L'amitié chez Cicéron, entre un concept philosophique et une notion sociale Cet

L'amitié chez Cicéron, entre un concept philosophique et une notion sociale Cette thèse est soumise pour le degré de "docteur de philosophie" par Iddo Shvueli à l'Ecole doctorale de Lettres Latines, Université Paris IV, Sorbonne et à l'Ecole doctorale d'Histoire, Université de Tel-Aviv Sous la direction des Professeur Carlos Lévy et Professeur Benjamin Isaac Remerciements Je tiens à remercier celles et ceux qui m'ont généreusement assisté financièrement tout au long des années d'étude et de rédaction et m'ont permis de réaliser cette recherche: l'Ecole d'Histoire de l'Université de Tel-Aviv, son directeur, la Professeur B. Melman et son assistante Madame E. Shalev-Arato, le Monsieur Gotessman, Madame Lessing, la fondation Paedagogica et l'Ecole doctorale des Lettres Latines de la Sorbonne Paris IV. Sans leurs aides précieuses je me serais trouvé dans l'impossibilité d'écrire ces lignes. Je tiens à remercier également ceux qui m'ont savamment conseillé et instruit dans le chemin inconnu et parfois ardu de la dissertation, je pense particulèrement à mes maîtres: le Professeur Benjamin Isaac, pour m'avoir accordé sa compétence, sa bienveillance, sa disponibilité, ses commentaires toujours judicieux et sa confiance; et le Professeur Carlos Lévy, pour m'avoir guidé avec prévenance et patience dans le labyrinthe de la réflexion en illuminant de nouvelles possibilités. Je remercie également le Professeur David Konstan et la Professeur Maren Niehoff pour avoir lu et commenté certains passages. Je suis également redevable envers Madame Muriel Chemla, qui m'a accompagné professionnellement et fidèlement durant tout mon parcours en matière de la rédaction et de la structuration du texte. Finalement, je suis reconnaissant envers ceux qui m'ont porté un appui moral d'encouragement et d'inspiration: mes parents, Amos et Naomi, mes frères, Gilad et Ohad, et ma sœur, Dar. Je tiens particulièrement à remercier ma mère qui s'est mise à apprendre le français pour être en mesure de lire, entre autre, ces mots. J'espère qu'ils lui plairont. Je remercie également mes amis, Tamar, Shaked, Miri, Uria, Mike, Orit, Naama, Avivit, Vera, Zvia, Oshri et Sharon, qui, à mes côtés, ont bravement supporté des bavardages conceptuels et des propos désordonnés sans jamais porter plainte. Niv-Yae ubicumque sis, amicus Résumé L'amitié chez Cicéron, entre un concept philosopohique et une notion sociale Si construire une image des relations familières et affectives qui se nouent dans une société donne une idée de ses mœurs, de ses traditions, de ses idéaux et de ses façons de penser, l'analyse des liens amicaux semble constituer un moyen particulièrement efficace pour observer la nature de son tissu social. L'objet de recherche concerne les multiples rapports qui lient l'homme à ses semblables. Notre étude ne porte pas sur l'évolution générale de l'amitié dans le monde occidental, mais plutôt sur sa disposition spécifique à un moment donné chez Cicéron. L'amitié gréco-romaine, sous plusieurs de ses aspects, est récemment devenue l'objet d'études importantes. Or, les études sur l'amitié cicéronienne ne sont pas nombreuses; il en existe trois principaux: Cicéron et ses amis de G. Boissier, Doctrine de l’amitié chez Cicéron, exposé, source, critique, influence de R. Sansen, et Clientèle et pouvoir à l’époque de Cicéron d'E. Deniaux. La première amorce la recherche portant sur les relations que l'Arpinate entretenait avec ses proches. Si les descriptions de divers rapports sociaux dépeignent la vie sociale de Cicéron de façon informative, elles manquent pourtant d'une réflexion critique et ne traitent pas sa pensée philosophique. L'œuvre de R. Sansen, rigoureuse et instructive, inclut un travail sémantique sur les mots de l'amitié, une analyse chronologique sur l'évolution de la pensée cicéronienne et une étude thématique importante. Elle se réfère également à la philosophie de l'amitié chez l'Arpinate, mais elle ne la confronte pas avec sa pratique. La recherche d'E. Deniaux porte sur le rapport avec plus de 150 amis par un traitement prosopographique exhaustif. Le vocabulaire, la forme d'adresse et la structure des lettres sont examinés soigneusement. L'œuvre considère pourtant seulement la correspondance et exclut toute analyse d'une relation privée. Notre recherche propose de combler cette lacune en présentant une nouvelle sorte d'amitié chez Cicéron: subjective et privée, qui sera étudiée dans la philosophie et dans la pratique. Notre problématique concerne le lien entre la structure et la constitution de la société romaine et le débat autour du sémantisme de l''amicitia'. Prima facie, le système économique, la constitution sociale et le fonctionnement politique, basés sur des études importantes, semblent suggérer que l'expression 'amicitia', comprise comme dénouée de sens affectif, d'une autonomie relative et de connotation inter-subjective, reflète fidèlement la réalité de la cité. Inversement, les données exposées par des chercheurs corroborent un sens purement socio-politique du mot puisqu'elles ne signalent pas dans leur schéma de possibilités, la pratique d'un rapport intersubjectif. Deux problèmes