Enjeux internationaux du monde contemporain (théorie) Sommaire Sommaire .......

Enjeux internationaux du monde contemporain (théorie) Sommaire Sommaire ............................................................................................................... 1 Introduction Aucun auteur/penseur/observateur ne peut prétendre avoir une connaissance parfaite et objective du monde. Inconsciemment, chaque individu est prisonnier de ses préjugés. En effet, les productions de la pensée humaine sont inévitablement liées aux circonstances historiques et à l’expérience vécue. GADAMER, théoricien pragmatique XIXe siècle disait : « toute théorie se situe dans le temps et dans l'espace, toute théorie a pour limite la subjectivité de son auteur ». La question des préjugés se subdivise ainsi : • Toute compréhension du monde relèvent d'une opinion qui résistera ou non à l'épreuve des faits. Ainsi, les lumières ont eu tort de sous-estimer la force de ces préjugés et d'imaginer qu'avec le concept de raison, eux- mêmes pourraient y échapper. Ceci est un problème prégnant car l'homme appartient d'abord à l'histoire et avant de connaître le monde, il comprend plus spontanément le monde dans lequel il vit. Ses préjugés, plus que son raisonnement, constitue la réalité historique de son être. • Toute théorie, tout acteur politique est impliquée dans une situation qui le conditionne : « un lieu où il se tient et qui limite la possibilité de sa vision ». Tout théoricien est conditionné par un horizon, c'est-à-dire par le « champ de vision qui comprend et inclut tout ce que l'on peut voir d’un point précis ». Cette limite concerne en premier l'observateur international dont la vision du monde, le plus souvent qu'il lui est inculqué, est nécessairement située. Elle frappe aussi la philosophie dont le principe de raison est contingent. Elle frappe de même les sciences de la nature, le philosophe et physicien allemand HEISENBERG estimant que dans les sciences physiques « l'homme, chaque fois qu'il essaie de s’instruire sur des choses qui ne sont pas lui- 1 même et ne lui doivent pas non plus leur existence, ne rencontre finalement que lui-même, ses propres constructions et les modèles de ses propres actions ». C'est l'opinion de COX, politolologue américain (plutôt d’obédience marxiste-gramscienne qu’herméneuticiens) : « Une théorie sert toujours quelqu'un ou un projet particulier. Toutes les théories ont une perspective. Ces perspectives ont une position dans le temps et dans l'espace, particulièrement dans le temps et dans l'espace politique et social ». Toute théorie est ethnocentrique, et ainsi, toute prétention universelle est au final une forme d'ethnocentrisme hypertrophié. C'est l'opinion du philosophe français TODOROV, corroboré par les guerres contemporaines. Pour les relations internationales, il faudrait donc faire le tour de toutes les pensées, pour embrasser toutes les visions du monde (Occident et Orient). Le problème est que dans les relations internationales, les théories sont plutôt rares et presque toujours d'origine anglo-américaines. Le souci de corriger ce défaut explique la nouvelle tendance des politologues contemporains à redécouvrir ces derniers temps les cultures nationales et les civilisations, redécouverte essentielle à la compréhension d’un monde qui ne cesse de se globaliser. Section I : Vision, paradigme, représentation, théorie et images en relations internationales Le philosophe américain Thomas SOWELL estime que les visions du monde, prétendu universaliste ou non, se partagent d'abord sur la question de la nature humaine. Il existe un clivage fondamental, au moins depuis le XVIIIe siècle : • une conception contraignante, pessimiste ou tragique • une conception ouverte, optimiste, voire utopique Pour SOWELL, ce sont de ces deux visions, avant tout instinctives, que dérivent les différents paradigmes qui traversent les siècles dans les sciences politiques et sociales. Pour lui, le paradigme serait issu de différentes systématisations, nuancés ou extrêmes, des deux visions opposées. La vision est en quelque sorte la matière première à partir de laquelle les théories vont être construites. Proche du concept de vision, on trouve le concept de paradigme, notamment réhabilité par l’épistologue américain KUHN dans les années 60, dont le travail a été revisité par autre Américain, VASQUEZ, qui définit le paradigme comme l'ensemble des présomptions fondamentales que les chercheurs cultivent sur le monde et qu'ils étudient. Il s'agit d'une matrice culturelle et idéologique qui produit les différentes représentations du monde. 2 La démarcation entre vision et paradigme n'est pas très évidente. D'autres théories américaines, comme celle de GOLDSTEIN et KEOHANE conserve le terme vision pour définir à peu près les mêmes choses que Vasquez et son paradigme quand ils expliquent que cette vision du monde est profondément imprégnée du symbolisme d'une culture est profondément marquée par des types de pensée et de discours. On devrait distinguer au sein même de la vision du monde 2 catégories d'idées : 1. Les concepts principiels ou normatifs qui font le lien entre la vision et l'action. Les principes de vision commandent aux politiques. 