Au-delà du "Principe de réalité"1 1936 Jacques Lacan Les écrits - 1966 Ed. du S

Au-delà du "Principe de réalité"1 1936 Jacques Lacan Les écrits - 1966 Ed. du Seuil P72 AUTOUR DE CE PRINCIPE FONDAMENTAL DE LA DOCTRINE DE FREUD, LA DEUXIÈME GÉNÉRATION DE SON ÉCOLE PEUT DÉFINIR SA DETTE ET SON DEVOIR. §1 Dans les années 30, la psychanalyse attirent les psychiatres et psychologues moins par un choix mûri que du fait d’une discordance face au discours établi. Cela implique d’analyser la route suivi par ce qu’il d’appeler la deuxième génération analytique. P73 I. LA PSYCHOLOGIE SE CONSTITUE COMME SCIENCE QUAND LA RELATIVITÉ DE SON OBJET PAR FREUD EST POSÉE, ENCORE QUE RESTREINTE AUX FAITS DU DÉSIR Critique de l'associationnisme2. §2 La révolution freudienne se mesure par rapport au discours psychologique ambiant dont le contenu s’apprécie à la lecture des textes qui en ont résulté. Nous verrons que cette psychologie, qui se prétendait scientifique, manquait d’objectivité et de matérialisme3 contrairement à ce qu’elle prétendait, ce qui fait qu’elle n’était pas positive. §2 Cette psychologie repose sur une conception associationniste du psychisme et reprend des notions psychiques comme sensations, perceptions, images, croyances, opérations logiques, jugements… P74 issues de la toute la tradition philosophie qui repose sur la recherche par l’homme d’une garantie de vérité pour l’élaboration de ses connaissances. Une telle démarche n’a donc rien de positif, la réinterrogation des concepts de base d’une science ne se faisant toujours que tardivement. 1 J. Lacan, "Au-delà du principe de réalité", L’évolution psychiatrique, 1936, n°3, repris in Ecrits, coll. Points Essais, T1, P72, Seuil, Paris, 1966, 572P. 2 Associationnisme : thèse philosophique concernant l'esprit et la connaissance. Fortement liée à l'empirisme, elle prétend expliquer par l'association des idées toutes les opérations intellectuelles, tous les principes de la raison et même tout l'ensemble de la vie mentale. Pour Aristote, les conséquents suivent leurs antécédents, soit par une consécution nécessaire, soit par habitude, ce qui a lieu le plus souvent. Dans la consécution qui naît de l'habitude, le conséquent est : 1 semblable à son antécédent, ou 2 contraire (loi de contraste), ou 3 il a été perçu en contiguïté avec lui. Or il semblerait à première vue que le raisonnement échappe à l'association automatique des idées, dans la mesure où il est perçu par la conscience comme étant essentiellement un effort de réflexion volontaire. Les critiques adressées à la théorie associationniste portent sur le principe de causalité. 3 Matérialisme scientifique : forme historique et radicale de matérialisme apparu en Allemagne au milieu du XIXe siècle et associée au développement des sciences et à la naissance de la biologie moderne. Le matérialisme scientifique défend une vision générale du monde fondée sur l'idée d'évolution et censée reposer sur les connaissances issues des sciences de la nature. Pour ses partisans, le monde est régi par des forces exclusivement physiques et est constitué uniquement d'entités matérielles qui sont telles que les sciences de la nature les décrivent. 505883971.odt 04/06/2019 1 §2 L’associationnisme avait des origines métaphysiques qui l’amenait à confondre la "fonction du réel" avec la "fonction du vrai". §3 Cette théorie reposait sur deux principes : l’un, mécaniste, l’engramme4 ; l’autre, qu’on croyait par erreur reposer sur l’expérience, les liaisons associatives des phénomènes mentaux. L’engramme, qui dans une conception atomiste5 est un élément psycho-physique créé passivement (et automatiquement par l’organisme), a fait ignorer à ses chercheurs malgré les données de l’expérience la participation active du sujet à l’organisation de la forme. P75 §2 Le deuxième concept , la liaison associative, est fondée sur l’expérience du vivant mais est étendu aux phénomènes mentaux sans se poser de question sur ce concept de similitude pourtant si délicat à analyser en lui-même. Dire que les principes similaires s’associent parce qu’ils sont similaires n’explique rien et rend caduque tout ce qui relève de la phénoménologie. §3 Mais pourquoi une telle carence dans une théorie qui se veut objective ? §4 C’est qu’on reconnaît sous les deux concepts fondamentaux (de l’associationnisme : l’engramme, voir P74, §3, et la liaison associative, voir P75, §2) le problème philosophique de la connaissance où l’empirisme6 considère que la sensation pure, par opposition à l’esprit pur, est le moment vrai de la connaissance7. P76 §1 C’est la conception de l’engramme (voir P74, §3) qui aveugle ces chercheurs et la liaison associative véhicule une connaissance idéaliste §2 alors que la théorie se veut matérialiste. Taine8 déjà avait relevé a contradiction : les mécanisme mentaux supérieurs sont réduits à des complexes réactions élémentaires mais qui ne peuvent être différenciés