Alkemie Revue semestrielle de littérature et philosophie Numéro 8 Décembre 2011
Alkemie Revue semestrielle de littérature et philosophie Numéro 8 Décembre 2011 Le Mal L'Orecchio di Van Gogh - associazione culturale Via Nino Bixio 15 - 60015 - Falconara Marittima (AN) info@orecchiodivangogh.it - tel. e fax 0719175925 Directeurs de publication Mihaela‑Genţiana STĂNIŞOR (Roumanie) Răzvan ENACHE (Roumanie) Comité honorifique Sorin ALEXANDRESCU (Roumanie) Marc de LAUNAY (France) Jacques LE RIDER (France) Irina MAVRODIN (Roumanie) Sorin VIERU (Roumanie) Conseil scientifique Paulo BORGES (Portugal) Magda CÂRNECI (Roumanie) Ion DUR (Roumanie) Ger GROOT (Belgique) Arnold HEUMAKERS (La Hollande) Carlos EDUARDO MALDONADO (Colombie) Joan M. MARIN (Espagne) Simona MODREANU (Roumanie) Eugène VAN ITTERBEEK (Roumanie, Belgique) Constantin ZAHARIA (Roumanie) Comité de rédaction Marc BONNANT (France) Cristina BURNEO (Equateur) Luiza CARAIVAN (Roumanie) Nicolas CAVAILLÈS (France) Aurélien DEMARS (France) Pierre FASULA (France) Andrijana GOLUBOVIC (Serbie) Aymen HACEN (Tunisie) Ariane LÜTHI (Suisse) Daniele PANTALEONI (Italie) Ciprian VĂLCAN (Roumanie) Johann WERFER (Autriche) ISSN: 1843‑9012 Administration et rédaction: 5, Rue Haţegului, ap. 9, 550069 Sibiu (Hermannstadt), Roumanie Courrier électronique: mihaela_g_enache@yahoo.com Site web: http://www.revue‑alkemie.com T el : 004069224522 Périodicité : revue semestrielle Revue indexée dans les bases de données internationales EBSCO et CEEOL. Revue publiée avec le concours de la Société des Jeunes Universitaires de Roumanie Les auteurs sont priés de conserver un double des manuscrits, qui ne sont pas retournés. T ous droits réservés. SOMMAIRE PRÉSENTATION par Mihaela‑Genţiana STĂNIŞOR.....................................................5 AGORA Jacques LE RIDER, L’inexprimable singularité : quand nous ouvrons la bouche, nous parlons dans le désert. Le scepticisme linguistique de Fritz Mauthner.....................11 Ciprian VĂLCAN, Philosophes et reptiles..........................................................................19 DOSSIER THÉMATIQUE : LE MAL Marc de LAUNAY, Péché « originel » ?.............................................................................27 Constantin MIHAI, La rédemption et le mal....................................................................44 Odette BARBERO, Peut‑on représenter le mal ?. ...............................................................56 Pierre FASULA, Par‑delà bien et mal ?.............................................................................71 Roxana MELNICU, L’emb(a)rassement du Bien et du Mal...............................................81 Pierre JAMET, Macbeth ou l’ontologie noire (Shakespeare et Nietzsche). .............................97 Massimo CARLONI, « J’ai vécu l’inexprimable ». Jean Améry et l’échec du mal...............105 DÉS/DEUX ORDRES DU MONDE ET DU LANGAGE Mihaela‑Genţiana STĂNIŞOR, Amèrement habite l’homme…Sur l’onto‑poïétique de l’amertume chez Cioran .....................................................................................131 Aymen HACEN, Une poire pour la soif. .........................................................................136 EXPRESSIS VERBIS « Je crois que la poésie participe, grâce à son lecteur, de ces accords secrets dont le visage n’est qu’amour et lumière. » Entretien avec YVES LECLAIR réalisé par Mihaela‑Genţiana Stănişor.....................................................................143 Yves LECLAIR, Pure perte (Poèmes inédits). ..................................................................154 ÉCHOGRAPHIES AFFECTIVES Michel TREMBLAY, Gorgonéion. ..................................................................................167 Marcelo dos Santos MAMED, La peau.............................................................170 Antonio DI GENNARO, Breve