Cours sur l’art 2008 1 L’art est-il lié au beau ? On a coutume d’associer l’art

Cours sur l’art 2008 1 L’art est-il lié au beau ? On a coutume d’associer l’art au beau. Certes, on dit de certaines choses ou personnes, hors du domaine de l’art, qu’elles sont belles ou pas. Mais en même temps, quand on emploie le terme d’œuvre d’art, les idées de quelque chose d’exceptionnel, et de quelque chose de « beau », sont véhiculées. On a vu dans l’historique que depuis l’art contemporain, le caractère exceptionnel de l’art, de l’artiste, n’est plus un critère adéquat pour qualifier l’art. On a dit que l’art c’est tout simplement un moyen d’expression sensible, qui obéit à une certaine intention. Mais quelle intention ? Faire beau ? Plaire ? Pas si sûr, puisque l’œuvre est souvent destinée à nous questionner seulement (cf. Fontaine de Duchamp). Personne n’aurait l’idée de dire de cette œuvre « qu’elle est belle » ! Ni même « qu’elle est laide » ! La beauté ne semble donc pas non plus être un caractère adéquat à déterminer les caractéristiques d’une œuvre d’art.  Problème : On dira tout de même que l’œuvre d’art étant quelque chose de sensible, elle ne s’adresse pas à notre intellect avant tout, elle n’est par exemple pas « vraie » ou « fausse » ! Elle s’adresse tout de même de manière privilégiée à notre sensibilité/ subjectivité. En art, un artiste s’adresse à un individu, une communauté d’individus, c’est une subjectivité qui s’adresse à d’autres subjectivités, sur le mode de la subjectivité. On parlera alors tout de même, sinon, de beauté, d’appréciation sensible d’une œuvre d’art. Quand je me promène au musée, quand j’écoute de la musique, quand je vais au théâtre, je ne peux tout de même laisser mes sens ou ma sensibilité en veille ! Autant sinon lire une théorie de l’art, une critique de l’œuvre, etc. Ainsi, on retiendra tout de même que quand une œuvre d’art s’adresse à son public, celle-ci procure sur ce public un effet esthétique : on dit qu’elle nous plaît ou pas, qu’elle est belle, qu’elle est sublime. Il ne  Questionnement directeur : qu’est-ce que le beau ? Peut-être la beauté est-elle quelque chose de plus général que le simple fait de « plaire » ? Et, surtout, la beauté ne diffère-t-elle pas du simple fait de plaire aux sens, comme s’il s’agissait de saliver à la vue ou à l’écoute d’une œuvre, mais on contemple, on est ému, etc. Bref : le jugement c’est beau consiste-t-il à dire que ça me plaît ? Plaisir sensible, ou intellectuel ? La beauté est-elle une propriété inhérente à l’objet, ou bien n’existe-t-elle que dans notre esprit ? Enjeu : peut-on s’entendre sur la beauté de quoi que ce soit ? A- Sommes-nous déterminés à trouver quelque chose « beau » ? 1) Déterminisme physiologique et biologique –beauté et harmonie  Cf. symétrie : beauté = « harmonie », « perfection » : est belle, l’organisation des formes structurées… Il semblerait que nous ne puissions être libres de trouver quelque chose de beau ou pas ; nous prenons naturellement plaisir à la contemplation de telle organisation des formes, qui procurent un sentiment de détente, de sécurité…  Cf. recherches sociologiques contemporaines : le beau serait une sorte de déterminisme biologique, destiné à la reproduction de l’espèce 2) Problème : le beau, un jugement de connaissance ? le beau, entièrement objectif ? Conséquence n°1 Conséquence n° 2 ce qui est beau est conforme à certaines règles ou concepts… le scientifique peut alors découvrir le beau qui existerait « en soi », indépendamment de nous ! Le beau serait connaissable ! (note : ici, on peut dire à la fois « c’est beau » et « ça ne me plaît pas », puisque la beauté ne dépend pas de nous ! elle se connaît, elle ne se « sent pas » !). Pour déterminer si quelque un beau, prenons des compas, des règles, mesurons ! La beauté serait alors la même pour tous (dans les sociétés et dans le cours de l’histoire). Cours sur l’art 2008 2 Or : ne manque-t-il pas ici quelque chose ? Il nous manque quelque chose, l’effet produit sur nous par ce qui est contemplé. Est beau ce qui nous procure une sensation agréable. Dès lors, la beauté, si elle a à voir avec l’agréable, est subjective. (Elle dépend de chacun) Ce n’est pourtant pas, dira-t-on, le cas ! En effet, on sait que les critères du beau n’ont pas cessé de varier dans le temps et dans l’espace ! La beauté est culturelle ! TR : Alors, la beauté, plutôt subjectif qu’objective ? Etudions ce point à travers la thèse de Kant sur la beauté dans la Critique de la faculté de juger. B- Quand nous disons que la beauté est entièrement subjective, au sens de propre à chacun, nous confondons « beau » et « plaisir matériel » ; cf. Kant, Critique de la faculté de juger 1) la distinction plaisir matériel et plaisir sensible Est beau ce qui procure un plaisir esthétique ; c’est bien un plaisir sensible, mais pas un plaisir matériel. Pour bien nous faire comprendre cette distinction, Kant dit que le premier plaisir est désintéressé, et le second, intéressé. Pour bien comprendre ce que Kant entend par « plaisir sans intérêt », il faut savoir ce qu’il entend par « intérêt ». Est interessé un plaisir dans lequel vous prenez intérêt à l’existence de la chose, quand vous la désirez. Par contre, un plaisir est désintéressé, esthétique, quand on ne porte aucune attention à l’existence ou à la possession de l’objet. C’est ce qui s’appelle contempler quelque chose. Quand une chose vous procure un tel plaisir, et que vous dites « c’est beau », seuls comptent le pur spectacle de la chose, et l’état d’esprit qui l’accompagne. Plaisir sensible, certes Mais pas matériel Désintéressé (indifférence à l’existence de la chose) ; jugement libre, impartial ; on contemple Intéressé ; on veut, on désire ; jugement qui dépend de ma constitution physique ou de normes extérieures à moi : cf. agréable, utile, et bien (plaisir des sens, moyen à utiliser, but à atteindre) Vous allez objecter que quand vous jugez que telle jeune fille est belle, ou que telle robe est belle, vous les désirez. Mais ce que veut dire Kant, c’est que, pour juger de façon objective et impartiale de la beauté de quelque chose, vous devez être indifférent à son existence. Sinon, vous ne portez pas un jugement esthétique. Le jugement esthétique « pur » doit être « libre ». Cela permet à Kant de distinguer la satisfaction esthétique de la satisfaction liée à l’agréable, à l’utile, et au bien : « Est agréable ce qui plaît aux sens dans la sensation » : c’est le plaisir des sens, qui suppose l’existence de l’objet ; j’ai besoin alors que l’objet existe ; mais alors, je ne suis pas libre, et mon jugement est intéressé. Exemple de jouissance non esthétique : un simple plaisir du corps. Quand vous mangez des fraises, et qu’elles vous plaisent, vous allez dire : dites « ces fraises sont bonnes », vous n’allez pas dire « ces fraises sont belles » ! (« c’est bon » exprime l’effet que font sur vos papilles gustatives les molécules du sucre) Ce que nous jugeons utile et bien est nécessairement quelque chose dont nous voulons ou pourrions vouloir l’existence, soit comme moyen à utiliser, soit comme but à atteindre. Le plaisir esthétique, s’il est sensible, ou lié à une représentation sensible, n’est donc pas matériel. Il est libre et désintéressé, au sens où on prend du recul par rapport à l’objet ; on contemple, on ne veut pas la chose. 2) conséquence quant à la définition de la beauté : cf. texte de Kant : le beau n’a pas de signification (distinction beauté adhérente et beauté libre) Kant, Critique de la faculté de juger, §16, La beauté libre. « Beaucoup d’oiseaux, (le perroquet, le colibri, l’oiseau de paradis), une foule de crustacés marins sont en eux-mêmes des beautés, qui ne se rapportent à aucun objet déterminé quant à sa fin par des concepts, mais qui plaisent librement et pour elles- mêmes. Ainsi les dessins à la grecque, des rinceaux ou des encadrements ou des papiers peints, etc , ne signifient rien en eux- mêmes ; ils ne représentent rien, aucun objet sous un concept déterminé et sont de libres beautés. On peut encore ranger dans ce genre tout ce que l’on nomme en musique improvisation (sans thème) et même toute la musique sans texte » Cours sur l’art 2008 3 Enjeu : ce dernier aspect montre que Kant expulse de l’art, en plus des œuvres artisanales, les œuvres à visée éthique, politique, ou religieuse. On associe alors au beau la gratuité. On est loin ici de l’harmonie comme perfection mesurable !  Beauté et finalité sans fin Il veut dire que le jugement esthétique est nécessairement lié à la perception d’une relation finale. Est beau ce qui donne l’impression uploads/Philosophie/ art-et-beaute-l-x27-art-est-il-lie-au-beau.pdf

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