que par des fonctions supérieures. §3 Soumis ainsi à des critères de vérité, cette théorie échoue ainsi à l’étude objective des phénomènes et en appauvrie le sens. §4 Ainsi elle ne voit dans l’hallucination, comme la tradition philosophique, qu’une erreur des sens. §5 Quant à l’image, P77 dont la fonction, complexe, peut interagir avec un évènement, une impression ou l’organisation d’une idée, est réduite par ce courant à l’engramme c’est à dire à la trace de l’écho d’une sensation affaiblie considéré comme un témoin peu sûr de la réalité. Cela9 résulte moins d’une vision métaphysique que d’un appauvrissement de la notion d’image. §2 Il en est ainsi pour un grand nombre de phénomènes psychiques tenus pour des épiphénomènes ne signifiant rien et notamment ceux dépendant d’un certaine intention du sujet. §3 Cette théorie réduit donc à deux types les phénomènes psychiques : d’une part les opérations de connaissance rationnelle qui sont expliquées en ternes associationnistes et, d’autre part, le 4 Engramme : trace, empreinte laissée dans le cerveau par un événement passé et susceptible de reviviscence; souvenir. 5 Atomisme : conception d'après laquelle les états de conscience complexes se résoudraient en des agrégats d'états élémentaires, comme les corps en molécules et les molécules en atomes. 6 John Locke : philosophe anglais (1632 - 1704). Il a vécu à une époque charnière qui voit la fin des guerres de religion, les débuts du rationalisme et une forte opposition à l'absolutisme en Angleterre. Ses écrits sur la tolérance ne peuvent être disjoints d'une période où s'opère un profond réajustement des champs politiques et religieux où le politique s'occupe du monde présent et la religion s'occupe du monde de l'au-delà, les deux ne devant pas interférer. Sa théorie politique s'oppose à l'absolutisme et fonde la notion d'"État de droit". Il considère que l'expérience est à l'origine de la connaissance et rejette la notion d'idées innées soutenue par Descartes (1596 – 1650). Sa théorie de la connaissance est qualifiée d'empiriste. 7 Nihil erit in intellectu quod non prius fuerit in sensu : rien ne sera dans l'intellect qui n’aura été d'abord dans le sens. Nisi intellectus ipse : si ce n'est l'intelligence elle-même. 8 Hippolyte Taine : philosophe et historien français (1828 – 1893). 9 Polypier : squelette calcaire ou corné sécrété par les polypes (tumeur molle, charnue ou fibreuse, qui se développe dans les cavités revêtues d'une muqueuse). 505883971.odt 04/06/2019 2 reste – sentiments, croyances, délires, assentiments, intuitions, rêves – qui doivent, malgré leur apparence, P78 s’expliquer en termes organiques. §2 Les phénomènes psychiques n’ont donc pas de réalité propre. Seul ce qui ressort des sciences physiques et des sciences naturelles est vrai, le reste n’est qu’illusoire. La psychologie dans cette perspective n’a pour fonction que de vérifier que les phénomènes psychiques se réduisent bien aux processus de connaissance de ces sciences. La psychologie étant réduite dans ces conditions à vérifier la véracité des processus de connaissance des sciences physique et naturelles, ne peut être elle-même une science. Vérité de la psychologie et psychologie de la vérité. §3 Si la science peut avoir à connaître de la vérité, il n’en reste pas moins vrai que la quête de la vérité est de l’ordre du spirituel, de la morale10 §4 mais nullement de la science. La vérité ne peut être l’objet propre de la science bien qu’elle puisse en étudier la valeur. §5 Dans la physique et les mathématiques d’ aujourd’hui que reste-t-il de la certitude P79 mystique, de l’évidence philosophique et de la non contradiction du rationalisme ? Le savant ne se demande pas si l’arc-en-ciel est vrai, il s’attache à le communiquer par un quelconque langage, l’enregistrer expérimentalement et le symboliser rationnellement. §2 La prodigieuse fécondité des mathématiques leur attribua11 l’idée de vérité et leur prestige les associa à l’évidence. Cela donna le scientisme qui perd de vue le réel qui échappe à la science. La psychologie associationniste fut victime de cette attitude. §3 Cette attitude atteint même les médecins qui méprisent la réalité psychique12. Face à cette attitude c’est un médecin, Freud, qui s’attacha à renouveler l’étude P80 et à donner une approche positive de la réalité psychique. Révolution de la méthode freudienne §2 Le premier signe qui manifeste que Freud se soumet au réel, c’est que, constatant que la majeur partie des phénomènes psychiques sont liés à une relation sociale, il s’appuie sur le témoignage des patients. §3 Les médecins rejettent13 ce que disent les patents parce que le psychologique était assimilé à de l’imaginaire au sens d’illusoire qui ne devait être pris en considération que si un symptôme réel (organique) est présent. uploads/Philosophie/ 2-2audelaprinciperealite.pdf

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