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Sommaire l Page 2 : Apprendre à parler et à se construire l Page 11 : Comment apprendre avec l’oral ? l Page 27 : Bibliographie 1/32 Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral n° 117 Avril 2017 Dossier de veille de l’IFÉ « L’acte de parole est aussi un lieu d’inven­ tion du savoir » (Wacquet, 2003) L’enseignement de la langue en France, aujourd’hui encore au cœur de débats sur la place de la grammaire et de l’orthographe, a été marqué par plusieurs décennies de poli­ tiques linguistiques-éducatives qui ont donné à la langue écrite ses lettres de noblesse, lais­ sant peu de place à l’enseignement du langage oral. Les problématiques liées à l’oral resur­ gissent parallèlement aux constats de crises que traverse régulièrement l’École, générale­ ment liées aux tensions sociales qui remettent en questions les finalités de l’enseignement. Néanmoins, que ce soit l’institution, la socié­ té, les chercheur.se.s et les praticien.ne.s, tou.te.s s’accordent à dire que la maitrise du langage est une priorité sur laquelle s’édi­ fie l’ensemble des apprentissages. L’oral est également un puissant marqueur social qui va jouer un rôle déterminant dans la réussite de l’élève. La maitrise des compétences orales et des habilités de communication est un véri­ table instrument de pouvoir et d’ascension so­ ciale. Dans son rapport sur l’école innovante, le Conseil national de l’innovation pour la réus­ site éducative (CNIRE) souligne la prépondé­ rance de la maitrise des compétences ora­ toires dans le milieu scolaire et dans la société en général. Les compétences orales sont sé­ lectives dans un grand nombre de domaines de la vie quotidienne et professionnelle et leur apprentissage est un enjeu déterminant pour l’égalité des chances (CNIRE, 2016) l. Un des rôles de l’école est de permettre aux élèves de maitriser des registres de langages adaptés aux situations et contextes auxquels ils sont confrontés. Les jeunes enfants apprennent à parler spontanément mais l’École est chargée de transmettre le « langage légitime », celui de la culture scolaire et des savoirs savants. Il leur faut donc un processus de réappropria­ tion de la langue au fur et à mesure de leur scolarité. La maitrise de la parole et l’analyse des genres oraux sont les enjeux de la didac­ tique de l’oral qui fait du langage une branche de la discipline. L’oral scolaire recouvre dès lors deux dimensions : un savoir à maitriser et un outil éducatif. L’oral n’est toujours pas perçu comme un savoir à maitriser pour lui- même mais comme « un préalable au service de la culture scolaire » (Langlois, 2012). JE PARLE, TU DIS, NOUS ÉCOUTONS : APPRENDRE AVEC L’ORAL Par Marie Gaussel Chargée d’étude et de recherche au service Veille et Analyses de l’Institut français de l’Éducation (IFÉ) Toutes les références bibliographiques dans ce Dossier de veille sont accessibles sur notre bibliographie collaborative. l Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral 2/32 Nous aborderons d’abord dans ce dossier les relations entre le langage et la construc­ tion de la pensée, la façon dont l’expres­ sion orale conditionne les apprentissages et les enjeux liés à l’oral pour l’adaptabilité sociale et la réussite scolaire. Nous verrons ensuite la place des activités langagières dans l’enseignement et ce que peut être une didactique de l’oral. APPRENDRE À PARLER ET À SE CONSTRUIRE Le langage est un processus biologiquement déterminé mais la mise en fonctionnement du langage s’effectue au-delà des fonctions biologiques en relation avec les interactions et le contexte extérieur. Le développement du langage, conçu comme un acte indivi­ duel, est tributaire d’actes sociaux en ce qui concerne la transmission. L’élaboration du langage est une construction sociale qui dé­ passe le cadre des interactions en dévelop­ pant des savoirs et des connaissances dans une société donnée. LA RELATION LANGAGE - PEN­ SÉE La fonction langage présente dès la nais­ sance s’actualise au contact de la langue parlée par le groupe auquel l’enfant appar­ tient. Au fur et à mesure du développement de l’enfant, le langage permet une structu­ ration de la pensée de plus en plus abs­ traite menant à la formation de concepts. C’est le langage qui permet d’exploiter le potentiel cognitif et le fonctionnement de la pensée. Les jeunes humains possèdent des capacités innées qui les prédisposent à parler mais qui nécessitent d’apprendre la manière de les utiliser. Il existe donc une interaction entre le linguistique et le cognitif liant constitution de la pensée et relations so­ ciales (Canut, 2009). Les enfants utilisent le langage pour communiquer avec leur entou­ rage proche, ils en ont besoin