« Madame de Staël et ses sœurs » Stéphanie Genand (Université de Rouen) Synthès
« Madame de Staël et ses sœurs » Stéphanie Genand (Université de Rouen) Synthèse des notes Cours n° 1 Le XVIIIème siècle concentre à la fois un regard nouveau et fait surgir de nouvelles difficultés, de nouvelles impasses dans le regard porté sur la femme. Rupture épistémologique => le système de connaissances, le paradigme pour parler du féminin change. Dans le système classique la représentation de la femme est marqué par deux caractéristiques : 1) l’idéal, le sublime 2) le caractère inaccessible Système hérité, fondé par le christianisme. 2 illustrations littéraires: 1) figure de la Dame dans les romans médiévaux. Série d’étapes qui permettent d’accéder à une femme inaccessible 2) figure de l’héroïne classique, sublimée, désincarnée. Le mythe féminin est brutalement remis en question au XVIIIème siècle, par la féminité Qu’est-ce qu’une femme? Comment ça marche Question due au nouveau regard qu’on porte sur elle - lié au développement des sciences. P. Hoffman (cf. citation), résumé de ce virage épistémologique évoqué ci-dessus. 1) Le XVIIIe siècle assiste à une découverte de la féminité que l’on peut considérer comme une mutation décisive dans l’histoire de la civilisation. Au XVIIe siècle, […] un code théologique, légal et moral a défini une fois pour toutes les rôles et fonctions attribués à l’être féminin, sous le regard du Seigneur Dieu, et de l’homme, son seigneur terrestre. La femme classique ne peut guère choisir qu’entre la consécration à Dieu et la consécration à l’homme. […] Le siècle des Lumières dédie à la femme un nouveau regard. […]. Cette mutation du regard accompagne un renouvellement de l’intelligence ; le dix-huitième siècle est le siècle de l’avènement des sciences humaines. Dans le cadre de cette révolution épistémologique, la femme idéale en sa stylisation mystique cède la place à une femme naturelle dont la nature est étudiée selon les approches convergentes de la recherche positive. [HOFFMANN (Paul), La Femme dans la pensée des Lumières (1977), réed. Slatkine Reprints, 1995, p. 12]. => Passage de la « femme idéale » à la « femme naturelle » XVIIIème => mettre le corps au centre de la représentation féminine Epoque de grande confiance dans la raison et en particulier dans la raison critique. => Pensée fondée sur l’expérience, les faits => pensée critique Cette volonté de savoir, cette foi en la raison, s’incarne dans une entreprise comme l’Encyclopédie (env. 1750-1765) qui est sous-titré « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». But : étentre la raison à tout. Corps = nouvel objet d’attention pour les encyclopédistes. Au début du XVIIIème, les autopsies sont encore interdites par l’Eglise (à cause de la croyance en la résurrection des corps) I. UNE ENIGME MEDICALE Double énigme : 1) de la circulation du sang 2) de la génération (comment fonctionne la procréation) Pas de médecine à proprement parler au début du XVIIIème siècle. On désigne les médecins du terme de charlatan, qui n’a pas encore le sens actuel. « Charlatan » => terme générique venant de l’italien. Nom d’un village où l’on était médecin de père en fils. Cependant, changement à cette période : Fondation des Ecoles de chirurgie et d’anatomie. Les autopsies se généralisent. 1750 => perspectives beaucoup plus rationnelles dans la connaissance du corps. Mais grand paradoxe de l’Encyclopédie : question en forme d’aveu d’ignorance de Jaucourt : l’article Femme de l’Encyclopédie. 3) Il en est de l’âme des femmes comme de leur beauté ; il semble qu’elles ne fassent apercevoir que pour laisser imaginer. Il en est des caractères en général, comme des couleurs ; il y en a des primitives, il y en a des changeantes ; il y a des nuances à l’infini, pour passer de l’une à l’autre. Les femmes n’ont guère que des caractères mixtes, intermédiaires ou variables ; soit que l’éducation altère plus leur naturel que le nôtre ; soit que la délicatesse de leur organisation fasse de leur âme une glace qui reçoit tous les objets, les rend vivement, et n’en conserve aucun. Qui peut définir les femmes ? Tout à la vérité parle en elle, mais un langage équivoque. […] Il y a trois choses, disait un bel esprit, que j’ai toujours beaucoup aimées sans jamais y rien comprendre, la peinture, la musique et les femmes. [Article « Femme », signé par le Chevalier de Jaucourt, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonnée des sciences et des arts, 1750-1765]. Beaucoup d’écrivains avouent leur ignorance des femmes => cf. Monologue de Lélio dans La surprise de l’amour (cf. citation) 4) Femmes, vous nous ravissez notre raison, notre liberté, notre repos, vous nous ravissez à