dialogo su Dio e sul male. ..................................178 Paul MATHIEU, Éclaire...................................................................................181 Daniel LEDUC, Journal Impulsion....................................................................187 LE MARCHÉ DES IDÉES Simona CONSTANTINOVICI, Hommage à une femme d’un siècle passé..........191 Abderrahman BEGGAR, Eagleton Terry, On evil, New Haven / London, Yale University Press, 2010...........................................................................195 Raluca ROMANIUC, E. M. Cioran, A. Guerne, Lettres (1961‑1978), Éditions de L’Herne, 2011. Édition établie et annotée par Vincent Piednoir, 286 p..................197 Ariane LÜTHI, Histoires de jardins. ...................................................................199 Mihaela‑Genţiana STĂNIŞOR, L’éloge des (im)puissances humaines...................202 LISTE DES COLLABORATEURS. .............................................................................206 5 Le Mal : approchements et détachements d’un concept vécu Le thème du Mal est aussi difficile d’aborder que délicat. Surtout parce qu’on a une certaine gêne à l’accepter ou à l’approfondir. Ou parce qu’on pense que l’acte même d’écrire sur le mal produit du mal. S’approcher du mal, philosophiquement, religieusement ou poétiquement signifie en fait vivre pour un temps dans son voisinage, découvrir ou expliquer ses (res)sources, sentir sa puissance, tolérer sa nécessité, sourire devant sa fatalité, et l’associer inévitablement au bien, afin de les regarder en miroir, comme la face et le revers de l’existence humaine. Fatalement, il n’y a pas de bien sans mal, de bonheur sans malheur, de Dieu sans diable. Dans son Dictionnaire philosophique (1764), Voltaire formulait la question qui hante tout esprit et à laquelle chaque esprit essaie de trouver la réponse : « Pourquoi existe‑t‑il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous les théistes se sont accordés à nommer bon ? »1 L’existence du mal met en cause et en doute l’existence de Dieu. Selon Camus et sa théorie exprimée dans Le Mythe de Sisyphe, « Car devant Dieu, il y a moins un problème de la liberté qu’un problème du mal. On connaît l’alternative : ou nous ne sommes pas libres et Dieu tout‑puissant est responsable du mal. Ou nous sommes libres et responsables, mais Dieu n’est pas tout‑puissant. »2 Absurde ou non, l’existence suppose le choix entre le bien et le mal ainsi que la lutte contre le mal, car toute tentative de se soustraire à ce binôme fatidique est vouée à l’échec. Seul le sceptique, dit Cioran quelque part dans ses Cahiers, pourrait éluder cet antagonisme, car il ne coopère ni avec le bien, ni avec le mal, ni même avec soi. D’où vient le mal et comment s’y soustraire ou ne pas le provoquer ? Qui a créé le mal et pour quelles raisons ? Ce sont des questions auxquelles l’esprit humain essaie de trouver des réponses. Même la sagesse populaire offre des réponses à cette question fondamentale de l’humanité. Un proverbe russe affirme avec désinvolture que « Dieu a créé le mal pour que l’enfer ne demeure pas vide. » Dans la mesure où le mal existe, on se demande qui est coupable de son existence : Dieu, l’autre ou les autres, soi‑même. Le mal peut être provoqué par une présence extérieure à l’individu (d’ici tous les cataclysmes naturels ou sociaux), mais aussi c’est lui‑même qui est à l’origine de son propre mal, de son propre malheur. Il ne s’agit pas d’hédonisme ou de masochisme, mais d’un modèle de vie voué au 1 Voltaire, Dictionnaire philosophique ou la raison par l’alphabet, in Œuvres complètes, tome 7, deuxième partie, p. 569 ; lecture en ligne à l’adresse : http://books.google.ro/books?id=‑TMTAAAAQAAJ&pg=RA5‑PA569&lpg=RA5‑PA569&dq=volt aire,+Pourquoi+existe‑t‑il+tant+de+mal,+tout+%C3%A9tant+form%C3%A9+par+un+Dieu+que+ tous+les+th%C3%A9istes+se+sont+accord%C3%A9s+%C3%A0+nommer+bon+?