Analyse de la thèse de Madame Elizabeth Teissier soutenue le 7 avril 2001 à l'U
Analyse de la thèse de Madame Elizabeth Teissier soutenue le 7 avril 2001 à l'Université Paris et intitulée : Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes Table des matières Introduction La non thèse de sociologie d'Elizabeth Teissier Bernard Lahire, Sociologue, Professeur à l'ENS Lettres et Sciences Humaines avec la collaboration de Philippe Cibois, Sociologue, Professeur à l'Université de Versailles St-Quentin Dominique Desjeux, Anthropologue, Professeur à l'Université Paris V Une non-thèse qui cache mal une vraie thèse : un plaidoyer pro-astrologique Jean Audouze, Astrophysicien, Directeur du Palais de la découverte Henri Broch, Physicien, Professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipolis Jean-Paul Krivine, Rédacteur en chef de la revue Science et pseudo-sciences. Jean-Claude Pecker, Astrophysicien, Professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Institut Denis Savoie, Historien des sciences, Palais de la Découverte Remarques philosophiques conclusives Jacques Bouveresse, Philosophe, Professeur au Collège de France Lundi 6 août 2001 Introduction générale Suite aux diverses réactions publiques qui ont suivi la soutenance de thèse de Madame Elizabeth Teissier, le 7 avril 2001 à l'Université Paris V, le directeur de la thèse ainsi qu'une partie des membres du jury ont immédiatement réagi en s'indignant du fait que l'on puisse se prononcer sur une thèse sans l'avoir lue. Ceux qui s'élevaient contre un très probable dysfonctionnement des procédures universitaires étaient ainsi accusés de manquer du minimum de sérieux requis. Comme il est fréquent en pareil cas, ce sont ceux qui ne respectent aucune des règles les plus élémentaires de la rigueur intellectuelle (sans même parler de rigueur scientifique) et commettent les plus grandes fautes, qui accusent ceux qui ont l’audace d'en parler de faire preuve d'un manquement caractérisé aux règles. Mais l'argument selon lequel on ne peut juger que "sur pièce", même s'il était en l'occurrence utilisé comme un moyen de faire taire le doute légitime, est évidemment parfaitement recevable. La thèse n'était pas lue, il fallait donc prendre le temps de la lire. Et en tout premier lieu, il revenait à des sociologues de se prononcer, puisque la thèse (Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes) était une thèse inscrite en sociologie, dirigée par un professeur de sociologie, évaluée par un jury composé essentiellement de sociologues. Une fois établie l'absence de sociologie tout au long de la thèse qui prétend pourtant se rattacher à l'une des grandes traditions sociologiques (cf. "La non thèse de sociologie d'Elizabeth Teissier"), le rapport de lecture pourrait se conclure sur un jugement de dysfonctionnement des procédures universitaires, pour ne pas dire plus. Mais la thèse se place elle-même sur un terrain qui échappe totalement au sociologue. Par ses multiples références à des mécanismes célestes et par la revendication permanente de la légitimité académique et scientifique du discours astrologique, l'auteur de la thèse oblige le lecteur- sociologue à passer le relais aux physiciens et astrophysiciens afin qu'ils se prononcent sur le degré de sérieux des références et citations scientifiques utilisées, ainsi que des arguments ou des "preuves irréfutables en faveur de l'influence planétaire" (cf. "Une non- thèse qui cache mal une vraie thèse : un plaidoyer pro-astrologique"). Enfin, parce qu'il est question d'épistémologie dans la thèse, que les références à des philosophes sont multiples et que la philosophie était représentée dans le jury de thèse, il paraissait logique d'examiner la thèse à partir d'un point de vue philosophique (cf. "Remarques philosophiques conclusives"). Un tel rapport de lecture était indispensable pour qu'un peu plus de vérité sur cette thèse soit portée à la connaissance du public. Il a demandé un long et minutieux travail sur le texte, et ceux qui ont contribué à sa rédaction ont consenti à un tel investissement avec l'espoir qu'il soit utile au plus grand nombre. Le 6 août 2001 La non thèse de sociologie d'Elizabeth Teissier par Bernard Lahire, Sociologue, Professeur à l'ENS Lettres et Sciences Humaines avec la collaboration de Philippe Cibois, Sociologue, Professeur à l'Université de Versailles St-Quentin Dominique Desjeux, Anthropologue, Professeur à l'Université Paris V Le samedi 7 avril de cette année, Madame G. Elizabeth Hanselmann-Teissier (dite Elizabeth Teissier) soutenait une thèse de sociologie (intitulée Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination/rejet dans les sociétés postmodernes) à l'Université Paris V, sous la direction de Michel Maffesoli1. Les membres présents de son jury — il s'agissait, outre son directeur de thèse, de Serge Moscovici2, Françoise Bonardel3 et Patrick Tacussel4 (Gilbert Durand5 s'étant excusé de ne pouvoir être présent et Patrick Watier6 n'ayant pu se rendre à la soutenance en raison de grèves de train) — lui ont accordé la