La modalité du débat Heidegger/Hegel Identité ou différence ? L’espace au temps
La modalité du débat Heidegger/Hegel Identité ou différence ? L’espace au temps Gaëlle Jeanmart p. 103-114 https://doi.org/10.4000/philosophique.535 Plan | Texte | Notes | Citation | Auteur PLAN Identité... ...Ou Différence ? L’identité dans la différence : Heidegger selon son propre texte Haut de page TEXTE INTÉGRAL PDF Signaler ce document ▪ 1 « Protocole d’un séminaire sur la conférence “temps et être”. » In M. Heidegger, Questions IV, (...) ▪ 2 Ibid., Op.cit., p. 230. Propos de Alfredo Guzzoni, à qui l’on doit le protocole de ce séminaire (...) 1Lors du séminaire de 1962 sur la conférence Temps et Être, Jean Beaufret prit la parole pour dénoncer l’amalgame hâtif trop souvent fait entre la pensée de Heidegger et celle de Hegel : « Ainsi prévaudrait largement en France, annonçait-il, l’impression que la pensée de Heidegger est une reprise - comme approfondissement et comme élargissement - de la philosophie de Hegel »1. Lors de ce séminaire, qui abordait une pléthore de penseurs essentiels, seul Hegel d’ailleurs fut abordé en propre, et ceci « à cause de ce singulier état de choses qui veut que la pensée de Heidegger soit sans cesse et des manières les plus diverses comparée à la pensée de Hegel. » 2 2On peut stigmatiser ces comparaisons les plus diverses sous les bannières si différemment colorées de l’heideggérien Janicaud et du résolument pamphlétaire Renaut. Pour Janicaud, si la question du dialogue entre Hegel et Heidegger se formule plutôt dans le sens négatif, - « le dialogue finalement est-il impossible ? » -, c’est parce que leurs thèses semblent a priori diamétralement opposées. Janicaud souligne donc l’originalité de Heidegger, et met en évidence toute la différence qui sépare, à ses yeux, les thèses heideggériennes de celles de Hegel : ▪ 3 Janicaud, « Hegel - Heidegger, un ‘dialogue’ impossible ? », in Heidegger et l’idée de la phéno (...) «Comment articuler un dialogue entre des positions philosophiques aussi diamétralement opposées sur l’être, sur le temps et l’histoire, la vérité, la philosophie elle-même ? L’être, pour Hegel est le concept le plus immédiat et abstrait, il est surmonté dès le début de la Logique ; pour Heidegger, il s’impose - au contraire - comme ce qui mérite le plus d’être pensé. Pour Hegel, le temps n’est que « l’unité négative de l’extériorité » et l’histoire s’avère le processus nécessaire de retour à soi de l’esprit ; pour Heidegger, le temps est l’horizon transcendantal de la question de l’être ; quant à l’histoire, elle se révèle une « libre suite d’envois destinaux », sans aucune nécessité rationnelle. La vérité hégélienne est résultat spéculatif ; la vérité, pour Heidegger, est l’Unverborgenheit. La philosophie hégélienne assume l’ambition fichtéenne de construire une Wissenschaft ; Heidegger, en revanche, annonce que la philosophie doit « redescendre dans la pauvreté de son essence préalable » (...) c’est un défi presque impossible, extrêmement difficile à tenir que lance Heidegger en offrant un « dialogue avec Hegel ». 3 ▪ 4 Renaut, « La fin de Heidegger et la tâche de la philosophie », Études philosophiques, n° 4 (197 (...) 3À l’inverse, Renaut souligne la proximité existant entre les deux penseurs et voit en Heidegger simplement un hégélien, qui a désespérément tenté de « rouvrir le système » et de « retrouver (...) un extérieur du concept », de revenir au deuxième moment, moment du négatif, de la finitude, de la temporalité. Finalement, aux yeux de Renaut, la philosophie heideggérienne n’est rien de plus qu’une des nombreuses « entreprises post-hégéliennes [nées] pour contester la clôture [du système hégélien]... »4 4Quelle est donc la juste mesure entre ces positions adverses ? Heidegger est-il hégélien ou non- hégélien ? Quel est, entre différence et identité, le premier principe guidant son dialogue avec Hegel ? Faut-il être heideggérien pour relever la différence de la philosophie heideggérienne par rapport à celle de Hegel, et, réciproquement, hégélien (ou à tout le moins non-heideggérien comme l’est assurément Renaut) pour souligner l’identité ? C’est à ces questions que ce travail entend esquisser la réponse. Identité... ▪ 5 M. Heidegger, Chemins qui ne mènent nulle part, trad. W. Brokmeier, Paris, Gallimard (Tel), 199 (...) 5C’est tout évidemment, semble-t-il en tout cas, que l’on pense pouvoir conjuguer la pensée de Heidegger avec celle de Hegel ; les ressemblances, estime-t-on, ne sont pas sans affluer : chez Hegel aussi bien que chez Heidegger, la philosophie se trouve assignée et identifiée à sa propre histoire ; philosopher, pour l’un et l’autre, c’est faire de l’histoire de la philosophie. Ainsi, l’histoire véritable est-elle chez l’un comme chez l’autre une histoire de la pensée et non une compilation d’événements purement factuels ; Heidegger avance d’ailleurs que « Hegel est le seul penseur de l’Occident qui ait fait l’expérience pensante de l’histoire. »5 ▪ 6 Ibid., p. 248 : « pour la pensée qui entre dans l’avènement, l’histoire de l’être est terminée. (...) 