Marc SAGE M2 LoPhiSC Cours de mise à niveau philosophique 2014-2015 M. Jean-Fra
Marc SAGE M2 LoPhiSC Cours de mise à niveau philosophique 2014-2015 M. Jean-François BRAUNSTEIN M. Christian BONNET Qu'est-ce qu'une loi de la nature ? S’il y avait une loi de causalité, elle pourrait se formuler : « Il y a des lois de la nature. » Mais à la vérité on ne peut le dire : cela se montre. L. WITTGENSTEIN, Tractacus logico-philosophicus (6.36) Introduction : discussion terminologique. En tant qu'être vivant, l'homme agit ; il agit dans et sur son environnement. Afin de pouvoir régler son action sur ses fins, il est naturellement amené à prédire les conséquences de ses actions, à tenter de contrôler son environnement, c'est-à-dire d'accéder – au moins partiellement – à la connaissance de ce dernier. L'expérience, au sens de ce qui est vécu (et non celle dans l'acception scientifique), nous enseigne à travers l'habitude les premières régularités de cet environnement objet – mais aussi source, voire sujet – de notre connaissance, de cette nature dans et sur laquelle nous agissons. La permanence de notre corps, l'écoulement de notre vécu, le lever du soleil en seraient des exemples frappants. Ces régularités, ces quasi-certitudes, font naître et nourrissent une pensée qui pourrait se formuler « ainsi sont les choses », érigeant cette dernière à la fois comme description du passé et comme norme à suivre pour notre futur : ainsi notre expérience nous induit-elle à formuler des lois de la nature. Même s'il faudrait sans doute plus de temps à l'habitude pour faire effet, nous observons tout au long de notre vie les caractères évolutif et mortel des êtres vivants : pourrait-on parler d'une loi biologique de la nature, d'une loi de nature biologique ? Le lever du soleil pourrait-il s'instituer en loi de nature physique ? Explorant les capacités de notre pensée, notre raisonnement peut- il être dit régi par des lois de la pensée, par les lois de nature logique ? Et les pensées que notre raisonnement connecte, censées nous apporter connaissance, expriment-elles dans leur forme pure quelque loi universelle, de nature mathématique ? Que dire enfin et plus généralement de l'apport des sciences humaines (qui comprennent mathématique, logique, histoire...) : ne nous apportent-elles pas des lois de nature humaine précisément ? Prenant nature au sens d'environnement, de monde (environnant), nous venons de suggérer quelques modes, ou caractères, c'est-à-dire différentes natures, selon lesquel(le)s ce monde est apparemment régi, légiféré : nous avons ainsi parlé de ses natures biologique, physique, logique, mathématique et humaine. Ainsi pensons-nous légitimement, à travers ce glissement grammatical du substantif nature aux modes natures, pouvoir décliner « lois de la nature » en autant de « lois de notre monde vu selon tel mode », « selon tel caractère », « selon telle nature » : c'est-à-dire en autant de « lois de telle nature de notre environnement ». Ces divers modes, ces multiples caractères du monde ou encore – forçons l'ambigüité pour mieux la dissiper – ces différentes natures de la nature fourniront autant de perspectives à notre travail, avant de conclure sur une éventuelle Nature qui les transcenderait toutes. Il convient ensuite de relever l'ambigüité du « de » dans « lois de la nature » : est-il génitif – and are we then speaking of Nature's laws? ou bien est-il complément du nom, alors interchangeable avec son adjectif correspondant naturel – and shall we then be dealing with natural laws? Dans le premier cas se dégagent deux axes de réflexion : « Pourquoi la nature posséderait-elle des lois ? En quoi cela concerne-t-il l'homme ? ». Nous reviendrons sur cette double nécessité des lois : existence et portée effective. Le deuxième cas nous semble seulement rappeler, via l'opposition nature-homme, que l'on ne parlera pas dans ce travail de lois humaines au sens d'un système judicio-législatif régissant une société : cette opposition, par cela même qu'on la nomme ainsi, soulève la question des rapports (et, disons-le dès à présent, de l'appartenance) de l'homme à la nature – et, partant, celle du rapport entre lois naturelles et lois humaines. Le « Tu ne tueras point » humain ne serait-il pas subordonné à quelque principe vital naturel ? Par ailleurs, dans un cas comme dans l'autre, nous devons dénoncer une deuxième ambigüité du « de » : que nous parlions de Nature's laws ou de natural laws, parle-t-on des lois qui s'appliquent à la nature ? ou bien des lois établies par la nature ? La dualité nature-homme soulève naturellement la question duale, qui marque peut-être plus clairement l'ambigüité : l'homme est-il législateur ou légiféré ? Ambiguïté donc des entités légiférantes et des