mention "Très honorable". Cette mention est la plus haute qu'un candidat puisse recevoir et le fait qu'elle ne soit pas assortie des félicitations du jury n'ôte rien à l'appréciation très positive qu'elle manifeste (de nombreux universitaires rigoureux ne délivrant la mention "très honorable avec les félicitations" que dans les cas de thèses particulièrement remarquables). Deux professeurs avaient préalablement donné un avis favorable à la soutenance de cette thèse sur la base d'une lecture du document : Patrick Tacussel et Patrick Watier. Formellement, Madame Elizabeth Teissier est donc aujourd'hui docteur en sociologie de l'université de Paris V et peut — entre autres choses — prétendre, à ce titre, enseigner comme chargée de cours dans les universités, solliciter sa qualification afin de se présenter à des postes de maître de conférences ou déposer un dossier de candidature à un poste de chargée de recherche au CNRS. Une lecture rigoureuse et précise de la thèse dans son entier (qui fait environ 900 pages si l'on inclut l'annexe intitulée "Quelques preuves irréfutables en faveur de l'influence 1. Ce n'était pas la première fois que M. Maffesoli faisait soutenir une thèse en rapport avec l'astrologie. Ainsi, en 1989, S. Joubert a soutenu une thèse de doctorat intitulée Polythéisme des valeurs et sociologie : le cas de l'astrologie à l'Université de Paris V, sous sa direction. Le résumé de cette thèse manifeste un style d'écriture d'une aussi douteuse clarté que celui que l'on découvre dans la thèse d'Élizabeth Teissier (Source : Docthese 1998/1). 2. Directeur d'études à l'EHESS (psychologie sociale). 3. Professeur de philosophie à l'Université de Paris I. 4. Professeur de sociologie à l'Université de Montpellier III. 5. Professeur émérite à l'Université de Grenoble II, Fondateur du Centre de Recherche sur l'Imaginaire. 6. Professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg II. planétaire", p. XII-XL) conduit à un jugement assez simple : la thèse d'E. Teissier n'est, à aucun moment ni en aucune manière, une thèse de sociologie. Il n'est pas même question d'un degré moindre de qualité (une "mauvaise" thèse de sociologie ou une thèse "moyenne"), mais d'une totale absence de point de vue sociologique, ainsi que d'hypothèses, de méthodes et de "données empiriques" de nature sociologique. Ce sont les différents éléments qui nous conduisent à ce jugement que nous voudrions expliciter au cours de ce rapport de lecture en faisant apparaître que la thèse 1) ne fait que développer un point de vue d'astrologue et 2) est dépourvue de tout ce qui caractérise un travail scientifique de nature sociologique (problématique, rigueur conceptuelle, dispositif de recherche débouchant sur la production de données empiriques...). UN POINT DE VUE D'ASTROLOGUE Que l'astrologie (l'existence bien réelle d'astrologues), les modes d'usage et les usagers (à faible ou forte croyance) de l'astrologie constituent des faits sociaux sociologiquement étudiables, que l'on puisse rationnellement (et notamment sociologiquement ou ethnologiquement, mais aussi du point de vue d'une histoire des savoirs) étudier des faits scientifiquement perçus comme irrationnels, qu'aucun sociologue n'ait à décider du degré de dignité des objets sociologiquement étudiables (en ce sens l'astrologie comme fait social est tout aussi légitimement étudiable que les pratiques sportives, le système scolaire ou l'usage du portable), qu'un étudiant ou une étudiante en sociologie puisse prendre pour objet d'étude une réalité par rapport à laquelle il a été ou demeure impliqué (travailleur social menant une recherche sur le travail social, instituteur faisant une thèse de sociologie de l'éducation, sportif ou ancien sportif pratiquant la sociologie du sport...), ne fait à nos yeux aucun doute et si les critiques adressées à Michel Maffesoli et aux membres du jury étaient de cette nature, nul doute que nous nous rangerions sans difficulté aux côtés de ceux-ci. Tout est étudiable sociologiquement, aucun objet n'est a priori plus digne d'intérêt qu'un autre, aucun moralisme ni aucune hiérarchie ne doit s'imposer en matière de choix des objets, seule la manière de les traiter doit compter. Mais de quelle manière E. Teissier nous parle-t-elle d'astrologie tout au long de ses 900 pages ? Qu'est-ce qui oriente et structure son propos ? La réponse est assez simple, car il n'y a aucune ambiguïté possible sur ce point : le texte d'E. Teissier manifeste un point de vue d'astrologue qui défend sa "science des astres" du début jusqu'à la fin de son texte, sans repos. Et pour ne pas donner au lecteur le sentiment d'un parti-pris déformant, nous multiplierons les extraits tirés du texte de la thèse en indiquant entre parenthèses la référence des pages (afin de donner la possibilité de retourner uploads/Philosophie/ analyse-de-la-these-d-x27-elizabeth-teissier.pdf
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- Publié le Dec 02, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
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