6On pourrait être tenté encore de comparer à l’Ereignis heideggérienne (c’est-à-dire à l’accomplissement du destin de l’être, lequel se trouve avoir bordé la métaphysique dans toute sa longueur) l’Absolu hégélien (qui se trouve immanent, c’est-à-dire toujours déjà là mais en tant que non encore déployé, présence simplement potentielle et purement formelle, mais destinée à s’actualiser, à se déplier à travers l’histoire). L’Avènement n’est-il pas, en effet, ce qui guide la destinée de l’être, ce qui dirige sa déclinaison en divers modes d’étants et qui, une fois soi-même advenu, termine l’histoire ?6 ▪ 7 M. Haar, « Structures hégéliennes de la pensée heideggérienne de l’histoire », in Revue de méta (...) ▪ 8 A. Delp, Tragische Existenz. Zur Philosophie Martin Heideggers, Fribourg en Br., Herder, 1935, (...) ▪ 9 B. Hesbois, « Note inédite sur Hegel et Heidegger », in Rue Descartes, n° 7 (1993), p. 29. (Bir (...) 7Ainsi, il semble qu’il soit « devenu presque un lieu commun de souligner la proximité de la pensée de Heidegger vis-à-vis de la philosophie hégélienne. »7 En 1935 déjà, un ouvrage de Alfred Delp Tragische Existenz. Zur Philosophie Martin Heideggers, qui eut alors un certain écho en France grâce au compte rendu qu’en avait fait Alexandre Kojève, compare Hegel et Heidegger en ces termes : « ...dans des parties très étendues, le Dasein de Heidegger est simplement la transposition dans le fini (verendlichte Parallele) de Hegel. »8 Mais affronter Hegel et Heidegger en terme d’infinitude et de finitude, c’est faire une lecture heideggérienne de l’espace qui les sépare. Critiquant cette lecture heideggérianisée de Hegel, Kojève « essaie de se mettre au clair sur sa double lecture de Hegel via Heidegger et de Heidegger via Hegel. »9 8Ce même Kojève est aussi celui qui, fin des années vingt et début des années trente, avait réintroduit en France la pensée de Hegel ; ses hésitations, celles peut être de son beau-frère Koyré, n’auraient-elles pas constitué ce qui est en tout cas un moment de l’interprétation de Hegel et de Heidegger : leur confrontation constante, les rapprochements, les héritages dénoncés ou simplement illustrés, les proximités ? 9Peut-être. Mais il m’importe finalement assez peu de savoir la situation historique et factuelle qui a pu engendrer cet état de fait. Devant mesurer les héritages ou nouveautés de la pensée hégélienne vis-à-vis de la philosophie kantienne, Heidegger était confronté lui aussi à un débat confus et souvent partisan entre ceux qui choisissaient de souligner les dettes de Hegel à l’égard de la philosophie kantienne et ceux qui, à l’inverse, mesuraient les acquis de la pensée hégélienne. Et il refusait alors de laisser sa comparaison s’installer dans l’innocuité de ce qui est sans plus historiquement correct : ▪ 10 M. Heidegger, La Phénoménologie de l’Esprit de Hegel, trad. E. Martineau, Paris, Gallimard (NRF (...) « On peut remplir des volumes entiers avec de tel constats sur ce qu’Aristote tient de Platon, Descartes de la scolastique, Kant de Leibniz, Hegel de Fichte, mais cette soi-disant exactitude de la constatation historique est quelque chose de pire que la superficialité (...) ce type d’explication historique nous égare : il prétend nous dire ce qui s’est réellement passé dans la philosophie sans avoir besoin d’être le moins du monde concerné par la réalité du philosopher lui-même ! »10. 10Heidegger refusait de décrire et de constater les positions respectives des philosophes, pour les faire entrer en dialogue à partir de la problématique interne au système hégélien. Ainsi, décidés à laisser Heidegger dialoguer avec Hegel depuis sa problématique propre et avec la « guise » qui est la sienne, nous laisserons ce principe d’une comparaison philosophante transire au travers de nos analyses. Nous tenterons donc de lire le dialogue de Heidegger avec Hegel depuis les textes de Heidegger lui-même, depuis la façon dont Heidegger envisageait son propre rapport au penser hégélien. ...Ou Différence ? 11Pour donner sens à la critique des concepts hégéliens de temps et d’histoire qui affleure çà et là dans l’oeuvre de Heidegger, on ne peut en rester à la position de Renaut et faire de Heidegger un hégélien sans plus. Quel serait alors la signification des distances que Heidegger prend avec uploads/Philosophie/ la-modalite-du-debat-heidegger.pdf
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- Publié le Dec 31, 2021
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