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HAL Id: halshs-00985532 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00985532 Submitted on 30 Apr 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le rôle social des sciences : l’astronomie dans l’histoire de la modernité. Juliette Grange To cite this version: Juliette Grange. Le rôle social des sciences : l’astronomie dans l’histoire de la modernité.. Auguste Comte et le rôle social des sciences. L’exemple de l’astronomie., Oct 2007, PARIS, France. pp.85-100. ￿halshs-00985532￿ Juliette GRANGE Professeur à l’Université de Nancy Le rôle social des sciences : l'astronomie dans la philosophie comtienne des sciences Il convient de rappeler les grands traits de l'épistémologie comtiste dans la mesure où ceux-ci sont nécessaires pour saisir la place de l'astronomie dans l'histoire de la modernité occidentale1. 1) Le positivisme n'est pas un empirisme. Aucun fait n'a de sens s'il est examiné isolément, indépendamment d'un champ théorique, de la vérification d'une hypothèse, d'un procédé expérimental. La spécificité de la connaissance scientifique n'est pas de "s'en tenir aux faits", c'est l'étonnante nécessité de faire se rencontrer des faits et des hypothèses. L'empirisme et l'idéalisme par conséquent sont deux erreurs conjointes. « Car, si d'un côté toute théorie positive doit nécessairement être fondée sur des observations, il est également sensible, d'un autre côté, que, pour se livrer à l'observation, notre esprit a besoin d'une théorie quelconque. Si, en contemplant les phénomènes, nous ne les rattachons point immédiatement à quelque principe, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et, par conséquent, d'en tirer aucun fruit, mais nous 1 Pour une introduction à cet aspect de l'œuvre de Comte, voir l'édition des textes les plus connus dans Auguste Comte, Philosophie des sciences, Gallimard, coll. Tel, 1996. Et, bien entendu, le Cours de philosophie positive actuellement disponible chez Hermann en 2 volumes. 2 2 serions même entièrement incapables de les retenir ; et, le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos yeux2 ». Cette nécessité chaque science particulière l'interprète à sa manière. La théorie de la connaissance d'Auguste Comte réconcilie donc tout à fait volontairement les deux grands modes d'établissement de la vérité, antagonistes dans la philosophie moderne (le mode rationnel et le mode expérimental). 2) Plus précisément, chaque science pose des hypothèses de nature différente et définit des types de faits, c'est-à-dire détermine et révèle indirectement un des aspects d'un réel ou d'un ordre du monde qui n'est jamais lu directement mais auquel on se réfère. De ce réel ou de cet ordre du monde, les sciences nous fournissent donc des connaissances certaines et rigoureuses en même temps que relatives et partielles. C'est en ce sens précisément, pour des raisons que nous dirions plus “épistémologiques” que philosophiques, que le positivisme nous prescrit d'abandonner l'esprit d'absolu (la théologie, la métaphysique) et de reconnaître définitivement l'aspect approché des connaissances qui puisent dans leur limitation même leur validité. Des certitudes relatives, voilà ce que sont les vérités scientifiques. Ce relativisme n'entraîne aucun scepticisme et n'exclut pas par ailleurs l'applicabilité des connaissances3. 3) Il n'y a pas une science mais des sciences. On doit renoncer à l'idée héritée de la théologie d'unité de la science, en même temps qu'à l'idée métaphysique de connaissance entendue comme la rencontre entre un objet préexistant et sa représentation subjective. Après avoir expliqué le monde par la présence de dieux, puis par la lisibilité de la Nature il faut entrer dans le troisième état de la pensée (après la religion, après la métaphysique) l'état positif, celui de la relativité des connaissances, de la reconnaissance de leur nature en partie conventionnelle. 2 Première leçon du Cours de philosophie positive. Le Cours de philosophie positive, éd. Hermann, est signalé par le sigle CPP, l'indication du tome, suivie de celle de la page. Le Système de politique positive est signalé par le sigle SPP. 3 Un ouvrage récent traite du relativisme et de l'historicisme d'Auguste Comte, R. Scharff, Comte after positivism, New York, Cambridge University Press, 1995. 