2. Les concepts causaux qui expliqueraient les relations entre la vision consensuelle d'une société, d'un groupe et l'autorité de ceux qui les dirigent. Ces visions relèvent avant tout de l'intuition. Pour devenir théorie, il leur faut s'articuler sur des concepts. Le philosophe français Henri BERGSON explique que si la vie procède directement de l'esprit, le concept lui est d'origine intellectuelle et apporte la clarté du raisonnement. Il précise qu'il y a une limite dans la mesure où « l'intelligence déforme, transforme, construit son objet ou n’en touche que la surface, n'en saisi que l'apparence ». Le concept est lui-même à l'origine des représentations que l'individu ou une société se fait du monde. Il est à l'origine des propositions quant à son organisation. Ce processus de représentations est aujourd'hui un objet d'étude ; il s'agit des sciences cognitives, c'est-à-dire les sciences de l'intelligence humaine. C'est donc à partir du concept que l'on va bâtir des théories, définies comme l'association d'une axiomatique1 et d'une méthode, capable de proposer des hypothèses ou des modèles si possible en congruence avec le réel. Parce qu'un même paradigme est à l'origine de plusieurs théories, il existe comme une sorte d'emboîtement culturel qui nous amène à des visions aux paradigmes, puis aux idées. Ses théories pouvaient ainsi être considérées comme les produits finaux des croisements des différentes propositions issues des différents paradigmes. Cependant, les visions du monde se résument le plus souvent à des images bien plus simples, loin de la théorie. Cette notion d'image a été introduite dans les années 60 par le sociologue américain BOULDING pour donner naissance ensuite à l'école perceptuelle (l'école des perceptions, bien représentée par le politologue JERVIS). 1 L’ensemble des propositions évidentes, de départ, qui font la base du raisonnement. 3 L'image contrairement à la théorie, n'est pas une proposition raisonnée mais n'est qu'une impression, une suggestion de quelque chose d'important, abandonnant une large marge d'interprétation au lecteur. Elle vise à simplifier, influencer, décrire une réalité complexe. Son caractère simplificateur a souvent un pouvoir de persuasion plus fort que celui des théories. L'image fournit en quelque sorte les présupposés des politiques et du public. Cela conduit à un certain scepticisme par rapport au discours international ; toute représentation est conceptuelle et toute théorie intentionnelle, qu'elle est un but pratique ou normatif. Aucun auteur/penseur/observateur, à la fois sujet et objet de l'Histoire, ne se débarrasse jamais complètement de ses préjugés. Rien d'étonnant à ce que les théories des relations internationales aient données lieu ces dernières années (post 2ème guerre mondiale) à une querelle de paradigme. En particulier quand une question aussi polémique que celle de la nature humaine (trop vite évacuée de la réflexion politique selon Pinker) revient en force à la suite des découvertes des sciences cognitives, neurosciences, science génétique. Sciences qui concernent les rapports biologie/culture et biologie/mental, que ne pourra ignorer indéfiniment la science politique, tant les recherches sur l’ADN, entre autres, sont source de révélations de plus en plus étonnantes ! Dès lors, la complémentarité plutôt que l’opposition des approches devrait s’imposer : ne plus concevoir les théories comme construites de façon à résister aux autres courants de pensée. Le dialogue inter-paradigmatique n'est pas évident et a du mal à émerger. Certains l’ont amorcé, tel BARKIN qui cherche à démontrer la compatibilité des approches réaliste et constructiviste (approche constructiviste-réaliste) : l’acceptation du rôle central de la puissance en politique internationale n’est pas contradictoire ni avec le rôle des idées, ni même avec l’existence et le changement des normes internationales. On retrouve d’ailleurs cette double approche chez Raymond Aron dans Paix et guerre entre les Nations en 1962 : « Le vrai réalisme, aujourd’hui, consiste à reconnaître l’action des idéologies sur la conduite diplomatico-stratégique ». Il semble donc judicieux d’aborder les relations internationales d’un point de vue pluraliste et global, sous l’angle d’un « holisme pragmatiste » de RORTY. Autrement dit d’une systémique stochastique, inter-ethnocentrique et contradictoire... §1. Ethnocentrisme et conception de la nature humaine Les propositions des herméneuticiens sont confirmées par les sciences cognitives qui font de l’esprit humain et de ces perceptions sa spécialité. 4 PINKER, spécialiste des sciences cognitives explique : la résistance des sciences sociales s’explique par les 4 grandes peurs modernes face aux problèmes que pose la nature humaine ; à savoir la peur de l'inégalité, de la perfectibilité, du déterminisme, du nihilisme. Selon lui, ce sont des peurs injustifiées par rapport aux interprétations les plus extrêmes. De uploads/Philosophie/ les-enjeux-theoriques-du-monde-contemporain.pdf

  • 31
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager