Revue généraliste des travaux de recherches en éducation et en formation CONSTR
Revue généraliste des travaux de recherches en éducation et en formation CONSTRUCTION D’UNE PROFESSIONNALITE EN EDUCATION L’enseignement du français en contexte scolaire hétérogène. Pour un renouvellement des repères didactiques traditionnels EL-KAROUNI Salima Numéro 7– Année 2012 pp.149-165 ISSN Format électronique : 1760-7760 © Recherches et Educations . Tous droits réservé. Paris- France- 2013 PERMALIEN http://rechercheseducations.revues.org/1435 POUR CITER CET ARTICLE EL-KAROUNI Salima, « L’enseignement du français en contexte scolaire hétérogène. Pour un renouvellement des repères didactiques traditionnels », Recherches & Educations, n°7, octobre 2012, pp.149-165, [en ligne], http://rechercheseducations.revues.org/1435 (consulté le …) 2 Numéro 7 – Octobre 2012 L’enseignement du français en contexte scolaire hétérogène Pour un renouvellement des repères didactiques traditionnels Salima El Karouni Université de Louvain-la-Neuve, Belgique, CRIPEDIS pp.149-165 Comment enseigner le français à des élèves dont les connaissances sont, de ce point de vue, insuffisantes ? Telle est la question qui traduit l’inquiétude de nombreux professionnels de l’éducation. Dans le cadre de notre recherche doctorale (El Karouni, 2010), nous avons voulu apporter notre contribution à la compréhension des difficultés d’enseignement en contextes scolaires hétérogènes, lesquels se caractérisent par une fréquentation croissante d’élèves catégorisés comme « issus de l’immigration ». La situation scolaire de ces élèves en Belgique - notamment en ce qui concerne leurs compétences en français - est préoccupante, ainsi que l’illustrent divers indicateurs émanant d’enquêtes (inter)nationales d’envergure (PISA 2003, OCDE 2006, e.a.). Dans ce contexte, nous nous sommes intéressée au traitement des objets de savoir inscrits dans le curriculum du cours de français lorsque leur enseignement s’adresse à des populations scolaires différenciées sur le plan socioculturel. Nous avons ainsi examiné comment les enseignants de français gèrent la transmission de la norme linguistique en regard des ressources linguistiques disponibles. Plus précisément, nous avons formulé l’hypothèse que les représentations du corps enseignant à propos de la situation sociale globale des élèves - notamment leur appartenance ethnique et leur profil sociolinguistique - ont des effets sur le processus d’enseignement / apprentissage en classe de français et constituent un mode de compréhension des difficultés qui l’entravent. Dans le cadre de cet article, nous souhaitons illustrer cette relation en analysant le choix déclaré de l’affiliation didactique par des enseignants en contexte écologique. Avant d’examiner ces pratiques d’enseignement sous cet angle, nous allons dans un premier temps discuter des repères qui prévalent dans l’organisation de l’enseignement / apprentissage du français sur la base d’une revue synthétique de la théorie existante. Discussion théorique Vers un décloisonnement des catégories traditionnelles FLM, FLS et FLE Le français langue maternelle (FLM) Dabène (1994) précise que la langue maternelle (LM) est un concept ambigu. Bien que cette notion apparaisse de premier abord évidente - tout individu ne possède-t-il pas une LM qui constitue un des traits de son identité ? -, elle jugule une série d’ambiguïtés qui rendent son usage malaisé, voire problématique. Parmi les critères qui émergent lorsque l’on parle de LM, le premier est celui qui, s’appuyant sur l’étymologie, renvoie à la langue parlée par la mère ou par l’environnement parental immédiat. Un autre critère, lié au premier, est l’antériorité d’appropriation, plaçant la LM en première place dans l’ordre d’acquisition. Le 3 Numéro 7 – Octobre 2012 locuteur dit ainsi natif est supposé dans le même temps faire preuve d’un niveau supérieur de compétence. C’est là le troisième critère. Autre paramètre constitutif de la LM est son mode d’acquisition, qualifié de naturel, c’est-à-dire que l’on apprend sans s’en rendre compte. Ces critères ne résistent pas à l’analyse puisqu’on rencontre des cas où les locuteurs non natifs ont une compétence supérieure au natif ainsi que des cas où l’enfant ne parle pas la langue de sa mère ; de même, l’entourage familial, comme guide de l’apprentissage, et les apprentissages « sur le tas » concernent bien d’autres situations que celles de la LM. En outre, cette notion est connotée idéologiquement, notamment lorsqu’elle manifeste le primat du monolinguisme et la domination linguistique entre la langue de la maison et la langue de l’école, dans des contextes de minorisation culturelle. Cependant, Cuq et Gruca (2002) considèrent que, bien qu’ambiguë, cette notion conserve son caractère opératoire, justement parce que le critère d’appartenance qui la fonde en grande partie à leurs yeux participe du fondement de l’identité sociale de l’individu et de la délimitation des frontières de son groupe linguistique. Le français langue étrangère (FLE) Le FLE est un concept qui, né dans les années 60, s’est construit par opposition à celui de FLM. Ainsi, une langue ne devient étrangère que par opposition à la langue considérée comme maternelle par le locuteur, « qui s’engage dans un processus d’apprentissage plus ou moins volontaire et pour tous ceux qui, qu’ils le reconnaissent ou non comme langue maternelle, en font l’objet d’un enseignement à des parleurs non natifs » (Cuq et Gruca, 2002, p. 94). Contrairement à la LM, la LE n’est pas la langue de première socialisation, elle n’est pas première dans l’ordre des acquisitions linguistiques, le rapport entre apprentissage et acquisition s’inverse au profit du premier et le critère d’appartenance prend moins de place. En outre, selon Nisubire (2003), la LE n’est pas parlée dans la communauté environnante et ne bénéficie pas d’un statut officiel, ce qui a l’inconvénient d’en restreindre son usage, puisqu’une langue peut ne pas être une LE sur le plan institutionnel, mais l’être du point de vue de l’individu qui entre dans un processus d’acquisition de cette dernière. Une LE peut par ailleurs être apprise en dehors de tout cadre institutionnel et ce fait, qu’on nomme acquisition, rapproche la LE d’une LM. Le français langue seconde (FLS) En raison de l’insuffisance des notions de FLM et FLE, celle de FLS apparaît à la fin des années 80. L’usage de cette lexie se justifiait en regard de situations où le français n’était, pour des raisons statutaires ou sociales, ni la LM, ni la LE de la majorité des locuteurs concernés. Cette LS est une langue étrangère (« Toute langue non première est une langue étrangère », selon Cuq, 1991, p. 99), tout en jouissant d’un statut privilégié. En outre, le FLS, tout en n’étant pas parlé dans le milieu familial, occupe une double fonction de scolarisation et de socialisation, et se rapproche ainsi du FLM, puisque « la langue est à la fois but et moyen d’enseignement d’elle-même et des autres disciplines » (Nisubire, 2003, p. 218-19). D’autres adjoignent des facteurs sociolinguistiques et psycholinguistiques pour définir le statut du français enseigné (Miled, 2003), ainsi que des aspects liés à l’ordre d’acquisition et au degré de maîtrise de la langue enseignée. Ne vivant « que d’emprunts » au FLM et au FLE (Vigner, 2001, p. 26), le FLS est, selon Davin-Chnane (2004), interdidactique, transméthodologique, transdisciplinaire et pluriculturel. Le FLS se caractérise aussi dans le caractère mobile de son statut (une situation 4 Numéro 7 – Octobre 2012 de FLS peut passer à celle de FLE dans des contextes où le français cède le terrain qu’il occupe à la langue nationale, par exemple). La diversification du domaine couvert initialement par le FLS et son extension à des situations inclassables rendent ainsi son usage problématique (Defays, 2003). Berrier (2003) en arrive à la conclusion de la spécificité liée à chaque contexte des définitions du FLS et de son enseignement. Des propositions de substituts Le constat d’un décalage des catégories avec les réalités censées être cernées a conduit à la relecture critique des acquis et à la perte progressive de la pertinence de l’opposition fondatrice FLM / FLE. La nomenclature existante, loin d’être naturelle, « peut même créer des malentendus (et) constituer des obstacles dans l’enseignement des langues » (Defays & Deltour, 2003, p. 28). C’est donc dans ce cadre que s’inscrivent les propositions de substituts des désignations classiques, comme langue première (Simard, 1997) par exemple1 ou des propositions de catégories nouvelles, comme le concept de « FLU » pour Français Langue Usuelle, Français Langue Utilitaire, Français Langue Utile, proposé par Collès (2004) comme possible « intégrateur » des didactiques du FLM et du FLE. Selon Cuq et Gruca (2002), langue de départ ou langue de référence sont les lexies préférées des didacticiens, car elles présentent l’avantage de mettre l’accent sur l’aspect dynamique de l’appropriation. Dans le développement de la notion de langue de référence, Lucchini, qui s’appuie sur les études de Cummins (Cummins & Swain, 1998 et de Hamers & Blanc, 1983), souligne l’importance des activités métalinguistiques dans le processus d’apprentissage d’une langue seconde ou étrangère, tant en milieu naturel qu’en milieu scolaire. La langue de référence est ainsi définie comme « la langue dans laquelle les capacités métalinguistiques se sont développées et permettent d’élaborer des étalons de mesure par rapport auxquels les autres langues sont analysées, distinguées ou rapprochées » (Lucchini, 2005, p. 306). Enfin, arrive la proposition du concept de « français langue de scolarisation » qui se définit comme « une langue apprise et utilisée à l’école et par l’école » (Verdelhan-Bourgade, 2002, p. 29). Cette notion ne se veut pas être une catégorie didactique distincte. En effet, la fonction de scolarisation se trouvant dans des situations très uploads/Philosophie/ 7-10-karouni.pdf
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- Publié le Mar 21, 2022
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