&source=bl&ot s=TSrWXf8X_u&sig=HFWbyI_UL9‑rDrDsQMYTB_Pe6l4&hl=ro&ei=hKXSTrf8B4L54QTToa E9&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=9&ved=0CGIQ6AEwCA#v=onepage&q&f=false. 2 Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, Paris, Gallimard, coll. « Idées », 1971 (1942), p. 79. 6 tourment sans cesse. L’homme devient la victime de ses propres impuissances. Cioran analyse avec pertinence, dans le fragment intitulé « Les sources du mal », ce type de mal, le plus cruel, le plus intime, le plus impossible à éviter : Comment combattre le malheur ? En nous combattant nous‑mêmes : en comprenant que la source du malheur se trouve en nous. Si nous pouvions nous rendre compte à chaque instant que tout est fonction d’une image reflétée dans notre conscience, d’amplifications subjectives et de l’acuité de notre sensibilité, nous parviendrons à cet état de lucidité où la réalité reprend ses vraies proportions. L’on ne prétend pas ici au bonheur, mais à un degré moindre de malheur. […] En prenant notre misère subjective pour un mal objectif, nous croyons pouvoir alléger notre fardeau et nous dispenser des reproches que nous devrions nous adresser. En réalité, cette objectivation accentue notre malheur et, en le présentant comme une fatalité cosmique, nous interdit tout pouvoir de le diminuer ou de le rendre plus supportable.3 Même si Cioran met le malheur en balance avec le bonheur, il ne croit pas au bonheur, mais seulement à la possibilité de l’homme d’atténuer son malheur par sa propre lucidité. C’est une vision pessimiste de l’homme et de sa misérable condition, placée sous le signe d’une fatalité malveillante. À l’autre extrémité, il y a aussi des penseurs du mal qui trouvent une justification optimiste, même bénéfique à sa présence au monde. C’est Leibniz qui, étant préoccupé par le mal et sa typologie (il parle de trois types de mal : physique, moral et métaphysique, ce dernier visant l’imperfection et la limitation de chaque créature/création d’un Dieu parfait), offre une interprétation optimiste à sa présence tripartite : si le mal existe, c’est parce qu’il est nécessaire à l’accomplissement de bonnes actions supérieures. Nous vivrions ainsi dans le « meilleur des mondes possibles », expression utilisée par Voltaire dans son Candide ou l’Optimisme pour caricaturer la pensée leibnizienne, œuvre parfaite d’un Dieu parfait. Cette justification du mal dépasse la simple explication de contraste, non seulement le mal (la souffrance) est nécessaire pour permettre à l’homme de découvrir le bien (le bonheur), mais il est aussi nécessaire à l’accomplissement de ce bien. C’est évident que la problématique du mal et du malheur a beaucoup plus préoccupé l’esprit que celle du bien et du bonheur. Cela s’explique probablement par l’attraction que l’esprit manifeste pour ce qu’il y a de négatif, de condamnable. Écrire sur le Mal, faire son herméneutique, ou consigner tout simplement son propre mal, subi ou administré, devient une forme de lui résister. Les auteurs de ce numéro démontrent que ce sujet n’a pas perdu sa signification et ses enjeux religieux, énigmatiques et douloureux. Réfléchir sur « le péché originel » ou réinterpréter la Bible (Marc de Launay) ; questionner les différentes formes du mal, vu comme 3 Cioran, Sur les cimes du désespoir, in Œuvres, Paris, Gallimard, 1995, pp. 96‑97. 7 « la condition humaine caractérisée par une négation progressive de la liberté individuelle, qui empêche de se projeter dans le monde, de se dérober à l’inertie pétrifiée de ce que l’on a été, situation qui culmine avec la suppression définitive de la personne après la mort. Une telle uploads/Philosophie/ alkemie-le-mal.pdf
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- Publié le Sep 28, 2021
- Catégorie Philosophy / Philo...
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