Yuji SUZUKI Philosophie Générale L1 – Philosophie M. Lapoujade DISSERTATION Suj

Yuji SUZUKI Philosophie Générale L1 – Philosophie M. Lapoujade DISSERTATION Sujet : Peut-on être assuré de détenir la vérité ? La question « Peut-on être assuré de détenir la vérité ? » est confuse. Que signifie « détenir la vérité » ? N’y aurait-il qu’une vérité, « la » vérité, universelle, de toute chose, que certaines personnes détiendraient ? Non, bien entendu. Par « détenir la vérité », on entend bien détenir la vérité d’une chose, avoir une idée vraie. « Être assuré » d’une telle chose supposerait alors, contrairement à en être certain, que quelqu’un, ou quelque chose, viendrait nous en assurer. En effet bien que la question initiale soit très floue quant au sujet (le pronom indéfini on), l’utilisation du verbe « assurer » suppose bien que quelqu’un, quelque chose, vienne assurer quelqu’un de quelque chose. Le problème que soulève cette question n’est donc pas de savoir ce qu’est une idée vraie, s’il est oui ou non possible de détenir une vérité, mais plutôt de chercher ce qui peut nous en assurer, nous garantir la véracité d’une chose, d’une idée. Qu’est-ce qui peut me permettre de distinguer le vrai du faux ? Sur quoi (ou qui) puis-je m’appuyer pour prétendre { la véracité d’une idée, { la connaissance d’une chose ? Pour répondre à ce problème, nous verrons dans un premier temps qu’il faut s’appuyer sur l’esprit humain. En effet c’est du célèbre cogito de Descartes qu’il faudra partir pour s’assurer de la première vérité : « je pense donc je suis ». Cette assurance d’être une chose pensante pourrait alors, d’après la formule de Saint Thomas d’Aquin « adequatio rei et intellectus », nous permettre de juger la véracité du monde extérieur. Mais, nous le verrons, cette proposition a des failles. Nous aborderons donc dans un deuxième temps la suite de la démarche cartésienne, consistant { la recherche d’un fondement, d’un premier principe, pouvant garantir les idées vraies. Ainsi, nous comprendrons la nécessité d’une méthode, comme Platon l’avait déj{ suggéré, pour atteindre un tel fondement, ne pas errer. Enfin, il faudra faire attention à ne pas tomber dans un cercle vicieux en cherchant une méthode de la méthode, puis une autre encore, sans quoi rien ne pourra commencer. Comment distinguer le vrai du faux, la vérité de l’erreur, c’est bien le problème que se pose Descartes au début des Méditations métaphysiques (1641) : « Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens ou par les sens ; or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs ; et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés.1 » Ainsi il nous faut douter de nos sens mêmes, de notre perception, car elle a pu déj{ nous tromper. En effet tout le monde a pu faire l’expérience d’un mirage, en regardant par un soleil éclatant une route au loin, et en croyant y voir un reflet, causé par une étendue d’eau ; ou plus simple encore, en mettant une paille dans un verre d’eau et en remarquant que sous certains angles, la paille paraît se plier, alors qu’en la sortant, on s’aperçoit qu’elle est toute droite. Ce sont des illusions d’optique, aujourd’hui connues, scientifiquement expliquées, mais qui montrent bien qu’on ne peut pas se fier aveuglément aux sens (ici la vue), qu’on ne peut se fonder sur la perception d’une chose pour la connaître. C’est pourquoi Descartes doute, car quantité de choses qu’il a pu considérer comme des vérités s’avèrent sans fondement. Il suppose alors que toutes ses perceptions sont fausses, que ses sens, son corps, sa mémoire, etc peuvent être les tromperies d’un « malin génie », que lui reste-t-il alors ? « il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé qui emploie toute son industrie à me tromper toujours : il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe2 » Le fait d’être trompé, de douter, prouve donc une chose : qu’il est. Non pas un être doté d’un corps, mais au moins une chose qui doute, une chose qui pense. C’est en cela que le fameux Cogito, ergo sum (je pense, donc je suis) est un fondement : il se prouve par lui-même, il s’assure lui-même. Il peut donc affirmer cette vérité car elle est fondée. Nous voyons donc comment Descartes que ce qui nous permet de distinguer le vrai du dubitable est le fondement. Il faut qu’une chose ait un fondement pour qu’elle soit indubitablement vraie. Une fois admise