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Tous droits réservés © Société de philosophie du Québec, 2001 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 30 jan. 2022 07:56 Philosophiques Wittgenstein et les conditions d'une communauté linguistique Denis Sauvé Volume 28, numéro 2, automne 2001 URI : https://id.erudit.org/iderudit/005679ar DOI : https://doi.org/10.7202/005679ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Société de philosophie du Québec ISSN 0316-2923 (imprimé) 1492-1391 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Sauvé, D. (2001). Wittgenstein et les conditions d'une communauté linguistique. Philosophiques, 28(2), 411–432. https://doi.org/10.7202/005679ar Résumé de l'article Pour certains interprètes des Recherches philosophiques , Wittgenstein souscrit à l'idée que l'emploi d'un langage est une institution sociale et que suivre une règle est nécessairement une pratique partagée ; d'autres estiment au contraire — à mon avis avec raison — qu'il admet la possibilité d'un langage parlé par un seul individu (à la condition qu'il ne soit pas « privé ») et des règles non communes. Je défends l'interprétation selon laquelle la question importante dans les Recherches n'est pas tellement de savoir si un idiolecte est possible (ou s'il peut y avoir des règles suivies par un seul individu) que de savoir ce qui découle, pour nos concepts (entre autres) de signification, de compréhension linguistique et de « suivre une règle », du fait que la communication verbale soit — comme c'est normalement le cas — une pratique commune. PHILOSOPHIQUES 28/2 — Automne 2001, p. 411-432 Wittgenstein et les conditions d’une communauté linguistique DENIS SAUVÉ Cégep de Saint-Hyacinthe RÉSUMÉ. — Pour certains interprètes des Recherches philosophiques, Wittgens- tein souscrit à l’idée que l’emploi d’un langage est une institution sociale et que suivre une règle est nécessairement une pratique partagée ; d’autres estiment au contraire — à mon avis avec raison — qu’il admet la possibilité d’un langage parlé par un seul individu (à la condition qu’il ne soit pas « privé ») et des règles non communes. Je défends l’interprétation selon laquelle la question importante dans les Recherches n’est pas tellement de savoir si un idiolecte est possible (ou s’il peut y avoir des règles suivies par un seul individu) que de savoir ce qui découle, pour nos concepts (entre autres) de signification, de compréhension linguistique et de « suivre une règle », du fait que la communication verbale soit — comme c’est normalement le cas — une pratique commune. ABSTRACT. — According to some interpreters of the Philosophical Investiga- tions, Wittgenstein thinks that language-use is a social institution and that rule following is a shared practice. Others hold the opposite view and rightly so. They argue that Wittgenstein thinks there could be a language which is spoken by only one individual (provided it is not private) and unshared rules. In this paper I defend the following interpretation : The important question raised in the Investigations is not whether or not an idiolect is possible (or whether or not there could be unshared rules), it is rather what follows with respect to our con- cepts of meaning, understanding and rule-following from the fact that verbal com- munication is indeeed (normaly) a shared practice. Wittgenstein fait dans le premier tiers de ses Recherches philosophiques (PU §§ 1-242) une série de remarques importantes sur la signification, la compré- hension linguistique, l’explication du sens et le concept de « suivre une règle ». La difficulté de ces passages, comme de l’ensemble des Recherches, vient de ce qu’il n’indique pas toujours clairement les connexions entre ses différentes remarques et, surtout, qu’il dit peu de choses sur leur direction d’ensemble. Je défendrai l’interprétation suivante : une question à laquelle il tente de répondre dans ces passages — peut-être la question principale — est celle des conditions de possibilité d’une communauté linguistique, autrement dit la question : « Comment la communication verbale entre usagers d’une même langue est-elle possible ? » Si cette interprétation est correcte, une lec- ture du type de celle de Kripke (par exemple) ne nous donne pas une image exacte de ce que Wittgenstein se propose de faire dans les Recherches. La solution du « paradoxe sceptique » que l’on trouve selon lui dans les Recher- ches entraîne l’impossibilité d’un langage parlé par un seul individu : il n’y a pas de langage qui ne soit commun à plusieurs locuteurs1. (Hacker et Baker 1. Kripke, Saul, Wittgenstein on Rules and Private Language, Oxford, Blackwell, 1982, p. 109. 