se posent ici, le premier concerne les pratiques de l'amitié de l'homme qua homme. Nous ne pouvons adhérer à une optique qui enlève complètement l'affectif et le subjectif d'une société quelconque. La question véritable n'est donc pas l'existence des rapports amicaux inter-subjectifs privés à Rome généralement et chez Cicéron spécifiquement, mais les représentations de ceux-ci: quels étaient ses signes linguistiques et ses marques pratiques? La seconde difficulté, spécifique à l'étude de l'amitié romaine, concerne la corrélation entre la sémantique du mot 'amicitia' et sa pratique. Chez certains érudits, elle semble fusionner entièrement si bien que le terme 'amitié romaine' est employé sans indiquer si c'est de la signification du mot ou de ses diverses praxeis dont il s'agit. Notre interrogation capitale est donc double, elle se formule ainsi: existe-t-il un vocable ou des mots qui désignent une amitié aux aspects émotionnels, libres et intersubjectifs chez Cicéron? Et quelles sont les manifestations de cette amitié particulière, puisque nous la postulons comme existente? Notre hypothèse est qu'une amitié privée et subjective (APS) existe nécessairement dans toute société puisqu'elle fait partie de l'homme de façon inhérente, un être essentiellement social, communicatif et affectif. Notre tâche consiste à découvrir ses signes linguistiques et ses marques pratiques chez Cicéron. Méthodologiquement, les deux questions posées se clarifient par une simple opération: la distinction entre le débat sémantique de l'amitié, influencé par l'empreint philosophique et par la réalité socio-politique, et le sujet de ses pratiques. Afin d'être étudiée intégralement, la première interrogation, sémantique à la base, exige une étude complémentaire qui traite les aspects philosophiques d'une part et socio-politiques de l'autre. La deuxième question, la recherche sur les praxeis, manque d'objet d'étude. Que signifient les pratiques d'une amitié non socio-politique, d'un rapport privé et intersubjectif? Comment se qualifie-t-il pour que nous puissions identifier ses empreintes? Sur quels fondements se base-t-il, et est- il possible d'examiner ses contours dans les écrits cicéroniens? Ces interrogations nécessitent un examen préparatoire portant sur deux critères que nous étudierons: le privé et l'intersubjectif. Notre recherche suit ces considérations. Cette étude a porté les conclusions suivantes: linguistiquement, il n'existe pas de terme qui indique un rapport du genre APS chez Cicéron. Dans la philosophie, l'examen des thèmes principaux qui sous-tendent le concept de l'amitié (l'oikeiôsis et les virtutes), indique que l'amicitia cicéronienne est déterminée par les conceptions sociales et éthiques de la Stoa. Si elle est également empreinte d'une connotation intersubjective héritée des Grecs, la nouveauté cicéronienne, la 'veritas', la colore d'un ton pragmatique. Par ailleurs, elle est entièrement ancrée dans la zone publique. Quant à la notion de l'amitié et ses mots corolaires, nous démontrons que l'expression de l''amicitia' est absolument socio-politique, et les champs sémantiques des rapports interpersonnels analysés marquent une division entre 'le public' et 'le domestique' ; entre 'le rationnel' et 'l'irrationnel'; ils ne signalent pas pourtant l'existence de sphères intersubjective ou privée. En revanche, la pauvreté linguistique est contrecarrée par la richesse des indications des pratiques de l'APS. Si le mot 'privatus' ne renvoie pas chez Cicéron à l'idée du 'privé' telle que nous l'avons déterminée, on constate une partition spatiale sur le plan théorique et un attachement émotionnel aux zones privées, e.g. à la maison palatine, dans les faits. Au sens figuré, une sphère privée est crée par des moyens d'exclusion dans la correspondance, où l'on note également l'existence d'une communication intersubjective, notamment avec Atticus. Contrairement à la théorie des 'quatre personae', relativement pauvre en matière d'individualité et de subjectivité profonde, le lien avec cet ami est spécial, rempli des marques ostensibles d'intersubjectivité: la connaissance corporelle et spirituelle de l'autre en tant que sujet unique, l'affection intense et le soutient loyal à son égard en tant que tel. Notre conclusion concerne une problématique universelle: la dialectique entre la langue et les usages; nous avons montré qu'il existe des pratiques interpersonnelles chez Cicéron, viz., l'amitié privée et intersubjective avec Atticus, lesquelles manquent de dénomination précise. A titre d'étude complémentaire, on peut se demander d'où provient cette absence d'appellation. Pourquoi la pratique de l'amitié APS n'est-elle pas dotée d'un nom spécifique alors que d'autres rapports le sont, et de quel ordre sont les explications de ce phénomène: linguistique? culturel? socio-politique? philosophique? Que pourrons-nous apprendre des réponses éventuelles sur la société romaine à l’époque cicéronienne? i Table des matières L'amitié, une esquisse générale d'une question perpétuelle xi A. Quelques particularités importantes de l'amitié ivx A.1. Le rapport le moins codé ivx uploads/Philosophie/ amitie-selon-ciceron.pdf

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