pour obtenir ce qu’ils désirent dans leur contexte culturel. Pour Bruner, le langage est le moteur de la transmission de la culture (Bruner, 1996). La syntaxe est un élément primordial dans le processus d’apprentissage du langage, « l’apprendre à parler ». Le fonctionnement syntaxique, plus que lexical ou morpholo­ gique, permet d’organiser le discours et de soutenir la pensée en : − évoquant des évènements de façon abstraite et les situant dans le temps et l’espace ; − exprimant des relations logiques et en articulant des raisonnements (Canut, 2009). La langue n’est pas un catalogue de mots, ce sont les phrases qui permettent aux enfants de mettre le langage en fonction­ nement. Apprendre à parler est un pro­ cessus sociocognitif complexe qui né­ cessite un long apprentissage dépendant des interactions avec les adultes. Il faut qu’ils aient suffisamment de « nourriture langagière » adéquate permettant l’appro­ priation du fonctionnement de la langue. Ils doivent s’approprier les données lan­ gagières présentes dans les discours des adultes de façon cognitive. Il ne s’agit pas juste d’une imitation du discours de l’adulte mais d’un processus interactionnel. « Si l’offre langagière de l’adulte n’est pas adé­ quate, il peut alors exister un réel décalage entre le potentiel cognitif et les réalisations langagières de l’enfant » (Canut, 2009). « Dans le cadre familial, certains parents réalisent intuitivement des interactions adaptées qui font avancer leur enfant dans l’apprentissage du langage. Dans le cadre scolaire, pour avoir des interactions efficaces, il ne faut pas compter sur cette intuition aléatoire : il faut «conscientiser » sa démarche, ce qui implique une écoute particulière, non naturelle, puisqu’elle se focalise plus sur la forme des énoncés que sur le contenu. C’est ce que l’on appelle l’entraînement au langage » (Canut, 2009). Apprendre à parler pour ensuite apprendre à lire et à écrire L’hypothèse d’un lexique mental (Treisman, 1960), comme un ensemble 3/32 Dossier de veille de l’IFÉ • n° 117 • Avril 2017 Je parle, tu dis, nous écoutons : apprendre avec l’oral de connaissances stockées en mémoire (estimé en moyenne à 60 000 mots), a été remise en question dans les an­ nées 1990 par les modèles connexion­ nistes qui estiment que le système de connaissances lexicales n’est pas isolé, mais configuré en fonction des activa­ tions entre les unités orthographiques, morphologiques et phonologiques d’un mot. Ces approches se nourrissent des recherches sur la plasticité des cir­ cuits cérébraux (Gaussel & Reverdy, 2013). Pour Oakhill et Cain, ce sont les habiletés du langage oral qui présup­ posent des capacités de compréhen­ sion écrite. Les corrélations entre com­ préhensions orale et écrite évoluent en fonction de l’âge du lecteur et de la complexité des textes (Oakhill & Cain, 2007). Il y aurait intérêt à croiser des savoirs issus de la psycholinguistique développementale et de la didactique pour une meilleure prise en compte des processus d’apprentissage et du traite­ ment des savoirs enseignés. Repérer les étapes développementales obser­ vées sur les enfants de maternelle per­ met de réfléchir à la question de l’inté­ gration des savoirs dans l’ensemble de la dynamique de développement. L’en­ fant doit apprendre à échanger, à prati­ quer les diverses fonctions du langage oral, à apprendre, à comprendre et se faire comprendre et connaitre le fonc­ tionnement du langage (création d’une conscience métalinguistique). « Le lien entre didactique et acquisition est fondé sur les connaissances stockées en mémoire et les processus socio- cognitifs que développe l’enfant pour acquérir sa langue. Nous supposons que la connaissance sur ce type d’éléments pourrait aider à envisager de nouvelles démarches didactiques. Visi- blement, elles pourraient être tournées vers une importance plus accrue d’un bain linguistique dense et varié basé sur un contact récurrent d’items et de structures lexicales » (Chabanal, 2011). Ce travail sur l’oral (manipulation des sons, des rythmes, des intonations, des structures langagières) et la prise en compte de l’organisation syntaxique et morphologique favorisent un apprentis­ sage ultérieur de l’écrit (Chabanal, 2011). Les enfants apprennent seuls, de manière implicite, par la simple exposition à la langue, un premier niveau de langage, « le niveau des usages ». Mais ils ap­ prennent par enseignement un second niveau, « celui des normes et des conven­ tions ». Un troisième niveau, la « descrip­ tion scientifique des faits de langue », est quant à lui généralement abordé au ni­ veau universitaire (Tricot, 2005). L’articu­ lation uploads/Philosophie/ 117-avril-2017.pdf

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