412 · Philosophiques / Automne 2001 ont soutenu au contraire qu’un langage que parlerait un seul individu est possible d’après Wittgenstein à la condition qu’un autre puisse le compren- dre). Mon interprétation diffère de celle de Kripke au moins sur ce point : la question importante pour l’auteur des Recherches n’est pas tant de savoir si un langage est nécessairement partagé (une question dont je ne traiterai pas ici2) que de savoir ce qui découle, en ce qui concerne nos idées sur la signifi- cation et la compréhension, du fait que le langage que nous (les êtres humains) parlons soit un langage partagé3. Ce qui suit se divise en quatre sections : (i) La première expose la réponse donnée dans les Recherches à la question : « En quoi la signification doit-elle consister pour que la communication soit possible entre utilisateurs d’une même langue ? » L’idée centrale des premiers paragraphes (PU §§ 1 à 25) est que la signification d’un mot est son « usage » ou son « rôle » dans des « jeux de langage ». (ii) Le critère de la compréhension d’un mot chez un locuteur est l’usage qu’il en fait : la façon dont il « opère » avec le mot est constitutif de sa compréhension. La deuxième section cite trois objections qu’adresse Wittgenstein au tenant du mentalisme qui estime que la compré- hension est plutôt de l’ordre de choses « cachées » dans l’esprit des locuteurs. (iii) Les paragraphes 65 à 88 traitent du problème que posent quant à la pos- sibilité d’une signification commune plusieurs expressions des langues natu- relles n’ayant pas un usage fixe et clairement défini ou dont l’emploi n’est pas « partout circonscrit par des règles ». Le problème, dont il est question dans la troisième section, est celui de savoir comment une compréhension com- mune de ces expressions est possible et, en particulier, comment on peut en expliquer (ou communiquer) le sens. (iv) Enfin, la dernière section traite du « paradoxe » au sujet du concept de « suivre une règle » (PU §§ 185-242). Si, comme le pense Wittgenstein, il existe toujours plus d’une façon de com- prendre ou interpréter une règle d’usage (ce que je montre dans les deux pré- cédentes sections), on peut se demander en quoi va consister son application correcte. C’est l’interlocuteur, dans les Recherches, qui soulève le problème mais, quoique Wittgenstein s’objecte à la formulation que ce dernier en 2. Voir cependant ci-dessous, note 20. 3. Les abréviations pour les références aux écrits de Wittgenstein seront les suivantes : T pour Tractatus Logico-Philosophicus, Londres : Routledge and Kegan Paul, 1961 ; PU pour Philosophische Untersuchungen (Recherches philosophiques), éd. due aux soins de G. E. M. Anscombe et de R. Rhees, Francfort : Suhrkamp, 1969 ; BB pour The Blue and the Brown Books, Oxford : Blackwell, 2e éd., 1969 ; WLC pour Wittgenstein’s Lectures, Cambridge 1932- 35, éd. due aux soins de A. Ambrose, Chicago : University of Chicago, 1982 ; Z pour Zettel (Fiches), éd. due aux soins de G. E. M. Anscombe et de G. H. von Wright, Berkeley et Los Angeles : University of California Press, 1967 ; ÜG pour Über Gewissheit (On Certainty) éd. due aux soins de G. E. M. Anscombe et de R. Rhees, New-York : Harper and Row, 1969 ; BGM pour Bermerkungen über die Grundlagen der Mathematik, éd. due aux soins de G. E. M. Anscombe, de R. Rhees et de G. H. von Wright, Francfort : Suhrkamp, 1989 ; WLFM pour Wittgenstein’s Lectures on the Foundations of Mathematics, Cambridge 1939, éd. due aux soins de C. Diamond, Chicago : University of Chicago Press, 1976. Wittgenstein et les conditions d’une communauté linguistique · 413 donne (parce que, dit-il, il commet un « malentendu »), il parle bien de « notre paradoxe ». Je présente dans cette section la « solution » qu’offre Wittgenstein à ce problème, une solution qui, je pense, présente une certaine similitude avec une « solution sceptique » au sens de Kripke4. 1. La signification en tant qu’« usage dans le langage » Un passage des Recherches met en opposition deux approches de la communication : [...] nous sommes tellement habitués à la communication par le langage dans une conversation qu’il nous semble que uploads/Philosophie/ wittgenstein-et-les-conditions-d-x27-une-communaute-linguistique 1 .pdf

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