entités légiférées – nous y reviendrons. Après avoir éclairé le substantif nature, devenu pour notre travail un mode, nous allons – bien plus brièvement – regarder le terme loi. Nous avons déjà évoqué son double visage descriptif-normatif, ainsi que la dualité créateur- subisseur. Un autre duo, sur lequel nous nous appesantirons, est celui de leur forme et de leur contenu : concernant la forme, dans quel langage sont-elles énoncées ? Peuvent-elles seulement énoncées ? Concernant le contenu : pourquoi cette énonciation devrait-elle précisément faire loi ? Pourquoi et comment se réalisent-elles ? En d'autres termes, qu'est-ce qui fonde leur légitimité, la validité de leur contenu, – lâchons le mot – leur causalité ? Nous nous proposons d'apporter quelques éléments de réponses aux questions soulevées à travers GALILÉE, Johannes KÉPLER, Isaac NEWTON, David HUME, Henri POINCARÉ, Pierre DUHEM, Erwin SCHRÖDINGER, Hans HAHN, Willam QUINE, Ferdinand GONSETH, Claude BERNARD, Georges CANGUILHEM, Henri BERGSON et Ludwig WITTGENSTEIN. Le livre de la nature (physique) est écrit en mathématique. L'idée de loi de la nature, permettant prédictions au sujet de et actions sur notre environnement, est à l'origine de la pratique scientifique moderne. Nous pouvons sans doute faire remonter cette idée aux travaux de GALILÉE sur la chute des corps, en particulier dans son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (1632), où, étudiant la chute libre d'une masse dans l'air, il observe la proportionnalité entre vitesse à l'impact et temps de chute (indépendamment de la masse du corps chutant). Ce fait d'expérience (vécue) établi en fait scientifique prend la forme de la loi v = g t où t est n'importe quel temps, v la vitesse du corps chutant au temps t (et g une constante prenant en compte la gravitation terrestre). Cette loi, très simple dans sa forme, possède une propriété remarquable : elle est formulée en langue mathématique. En effet, les grandeurs temps et vitesse (notions physiques) sont modélisés par leur mesures numériques (notions mathématiques), reliées par une opération mathématique (ici la multiplication) et par une relation mathématique (ici l'égalité). Cette propriété, que l'on retrouvera dans la plupart des énoncés de la science physique, est sans doute ce qui amena GALILÉE à écrire : La philosophie est écrite dans ce vaste livre qui constamment se tient ouvert devant nos yeux (je veux dire l’Univers), et on ne peut le comprendre si d’abord on n’apprend pas à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. Or il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont les triangles, les cercles et autres figures géométriques, sans lesquelles il est humainement impossible d’en comprendre un seul mot, sans lesquelles on erre vraiment dans un labyrinthe obscur. À la suite de GALILÉE, nous mentionnons KLÉPER et ses trois lois concernant la révolution des planètes de notre système solaire : cela pour donner des lois d'énoncés plus complexes mais qui ont justement fait loi (de par leur succès). Selon ces lois : chaque planète décrit une ellipse dont l'un des foyer est le soleil, sont égales les aires balayées par un segment joignant la planète considérée au soleil en des temps égaux, le carré de la période de révolution est proportionnelle au cube du grand axe de son ellipse. Nul doute : ces lois sont formulées dans un langage mathématique que le profane ne peut plus suivre sans l'avoir étudié. Un mot sur la genèse de ces lois : leur efficacité, le fait déconcertant qu'elle collent aux données astronomiques de l'époque, ne doit pas faire oublier que ces données (dont nombreuses sont dues à Tycho BRAHÉ) ont été un terreau fertile, quel que fût le génie de KÉPLER pour en induire ses lois, desquelles l'on peut déduire non seulement ces données (passées) mais encore déduire celles futures. Telle est du moins leur prétention, que les faits n'ont pas démentie à l'époque. Ceci brièvement en passant pour signaler la dualité induction/déduction encerclant toute loi. De KÉPLER nous devons passer à NEWTON, qui s'appuya grandement sur les lois de ce dernier pour énoncer sa loi de gravitation universelle dans son œuvre maîtresse Philosophiae naturalis principia mathematica (1687) (noter dans le titre la mention explicite à la nature et à la mathématique) dont on connaît le succès retentissant et qui fonda la mécanique éponyme. Les lois énoncées dans ces Principes furent écrites dans un langage vectoriel et différentiel, domaines mathématiques légèrement plus complexes que celui des lois de KÉPLER, afin de fournir des outils uploads/Philosophie/ dissert.pdf
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- Publié le Nov 01, 2022
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