1 Université Notre Dame d’Haïti (UNDH) UDERS d’Anse-à-Veau et Miragoâne, Nippes

1 Université Notre Dame d’Haïti (UNDH) UDERS d’Anse-à-Veau et Miragoâne, Nippes Village Sainte-Anne, Anse-à-Veau, Haïti, W.I EFACAP de Chalon, Route Nationale #2 Cours d’Anthropologie Chrétienne Document du travail en groupe Paul Ricœur : une anthropologie philosophique Introduction Par: Rose Goetz Cette livraison du Portique réunit des études concernant quelques problèmes majeurs affrontés par Ricœur dans l’élaboration de sa philosophie. Cette philosophie, il l’a définie comme une anthropologie excluant toute spéculation onto-théologique et professant son indépendance à l’égard de l’exégèse des textes bibliques qu’a, par ailleurs, pratiquée son auteur, soucieux de ne jamais mêler les sources religieuses de ses convictions aux arguments de son discours philosophique. Ricœur a pleinement assumé les deux tâches qui lui sont très tôt apparues comme les conditions nécessaires à la constitution d’une anthropologie philosophique. Celle-ci requiert, d’une part, un dialogue incessant avec les sciences humaines qui, nonobstant la déconcertante diversité de leurs méthodes et de leurs résultats, ont, comme elle, l’homme pour objet. Il lui incombe, d’autre part, d’effectuer une récapitulation critique de son propre héritage, de prendre appui dans l’histoire philosophique de la philosophie : au plus vif du présent, philosopher, c’est continuer. Dans son ampleur et dans l’extrême variété des domaines qu’elle explore, l’œuvre de Ricœur répond aux exigences de ce programme. Elle manifeste une constante confrontation de la réflexion philosophique à de multiples disciplines situées en dehors de son champ : la psychanalyse, la linguistique, les sciences sociales, l’histoire, le droit, la médecine et, avant tout, la littérature qui détient l’insigne privilège de pouvoir résoudre des questions philosophiquement insolubles. Si, comme le reconnaissent d’éminents spécialistes de ces disciplines, Ricœur n’adopte sur elles aucune posture de surplomb, c’est bien au service de sa philosophie qu’ont été indéfiniment menés ces entretiens avec des non-philosophes. C’est à son bénéfice également que sont convoqués en grand nombre, sans souci de leur appartenance à des époques différentes, les philosophes entre lesquels il institue de surprenants dialogues fictifs, s’insérant en toute liberté dans une tradition qu’il fait sienne en s’en proclamant le débiteur. La philosophie de Ricœur n’a rien d’un système. Esquivant les questions massives du type : « qu’est-ce que la philosophie ? », c’est sur le caractère fragmentaire et ciblé des problèmes abordés en chacun de ses ouvrages qu’il met l’accent. D’où l’impression de discontinuité qu’ils peuvent donner au lecteur. Cette discontinuité n’est pourtant qu’apparente, chaque problème nouveau surgissant d’une lacune, après-coup repérée, dans le traitement du précédent et incitant l’auteur à rebondir sur ce qui lui avait échappé. Philosopher, pour Ricœur, c’est affronter des problèmes, des « embarras de pensée ». On ne saurait trop insister sur le caractère problématique de cette philosophie qui, à chaque étape de son parcours, conduit d’apories en apories qu’elle fait méticuleusement travailler aux fins de penser plus, mieux et autrement qu’on ne l’a fait jusqu’ici. La traversée des paradoxes et des conflits qui hantent les interprétations des faces diverses de la condition humaine ne débouche sur aucun scepticisme mais sur une pensée résolument affirmative pour laquelle l’homme, fragile et souffrant, est aussi l’« homme capable », objet d’une philosophie du désir d’être et de l’effort pour exister. 2 Il importe de soustraire la philosophie de Ricœur aux défigurations qui lui ont été parfois infligées. Il n’est pas un « théologien masqué ». Il ne pense pas à la remorque des autres, car si, lecteur insatiable et attentif, il emprunte à beaucoup d’entre eux concepts et arguments, c’est pour tenter de résoudre des problèmes dont l’originalité ne revient qu’à lui seul. Il n’est pas un iréniste béat, désireux de réconcilier à tout prix les inconciliables : il ne fait que respecter leur droit à être, les uns et les autres, entendus. Il ne fut pas seulement un universitaire confiné dans l’érudition livresque, il fut aussi un citoyen engagé en de multiples interventions dans l’espace public. Mais, en parlant du professeur, je ne puis manquer d’évoquer ce qu’il appelait son « bonheur d’enseigner », un bonheur qu’ont partagé avec lui des générations d’étudiants. À la croisée de tous les chemins qu’elle a suivis, de tous les détours qu’elle s’est imposée, l’anthropologie philosophique de Ricœur recèle maintes invitations à poursuivre, fût-ce dans le désaccord, le travail de pensée dans lequel elle s’est audacieusement engagée. Ricœur: philosophe du milieu Ricœur: ein Philosoph des Milieus und Milieus Jean-Paul Resweber La philosophie de Paul