cette vérité de l’existence de l’esprit, chose pensante, le problème se pose alors de savoir comment distinguer le vrai du faux concernant les choses extérieures { l’esprit. Descartes aurait alors pu suivre Saint Thomas d’Aquin et sa proposition : « adequatio rei et intellectus », la vérité est l’adéquation entre la chose et l’esprit ; autrement dit, mon idée d’une chose est vraie si elle est conforme { ce qu’est la chose. Le fondement de l’idée vraie serait alors cette adéquation entre l’esprit et la chose, mais comment connaître la chose autrement que par l’esprit ? Kant dénonce ainsi ce diallèle : « La vérité, dit-on, consiste dans l'accord de la connaissance avec l'objet. Selon cette simple définition de mot, ma connaissance doit donc s'accorder avec l'objet pour avoir valeur de vérité. Or le seul moyen que j'ai de comparer l'objet avec ma connaissance, c'est que je le connaisse. Ainsi ma connaissance doit se confirmer elle-même ; mais c'est bien loin de suffire à la 1 René Descartes, Discours de la méthode ; suivi des Méditations métaphysiques, Flammarion, Paris, 1908, p. 66-67 2 Ibid., p. 73 vérité. Car puisque l'objet est hors de moi et que la connaissance est en moi, tout ce que je puis apprécier, c'est si ma connaissance de l'objet s'accorde avec ma connaissance de l'objet.3 » Ainsi l’affirmation de Saint Thomas d’Aquin est sans fondement car l’adéquation ne se fait pas entre l’esprit et la chose mais entre l’esprit et l’esprit, autant dire qu’il n’y a pas d’adéquation. Mais comment pouvons-nous, alors, s’assurer de connaître le monde extérieur ? Nous avons vu que le cogito de Descartes nous donnait accès a un premier fondement, une connaissance de soi comme chose pensante, mais comment connaître le monde extérieur à soi, comment trouver cette fois un fondement qui nous permette d’avoir une idée vraie sur une chose extérieure ? Comme nous l’a montré l’exemple de Saint Thomas d’Aquin, appréhender le monde extérieur pose problème car nous ne pouvons pas sortir de notre esprit, nous ne pouvons avoir qu’une idée subjective d’une chose et cela ne suffit pas pour la connaître. Nous avons étudié comme Descartes s’assurait lui-même d’une première vérité : son existence comme chose pensante, { partir du fait qu’il pense (fondement intérieur), mais pour distinguer les vérités du monde extérieur, peut-être nous faut-il un fondement extérieur. Suivons { nouveau la démarche de Descartes, car bien sûr, il ne s’arrête pas { cette seule vérité ; après y être parvenu, il commence à examiner toutes ses idées pour en déceler ne serait-ce qu’une qui témoignerait de l’existence de quelque chose en dehors de lui. De cet examen résulte une idée, celle de Dieu. « Partant il ne reste que la seule idée de Dieu, dans laquelle il faut considérer s’il y a quelque chose qui n’ait pu venir de moi-même. Par le nom de Dieu j’entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute connaissante, toute-puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s’il est vrai qu’il y en ait qui existent) ont été crées et produites. Or, ces avantages sont si grands et si éminents, que plus attentivement je les considère, et moins je me persuade que l’idée que j’en ai puisse tirer son origine de moi seul. Et par conséquent il faut nécessairement conclure de tout ce que j’ai dit auparavant que Dieu existe : car encore que l’idée de la substance soit en moi, de cela même que je suis une substance, je n’aurais pas néanmoins l’idée d’une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n’avait été mise en moi par quelque substance qui fut véritablement infinie.4 » Descartes trouve donc en Dieu un fondement, un premier principe extérieur. L’idée de perfection n’a pu être mise en lui que par un être parfait, donc par un être extérieur : c’est une idée innée. Le fait qu’il ait cette idée innée est donc le fondement de l’existence de Dieu, qui pourra alors garantir la vérité de ce que Descartes appelle les idées « claires et distinctes » : 3 Emmanuel Kant, Logique, Vrin, Paris, 1970, p. 54 4 René Descartes, op. cit., p. 92 Car, premièrement, cela même que j’ai tantôt pris pour une règle, à savoir que les choses que nous concevons très clairement et très distinctement sont toutes vraies, n’est assuré qu’à cause que Dieu est ou existe, et qu’il est un uploads/Philosophie/ dissertation-verite.pdf

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