.122.193.226 - 06/07/2020 20:56 - © Centre Sèvres En effet, Descartes y montre que la connaissance de soi est indissoluble- ment connaissance de Dieu, et que la pensée, par laquelle j’ai la certitude de mon existence et la connaissance de mon essence, est toujours simultané- ment pensée de Dieu, l’acte par lequel je pense – et je pense ce que je suis – étant aussi l’acte par lequel je pense le Dieu que je ne suis pas. Nous citons le passage au long en tant qu’il contient à la fois la référence à l’homme comme image de Dieu et la proposition d’un « nouveau » Cogito: « Et certes on ne doit pas trouver étrange que Dieu, en me créant, ait mis en moi cette idée pour être comme la marque de l’ouvrier empreinte sur son ouvrage; et il n’est pas aussi nécessaire que cette marque soit quelque chose de différent de ce même ouvrage. Mais, de cela seul que Dieu m’a créé, il est fort croyable qu’il m’a en quelque façon produit à son image et semblance (ad imaginem et similitudinem), et que je conçois (percipi) cette ressemblance (dans laquelle l’idée de Dieu se trouve contenue (in qua Dei idea continetur) par la même faculté par laquelle je me conçois moi-même (ipse a percipior); c’est-à-dire que, lorsque je fais réflexion sur moi (mentis aciem), non seule- ment je connais que je suis une chose imparfaite, incomplète, et dépendante d’autrui, qui tend et qui aspire sans cesse à quelque chose de meilleur et de plus grand que je ne suis (ad majora sive meliora indefinite aspirantem), mais je connais aussi, en même temps, que celui duquel je dépends, possède en soi toutes ces grandes choses auxquelles j’aspire, et dont je trouve en moi les idées, non pas indéfiniment et seulement en puissance, mais qu’il en jouit en effet, actuellement et infiniment, et ainsi qu’il est Dieu. » 1 L’idée de Dieu n’est pas une « image » distincte de l’esprit; c’est elle qui fait que l’ego est « imago et similitudo Dei ». Penser fait de l’homme un être à l’image de Dieu: « il est très évident que cette vertu admirable et très par- faite de penser que nous concevons être en Dieu, est représentée par celle qui est en nous, quoique beaucoup moins parfaite » 2. Plus encore, c’est l’ego tout entier qui se connaît comme idée de Dieu (« il n’est pas aussi nécessaire que cette marque [l’idée de Dieu] soit quelque chose de différent de ce même ouvrage [l’ego qui a cette idée] »). La Troisième Méditation formule ainsi un Cogito que l’on pourrait qua- lifier de théologique, puisque l’ego ne se saisit que dans la pensée de l’être divin dont il est, en tant qu’idée de Dieu, l’image. Se connaître est indisso- lublement se connaître comme imago Dei: « je conçois cette ressemblance (dans laquelle l’idée de Dieu se trouve contenue) par la même faculté par laquelle je me conçois moi-même ». L’idée de Dieu permet d’unir, dans un 1. Troisième Méditation in Œuvres de Descartes, publiées par C. Adam et P . Tannery, Paris, Vrin, 1996, tome IX, page 41, abrégé [AT], suivi du tome en chiffres romains [IX] et de la page en chiffres arabes [41], pour le latin, AT VII, 51. 2. Réponses aux Cinquièmes Objections, trad. de AT VII, 372. 294 Laurence Devillairs Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.122.193.226 - 06/07/2020 20:56 - © Centre Sèvres Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.122.193.226 - 06/07/2020 20:56 - © Centre Sèvres seul et même acte d’intellection, connaissance de soi (Sum, existo) et connaissance de Dieu (Deus est). Ou, plus précisément, l’ego trouve dans la pensée de Dieu son être et sa destination véritables, puisqu’il découvre que penser, c’est nécessairement penser Dieu, dont il est à la ressemblance. C’est ce qui explique que l’idée de Dieu précède l’idée de soi-même, que la connaissance de l’infini soit antérieure à celle du fini (« J’ai en quelque façon premièrement en moi la notion de l’infini, que du fini, c’est-à-dire de Dieu que de moi-même » 3). L’ego fini est idée de l’infini, et c’est cette affirmation qui apporte la conclusion véritable à la connaissance de soi entamée dans la Seconde Méditation à travers l’expérience du Cogito, du Je suis, J’existe: « lorsque je fais réflexion sur moi, non seulement je connais que je suis une chose imparfaite, incomplète, et dépendante d’autrui, qui tend et qui aspire sans cesse à quelque chose de meilleur et de plus grand que je ne suis, mais je connais aussi, en même temps, que celui duquel je dépends, possède en soi toutes ces grandes choses auxquelles j’aspire, (…) et ainsi qu’il est Dieu. » L’ordre méditatif, imposé par notre attachement viscéral au sensible et à nos anciennes opinions 4, a séparé ce que l’ordre de la connaissance vraie demande de rassembler en une même intuition 5: le Cogito et Dieu. C’est à cette intuition simultanée de soi et de l’infini divin que doit tendre l’exer- cice métaphysique de méditation: « … en s’arrêtant assez longtemps sur cette méditation [i. e. l’âme est un être ou une substance qui n’est point corporelle, et sa nature n’est que de penser], on acquiert peu à peu une connaissance très claire, et pour ainsi parler intui- tive, de la nature intellectuelle en général, l’idée de laquelle, étant considérée sans limitation, est celle qui nous représente Dieu » 6. C’est « en même temps » (simul etiam) que je me connais comme chose qui pense et comme pensée ou idée de Dieu. C’est par une unique opération 3. AT IX, 38. 4. « Car ces anciennes et ordinaires opinions me reviennent encore souvent en la pensée, le long et familier usage qu’elles ont eu avec moi leur donnant le droit d’occuper mon esprit contre mon gré, et de se rendre maîtresses de ma créance », AT IX, 17. 5. « Par intuition j’entends, non point le témoignage instable uploads/Philosophie/ aphi-722-0293.pdf
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- Publié le Jui 28, 2022
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