Ricœur mérite d’être fréquentée à plus d’un titre. D’abord, parce qu’elle est le fruit d’une démarche originale : Ricœur entend faire de la philosophie, c’est-à-dire retraverser, reprendre, réinterpréter les thèses d’Aristote, de Platon, de Rousseau, de Nabert, de Husserl, de Heidegger, de Gadamer, pour répondre à des questions anthropologiques, épistémologiques, éthiques et politiques. Il fait de la philosophie parce que, à ses yeux, la philosophie s’intéresse au plus haut point à l’action humaine, à l’agir humain sous tous ses aspects, mais aussi et surtout au sujet de cette action et de cet agir. Ensuite, il mène sa recherche en dialoguant non seulement avec les philosophes, mais aussi avec les autres disciplines, notamment avec les sciences sociales, la psychanalyse, le droit, la linguistique, la littérature, la théologie. Enfin, parce que P. Ricœur a conscience que faire de la philosophie en réfléchissant sur le sens de l’action humaine et en dialoguant avec des prises de position différentes, sinon opposées, cela ne saurait se réaliser sans conflit. Au lieu de réconcilier les thèses, de façon superficielle, selon un prêt-à-penser dialectique, il commence par les radicaliser jusqu’à ce qu’elles apparaissent comme étant antinomiques. Car c’est le paradoxe qui donne à penser. S’il ne se réduit pas, en effet, à une opposition logique, c’est qu’il fait signe vers un milieu-tiers de résolution non encore déployé. Philosophe, partenaire – terme qu’il affectionne – de l’action et de la culture, P. Ricœur est un penseur du milieu entendu non seulement au sens de la mesôtes aristotélicienne, mais au sens de la médiation, de l’espace dialogique, du milieu de vie et d’habitation (Lebenswelt), enfin du milieu entendu comme espace éthique et politique. I. Le milieu intertextuel Le milieu, au sens de la médiation, s’ouvre dès que l’on fait parler, en les déchiffrant, les signes, les symboles, le langage, la métaphore : autant de déterminations que met en œuvre le texte et, de façon privilégiée, le récit. Il délivre un espace d’écoute et de rencontre entre le lecteur-interprète du texte et le geste de l’interprétation qui préside à son éclosion. C’est le milieu, au sens d’écart ouvert par l’herméneutique, qui sert à Ricœur de medium de pensée. 1. L’art d’interpréter que Ricœur met à l’épreuve dans sa théorie des symboles et dans sa théorie du texte prend sa source dans deux lieux : l’exégèse et la phénoménologie. L’exégèse, qui est la science de l’interprétation de la Bible, prend appui sur ce qu’on a appelé les quatre sens de l’Écriture. Noué au sens littéral du texte, il y a le sens allégorique, dit figuré – car la signification d’un personnage, par exemple, est à chercher dans un autre personnage dont il est la figure (Adam est la figure de l’Homme Nouveau qu’est le Christ, Nouvel Adam) –, mais ces deux sens font le lit de deux autres sens : le sens anagogique ou moral qui exprime des règles de vie et le sens spirituel ou mystique qui parle au cœur du lecteur. On le voit, ces quatre sens qui se croisent dans l’exégèse donnent vie au monde du texte, en l’inscrivant dans un milieu inter-médiaire dégagé par l’interprétation. C’est le geste herméneutique de l’exégèse que Paul Ricœur va croiser avec celui de la phénoménologie. On peut s’étonner de cette opération, qualifiée par l’auteur de « greffe de l’herméneutique sur la phénoménologie ». Mais une telle greffe a tout lieu de « prendre », pour deux raisons. La phénoménologie, on le sait, préconise le retour aux choses, car elle en appelle à la visée intentionnelle qui fait naître les choses à la conscience. Or, le texte est lui-même une chose, selon une expression de Hans-Georg Gadamer que reprendra Ricœur. Mais il faut aussitôt ajouter que le geste de retour aux choses est aussi celui d’un questionnement à rebours qui refait le chemin de la genèse de la conscience. Il existe donc une herméneutique spécifique à la méthode de la phénoménologie qui repose sur la partition du montrer/cacher, dévoiler/voiler, décrypter/crypter. 2. C’est la rencontre avec Gadamer et avec Heidegger qui a permis à Ricœur de fonder son herméneutique sur la compréhension. Chez Heidegger, la compréhension qui, avant d’être un acte spécifique, définit une capacité de l’existence de l’homme, ne saurait se réaliser sans s’arc-bouter sur une impression primitive, celle qui provient de ce que nous sommes affectés par le monde, et sans s’exprimer dans le discours. En clair, nous ne comprenons les choses que si nous sommes à même de les dépasser en disant les diverses manières 3 dont elles nous affectent. C’est de ce modèle de la compréhension que Gadamer et, à sa suite, Ricœur vont faire, non sans l’infléchir, le principe de leur herméneutique. Comprendre, c’est comprendre le sens d’un texte dont, uploads/Philosophie/ anthropologie-philosophique-paul-ricoeur.pdf

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