nous-mêmes, et vous nous laissez vivre : ne voilà-t-il pas des hommes en bel état après ? Des pauvres fous, des hommes troublés, ivres de douleur ou de joie, toujours en convulsions, esclaves et à qui appartiennent ces esclaves ? À des femmes ! Et qu’est-ce que c’est qu’une femme ? Pour la définir, il faudrait la connaître : nous pouvons aujourd’hui en commencer la définition, mais je soutiens qu’on n’en verra le bout qu’à la fin du monde. [MARIVAUX, La Surprise de l’amour (1722), Lélio à Arlequin, I1.] Jacques le fataliste => malgré ses succès féminin nombreux, reste le mystère féminin (cf. citation) Marguerite : Comment ! à ton âge tu ne saurais ce que c’est qu’une femme ? Jacques : Pardonnez-moi, dame Marguerite. Marguerite : Et qu’est-ce que c’est qu’une femme ? Jacques : Une femme ? Marguerite : Oui, une femme. [DIDEROT, Jacques le fataliste (1760), réed. L. Versini, « Bouquins », R. Laffont, t. II, p. 865.] Corps féminin => se dérobe dans sa fonction sexuelle, corps aux organes génitaux cachés => énigme médicale L’ Ancien Régime fonctionne sur la prérogative masculine. Au XVIIIème siècle volonté de recherche ET peur de découvrir. On n’est pas prêt à envisager l’égalité biologique. Si on définit la femme par son corps, si sa fonction naturelle est d’avoir des enfants, qu’est-ce qu’on fait de celles qui n’en ont pas? Problème des religieuses - nombreuses - et des célibataires (presque inexistantes). 2 questions pour résumer cette introduction : 1) Qu’est-ce que la femme? Un mystère médical A) Entre science et fantasme : un mystère médical au XVIIIème siècle? Ce qui est caché entretient le fantasme ou la peur => à la recherche de la féminité? On en trouve une première réflexion chez Aristote (Traité sur la génération des animaux) => Le corps féminin serait incomplet, une sorte de brouillon inachevé du corps masculin. Louis Barles, Nouvelles découvertes sur les organes des femmes (1674) De Lignac, De l’homme et de la femme considérés physiquement dans le mariage (1772) => Ces ouvrages de médecins et de moralistes sortent souvent de la préoccupation scientifique et tombe dans une représentation fantasmatique. Au XVIIIème, on ne conçoit pas que l’enfant puisse être fait des deux parents. Il arrive « tout fait », soit de l’homme, soit de la femme. D’où l’aspect politique de la question. 5) L’accouplement est absolument nécessaire pour que la génération ait lieu. Celui de l’homme et de la femme produit un individu qui sera l’un ou l’autre ; mais, qu’est-ce qui le produit particulièrement cet individu ? Était-il dans la liqueur que le mâle a dardée pendant la copulation ? Cette liqueur a-t-elle trouvé dans la matrice un œuf prêt à être fécondé ? La femme en partageant les transports de l’homme a-t-elle mêlé à l’humeur séminale de celui-ci un fluide capable de produire un être organisé comme elle ? Ces questions doivent rester insolubles tant que les plus grands physiciens ne s’accorderont pas sur l’essence absolue de la liqueur séminale. Le problème des connaissances ne se limite pas à l’autopsie : l’ouverture du corps ne suffit pas, car il n’y a pas de mots, alors, pour décrire le corps féminin. Les ouvrages de l’époque décrivent le corps féminin avec des mots désignant le corps des hommes (Les ovaires sont baptisés « les testicules de la femme ». Lexique qui fait écran à la réalité biologique) Trouver un vocabulaire pour désigner la « matrice ». « Mais ici les ténèbres remplacent la lumière ». Matrice => paysage fantastique. Lignac, pourtant médecin sérieux part dans le fantasme dans sa description de la matrice (cf. citation) 6) Ce n’est que lorsqu’on est parvenu à la matrice, que commence le mystère de la génération ; jusqu’alors tout est fourni aux sens, mais ici les ténèbres remplacent la lumière ; et l’homme, en marchant dans cette obscurité, essaie différents systèmes, qu’il s’efforce d’étayer par des observations, que chacun tourne favorablement, et adapte à l’hypothèse qu’il propose. [De Lignac, De l’homme et de la femme, considérés physiquement dans l’état du mariage, 1772, t. 2, p. 207] B) La théorie hystérique La maladie de la « fureur utérine » régie les femmes : conceptions développée au XVIIIème siècle (cf. citation 8) 8) C’est une maladie qui est une espèce de délire attribué par cette dénomination aux seules personnes du sexe, qu’un appétit vénérien démesuré porte violemment à se satisfaire, à chercher sans pudeur les moyens de parvenir à ce but uploads/Philosophie/ synthese-de-cours-madame-de-stael-et-ses-soeurs.pdf
Documents similaires










-
48
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 29, 2022
- Catégorie Philosophy / Philo...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1034MB