3 3 Il n'y a pas d'unité de la science, d'unique logique ou méthode de la connaissance scientifique. Il y a des sciences, présentant des parentés certes mais aussi beaucoup de différences. L'immense travail d'histoire et d'épistémologie des sciences de Comte (le Cours de philosophie positive) vise à décrire ces parentés et ces différences. Comparant les sciences fondamentales (mathématiques, astronomie, physique, chimie, biologie, science humaine), il vise à faire le point sur ce qui les sépare et les réunit. Un des problèmes fondamentaux dont traite Auguste Comte sera le suivant : la connaissance scientifique peut-elle approcher sur le même mode le domaine politique et social ? On a ici une théorie de la connaissance qui se veut héritière du rationalisme cartésien mais affirme aussi opérer son renversement : il n'y a plus de Discours de la méthode comme préalable au travail scientifique. Le philosophe ne peut définir les conditions de possibilité a priori de la connaissance. Il ne peut faire que le bilan de la connaissance scientifique. Et poser la question du sens de cette connaissance pour l'humanité (qui aime, croit, souffre). Le philosophe tire donc la leçon des différentes sciences qui vivent et se constituent sans lui, bien qu'elles aient besoin de la philosophie pour être considérées d'un point de vue “humain” (celui de la vulgarisation, celui de leur usage social et politique). Il n'y a pas plus d'unité du réel (ou de la nature) que d'unité de la science. Ce que l'on reconnaît comme vérité ou réalité dans les différentes communautés scientifiques concerne des mixtes de réel de et de rationnel, de sensible et d'intelligible, d'objectivité et de subjectivité. L'objectivité scientifique existe pourtant. Elle émane de l'intersubjectivité dans une communauté historique donnée (elle est relative donc à un moment de l'histoire). Cette communauté est constituée des savants d'une même spécialité. La science dans l'acception générale du terme existe bien hors des sciences particulières, elle existe comme phénomène social et historique. Elle est l'ensemble des sciences modernes considérées d'un point de vue 4 4 extérieur (par le philosophe)4. Le Cours de philosophie positive retrace donc l'histoire générale des sciences, comprise comme l'histoire des transformations sociales induites par les connaissances scientifiques. Comte constate qu'eu égard à l'extraordinaire fécondité de la connaissance scientifique, il n'y a plus d'Encyclopédie possible (alphabétique et complète) au sens des Lumières. La question de Comte alors sera : comment vulgariser ? Comment éduquer le peuple ? Qu'est-ce qu'un non-scientifique va comprendre et connaître ? Qu'est-ce que la science pour nous, individuellement et collectivement ? Retraçant depuis le début du Cours de philosophie positive l'histoire internaliste des sciences [leçons sur l'astronomie], Comte décale son propos vers l'histoire externaliste. Il franchit la frontière entre un intérêt interne (l'histoire des sciences) et externe (de sociologue et de philosophe). Ce passage est l'une des spécificités de son œuvre, souvent mal comprise. Astronomie. Les bases épistémologiques de la discipline du XVIIe au XIXe siècle. Si donc la mathématique est le premier accès à la connaissance dans sa dimension scientifique (c'est-à-dire dans la mesure où elle comporte en son centre l'abstraction mathématique), l'astronomie est le modèle même de l'entrée dans la scientificité. L'astronomie est « plus science qu'aucune autre » d'après Comte en particulier l'idée du mouvement de la Terre sera le modèle de l'inversion du rapport entre les hommes et le monde, entre le concret et l'abstrait qui caractérise la connaissance scientifique (l'humanité n'est plus au centre du monde, en même temps la connaissance du monde est d'abord construction humaine). Si la rupture d'avec le concret s'est faite en effet dans l'esprit et les écrits d'un très petit nombre de mathématiciens de l'Antiquité, elle se poursuit avec l'astronomie qui n'est pas une science 4 On peut dire qu'il y a dans le positivisme comtien des histoires internalistes des sciences (exposées dans chacune des séries de leçons du Cours de philosophie positive) qui seront unifiées du point de vue de l'histoire (externaliste, devenue l'histoire des sociétés modernes). 5 5 d'observation5. La rupture majeure avec l'anthropomorphisme, c'est-à-dire la rupture avec l'idée d'une humanité et d'une Terre au centre d'une nature créée par Dieu que l'astronomie moderne provoque, est essentielle. Elle permet que la science, dans la dimension sociale de son influence aussi, établisse la suprématie du “relativisme relationnel”. Car c'est en effet relativement à notre position dans le cosmos et à notre puissance de calcul et d'observation que nous connaissons planètes et étoiles. L'astronomie moderne aura donc un rôle social majeur dans la mesure où elle arrache collectivement, et dans l'esprit de Comte définitivement, les hommes aux attitudes mentales héritées des religions, à l'esprit théologique. Les persécutions engagées par l'Église envers Galilée témoignent si besoin était des enjeux culturels et religieux de ses recherches et résultats. C'est uploads/Philosophie/ astronomie-comte-2007-bis.pdf

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